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UE – Pioneer veut vendre un maïs transgénique modifié via Crispr

Par Eric MEUNIER

Publié le 27/04/2021, modifié le 01/12/2023

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L’Union européenne a reçu en décembre 2020 une demande d’autorisation commerciale déposée par Pioneer pour l’importation d’un maïs transgénique. Originalité de la demande : le complexe Crispr/Cas a été utilisé pour insérer un des transgènes. Ce maïs a été modifié pour produire un insecticide et tolérer des herbicides, à l’instar de la très grande majorité des OGM transgéniques commercialisés depuis les années 90. Les experts européens vont maintenant se pencher sur le dossier.

Le résumé [1] fourni par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) de la demande d’autorisation décrit que ce maïs, nommé DP-915635-4, contient des constructions transgéniques visant à lui conférer des caractéristiques de tolérance à des herbicides à base de glufosinate et de production d’une protéine tuant la chrysomèle des racines du maïs. Pour ce qui est de ces caractéristiques, rien de nouveau donc : c’est un maïs lié à des pesticides comme la quasi totalité des OGM autorisés actuellement. Une originalité se trouve néanmoins dans ce dossier. Pioneer explique avoir utilisé le complexe protéique Crispr/Cas pour insérer un des transgènes, dans le cadre d’un protocole de modification génétique en deux temps.

Une nouvelle technique pour des caractéristiques classiques

Dans un premier temps, des cellules isolées et cultivées in vitro de maïs ont été bombardées pour y faire pénétrer une construction codant pour le complexe Crispr/Cas (qui sera alors exprimé par la cellule). Ce complexe coupe l’ADN et, à cet endroit, est insérée une construction transgénique que Pioneer nomme « piste d’atterrissage ».

Dans un second temps, d’autres constructions transgéniques sont insérées dans les mêmes cellules en utilisant la bactérie Agrobacterium tumefaciens. Ces dernières codent pour une protéine insecticide qui tuera la chrysomèle et pour une tolérance à des herbicides à base de glufosinate. Ces constructions ont vocation à s’insérer dans la séquence d’atterrissage préalablement introduites dans le génome. Le résumé du dossier rendu public soutient que seules les séquences transgéniques conférant les nouvelles caractéristiques seraient présentes dans le maïs OGM. Les séquences codant Crispr/Cas seraient, elles, absentes, même si Pioneer ne l’écrit pas spécifiquement.

Toujours selon le résumé du dossier, Pioneer explique que ce maïs a fait l’objet « d’essais en champs aux États-Unis et au Chili ». Ces essais en champs ont permis à Pioneer de récolter les données nécessaires à la constitution de sa présente demande d’autorisation commerciale. Le dossier précise que ces essais ont été conduits en 2019 aux États-Unis et au Canada (ce dernier pays n’est paradoxalement pas cité dans les pays ayant fait l’objet de demande d’autorisation d’essais).

Et Pioneer indique sans plus de détail que « des demandes d’autorisations commerciales pour la culture et/ou l’alimentation humaine et animale ont été ou vont être soumises dans plusieurs pays autour du monde ».

Une clarification involontaire ?

Depuis plusieurs années, les industriels affirment que les organismes modifiés par Crispr ne doivent pas être considérés comme des OGM. Cette généralisation simplificatrice des protocoles de modification génétique a pu laisser croire qu’utiliser Crispr suffisait à renseigner la nature de la modification génétique introduite dans un génome. Emmanuelle Charpentier, profitant de l’écho médiatique conféré par la réception du prix Nobel en 2020, affirmait ainsi qu’il « est important de comprendre que les technologies, en tout cas pour Crispr, donnent des plantes qui ne sont pas génétiquement modifiées de la même façon que les OGM » [2]. Confirmant son souci d’opposer Crispr et OGM, la scientifique entrait dans le champ juridique en expliquant que « la communauté scientifique s’érige contre la décision de la Cour européenne de justice qui a assimilé les plantes modifiées par Crispr à des OGM ».

Or nommer une technique d’après un des outils qu’elle utilise conduit à des erreurs de raisonnement. L’indication d’utilisation d’un outil comme Crispr n’implique en rien la nature de la modification génétique effectuée. Crispr peut être utilisée dans un processus technique sur cellules cultivées in vitro visant à : i) insérer des séquences génétiques (transgenèse, cisgénèse…) ; ii) insérer des mutations (mutagénèse dirigée) ; ou iii) retirer des séquences génétiques (délétions). Surtout, la Cour de Justice de l’Union européenne n’a pas assimilé « les plantes modifiées par Crispr à des OGM » : elle a réaffirmé que toute nouvelle technique de modification génétique donne des OGM [3]. En effet, conformément à la définition européenne, ces techniques modifient le génome « d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » (Directive 2001/18). Elle a aussi ajouté que ces OGM doivent être réglementés quand les techniques utilisées n’ont pas d’historique d’utilisation sans risque suite à diverses utilisations commerciales.

Pioneer a bien utilisé Crispr pour insérer une séquence transgénique et son maïs est donc un OGM qui doit être réglementé. Ce dossier confirme donc que Crispr n’est pas une technique en soi mais un outil utilisé dans le cadre de technique de modification génétique.

[1« Request for placing on the market of genetically modified DP-915635-4 maize for food and feed uses, import, processing, excluding cultivation (EFSA-GMO-NL-2020-172) », Dossier référence GMO – EFSA-Q-2020-00834, accessible sur le site de l’AESA après enregistrement.

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