n°163 - avril / juin 2021

L’esprit des textes

Par Annick Bossu

Publié le 01/04/2021

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La veille de Noël 2020, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a été adoptée. Un rapport annexé présente l’orientation future de la recherche en France. Il fait écho d’une part, à la loi de bioéthique initiée en 2018 qui pourrait être prochainement adoptée par l’Assemblée nationale et, d’autre part, à l’avis du comité d’éthique commun Inra, Cirad, Ifremer (ICI) de 2016 sur les nouvelles techniques de manipulation génétique des plantes. On trouve dans ces documents le même esprit, le même discours et les mêmes desseins.

Après un constat global concernant le climat, la biodiversité ou la santé, les bonnes intentions sont affichées : « gérer la complexité », « aller vers plus de résilience » pour « bâtir un monde habitable respectueux du vivant » dans la LPPR, maîtriser et encadrer les risques, dans la loi de bioéthique et dans l’avis commun ICI.

Dans ces textes, face aux constats, les autorités scientifiques et politiques en France proposent une seule remédiation : la science… Traduisons : la techno-science. Pour guérir la planète et les Hommes, il faut développer : biotechnologies, biologie de synthèse, numérisation et intelligence artificielle (IA), géo-ingénierie, le tout bien protégé par des brevets. La recherche devrait conduire, par exemple, à une agriculture numérique et de précision, loin des savoirs faire et des savoirs être des paysans dont il n’est plus question. La prise en compte des causes des problèmes globaux, bien que citée, est totalement absente.

De même, dans la loi de bioéthique actuelle, il ne s’agit plus de « respecter des principes éthiques forts » comme écrit dans le rapport de la loi en 2011, mais de « réinterroger les principes de la bioéthique à l’aune des dernières évolutions scientifiques ».

Qu’importe si la numérisation du vivant ne modélise qu’une partie de celui-ci, les séquences d’ADN ou d’ARN ; qu’importe si l’IA et la robotisation appliquées au vivant réduisent celui-ci à un flux d’informations, il est indispensable d’acculturer les citoyens à la « rationalité scientifique » pour qu’ils « reprennent confiance en la science » (LPPR et avis de l’ICI). Il est question aussi de les faire « participer » à la construction de cette science et de former les journalistes [1].

En utilisant des arguments d’autorité, ces textes ont en commun d’imposer aux citoyens un avenir technologique : à nous de leur confronter notre esprit critique.

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