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OGM : mutations involontaires sur des embryons humains

Par Christophe NOISETTE

Publié le 02/04/2021, modifié le 01/12/2023

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Des chercheurs du Francis Crick Institute, à Londres, ont modifié génétiquement des embryons humains en utilisant la technologie Crispr. Constat : plus de la moitié des embryons contenaient des mutations involontaires et de larges délétions (pertes) de séquences ADN.

Kathy Niakan et ses collègues, chercheurs au Francis Crick Institute (Londres), ont utilisé Crispr-Cas9 pour supprimer un gène nommé POU5F1 chez 18 embryons humains. Lorsqu’ils ont procédé au séquençage génétique d’un chromosome, ils se sont aperçus que dix embryons présentaient de graves anomalies dont quatre avec des délétions ou des additions de séquences directement adjacentes à l’endroit où l’ADN avait été cassé. On parle alors de mutations on target (pour les différencier des mutations off target, qu’on nomme en français effet hors cible). Leurs résultats sont disponibles via le site bioRxiv [1] où l’on lit : « Nos observations sont cohérentes avec les résultats récents indiquant la complexité des sites ciblés après l’édition du génome par Crispr-Cas9« .

De nombreuses suppressions de séquences génétiques

Les chercheurs soulignent que leurs travaux corroborent d’autres résultats obtenus par d’autres instituts de recherche. En introduction de leur article scientifique, ils relatent les différents articles qui soulignent des délétions importantes involontaires ou des niveaux élevés de mosaïcismes après avoir tenté de modifier en utilisant Crispr des embryons humains ou de souris. Ainsi, Adikusama et al. ont [2] modifié via Crispr 127 embryons de souris et ont détecté de grandes délétions (entre 100 paires de bases – pb – et 2,3 kilo bases – kb) dans 45 % de leurs échantillons. Dans le même ordre d’idées, Kosicki [3] et ses collègues ont observé de grandes délétions (jusqu’à 6 kb) et d’autres lésions génomiques complexes à des fréquences de 5 à 20 % de leurs clones après avoir ciblé deux loci (endroits du génome) dans deux lignées de cellules souches embryonnaires de souris. De même, l’Inserm écrit sur son site : « Dans environ 60% des cas, [Crispr] entraîne (…) des modifications non souhaitées du gène cible et peut, dans certaines conditions, induire des pertes de morceaux de chromosomes » [4].

Les problèmes rencontrés semblent liés dans les embryons humains précoces à une faible efficacité de la réparation de l’ADN après que celui-ci ait été coupé par Crispr. Ainsi, pour éviter ces réparations aléatoires, François Moreau-Gaudry, chercheur à l’Inserm, travaille « sur une nouvelle méthode de CRISPR-Cas9 où la nucléase, qui coupe les deux brins de l’ADN, est remplacée par une nickase, qui coupe seulement un des deux brins » [5]. Il explique : « Le risque de perte de matériel génétique aux extrémités des chromosomes devient alors quasiment nul  ».

La nuance ne résiderait-elle pas dans ce « quasiment » ?

[2F. Adikusama, et al., « Large deletions induced by Cas9 cleavage ». 560, E8–E9 (2018)

[3M. Kosicki, K. Tomberg, A. Bradley, « Repair of double-strand breaks induced by CRISPR–Cas9 leads to large deletions and complex rearrangements ». Nature Biotechnology 36, 765–771 (2018)

[5Ibid.

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