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Le comité français de l’UICN s’oppose aux OGM et au forçage génétique

Par Christophe NOISETTE

Publié le 19/08/2021, modifié le 01/12/2023

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Dans un document publié en août 2021, à quelques semaines du Congrès mondial de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le Comité français de cette organisation internationale s’oppose clairement aux OGM, anciens ou nouveaux, et au forçage génétique.

« Le Comité Français de l’UICN s’oppose à l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés, par forçage génétique ou toute technique de manipulation des génomes et de leur fonctionnement, pour des applications dans le domaine de la protection de la nature. Il considère qu’il est bien plus urgent d‘agir directement sur les causes de l’érosion de la biodiversité que d’investir dans la fabrication d’organismes dont l’insertion dans des systèmes écologiques est nécessairement hasardeuse. Dans cette perspective, il souhaite que s’engage, au niveau national comme à celui de l’ensemble de l’UICN, une réflexion éthique approfondie, indépendante, pour apporter aux débats déjà en cours la contribution spécifique des acteurs de la conservation de la nature, axée sur les problèmes que posent ces évolutions technologiques quant à l’avenir des espèces, au fonctionnement et à l’évolution des écosystèmes« .

Ce texte est un extrait du manifeste du Comité français de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) intitulé « L’avenir du vivant, nos valeurs pour l’action », publié en août 2021, à quelques semaines de l’ouverture du Congrès mondial de cette organisation de protection de la nature.

Cette position claire sera probablement présentée à ce Congrès, qui se tiendra à Marseille, en septembre 2021. En effet, il y est prévu un débat et un vote sur une autre motion (motion 075) qui divise les membres de l’UICN. Cette motion, qu’Inf’OGM a déjà commentée [1] [2], soutient que les biotechnologies, dont la biologie de synthèse et le forçage génétique, peuvent être des outils pertinents dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité.

Dans ce manifeste, le Comité français de l’UICN reconnaît « que les avancées continues de la science sont le résultat de l’exercice légitime de la curiosité humaine », mais l’UICN « n’adhère pas à une vision de l’avenir proposant pour seule solution à la crise de la biosphère une inféodation toujours plus poussée à la technologie, fut-elle « éco- ou bio-inspirée », d’autant que bien des promoteurs de cette vision sont davantage en recherche de profits que soucieux du « mieux-vivre ensemble » ».

Construire une nouvelle éthique du vivant

Plus fondamentalement, « en tant qu’acteur de la conservation de la nature, le Comité français de l’UICN désire un monde où les humains se reconnaissent membres de l’ensemble de la biosphère, humblement respectueux des autres êtres vivants, leurs compagnons d’évolution, à quelque espèce qu’ils appartiennent« . Cette position permet de développer une nouvelle éthique du vivant, en rupture complète avec un des paradigmes de la civilisation occidentale. Le forçage génétique place délibérément l’être humain dans une position de supériorité car il lui donne une possibilité d’éradiquer ou de modifier des espèces entières. Ce comité reconnaît que l’idée occidentale que l’homme possède la nature n’est pas majoritaire parmi les cultures, et que la majorité des peuples autochtones pense l’humain comme appartenant à la terre nourricière. Le Comité écrit ainsi : « Aussi étrange que cela puisse paraître à nos yeux d’occidentaux, un chasseur autochtone qui remercie la proie qu’il a dû abattre a peut-être autant à nous apprendre sur notre relation à la nature qu’un audacieux biologiste manipulateur de gènes« . Le Comité invite donc à une remise en cause radicale de nos traditions philosophiques, juridiques et politiques.

L’opposition aux OGM et au forçage génétique découle de cette réflexion éthique et s’insère dans ce que le Comité français de l’UICN appelle « l’interférence minimale » : « toute action devrait être conçue et conduite de telle manière qu’elle interfère le moins possible avec les processus biologiques et écologiques spontanés« .

Le Comité précise ainsi que « de ce point de vue, le développement d’organismes génétiquement modifiés soulève de délicates questions : on pourrait être tenté de qualifier d’interférences minimales des manipulations moléculaires qui sont de plus en plus ciblées, alors que l’introduction dans les écosystèmes d‘organismes ainsi produits pourrait générer des interférences graves à l’échelle de certaines populations, voire à celle de vastes communautés d’espèces. Aujourd’hui, des promoteurs des « nouveaux OGM » produits grâce au forçage génétique envisagent aussi bien de lutter contre des espèces envahissantes que de récréer des espèces éteintes. (…) Outre les risques spécifiques que ces techniques présentent – risques qui sont loin d’avoir été complètement évalués –, elles posent des questions éthiques fondamentales, concernant la possibilité de reconstituer des espèces disparues, ou de créer des organismes qui n’existent pas et n’auraient peut-être jamais existé« .

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