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Nouveaux OGM : la France ne respecte pas sa Justice

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 09/02/2021

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Il y a un an, le Conseil d’État déclarait que les produits obtenus par les nouvelles techniques de mutagénèse (dirigée et aléatoire, appliquée sur culture de cellules végétales) sont des OGM devant être réglementés comme tels, et ordonnait au gouvernement d’agir en conséquence. Malgré un début d’élaboration de textes, le gouvernement est aujourd’hui dans l’illégalité due au retard pris dans la mise en œuvre de la décision du Conseil d’État. Parallèlement, plusieurs acteurs, dont la Commission européenne, travaillent à remettre en cause le statut OGM réglementés des produits obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique. Ce retard serait-il donc intentionnel ?

Le 7 février 2020, le Conseil d’État ordonnait au gouvernement, « dans un délai de six mois  » et après avis du Haut Conseil des biotechnologies, d’établir « la liste limitative des techniques ou méthode de mutagénèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». Avec ce critère d’historicité sans risque, il reprenait l’analyse portée par la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2018 qui distinguait ainsi les techniques de mutagénèse qui produisent des OGM soumis aux obligations de la réglementation sur les OGM (évaluation, autorisation, suivi, étiquetage) de celles qui produisent des OGM exemptés de ces obligations. Sur ce volet législatif, le gouvernement avait jusqu’au 7 août 2020 pour modifier la loi française.

Le Conseil d’État avait par ailleurs donné neuf mois au gouvernement pour identifier et retirer du catalogue national des variétés celles qui y auraient été inscrites « sans que soit conduite l’évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir » [1]. Ce travail aurait donc dû être accompli au plus tard le 7 novembre 2020.

Du retard à l’allumage

Pour appliquer l’arrêt du Conseil d’État, en mai 2020, soit trois mois après, le gouvernement avait rédigé trois projets de textes réglementaires [2], qu’il choisissait de porter au niveau européen en les notifiant à la Commission européenne. Cette procédure, appelée TRIS, permet à l’UE et aux États membres de commenter voire objecter des projets de réglementations nationales. Les parties prenantes concernées sont elles aussi invitées à soumettre leurs commentaires. La Commission européenne, de même que cinq autres États membres, avaient réagi en août 2020 en publiant un « avis circonstancié », c’est-à-dire une objection. Le gouvernement français disposait alors, selon cette procédure, de 3 mois supplémentaires, soit avant le 9 novembre, pour répondre à ces objections puis décider d’adopter en l’état, de modifier ou de retirer ses propositions. Mais depuis, rien. Alors même que cette procédure n’annule pas les injonctions du Conseil d’État !

Des parlementaires français ont commencé dès fin octobre à questionner le gouvernement de manière insistante [3] sur l’avancement de son travail sur le sujet. L’occasion pour le gouvernement de dire fin décembre 2020, alors qu’il a déjà quatre mois de retard pour ce qui est de modifier la loi française, que le travail de lecture des avis européens reçus est toujours en cours et qu’il prévoit toujours une application prochaine de la décision de justice sans pour autant fournir aucun calendrier plus élaboré [4]. Très récemment le ministre de l’Agriculture a déclaré que les nouvelles techniques de modification génétique ne produisent pas des OGM [5]. Une prise de position conforme aux souhaits de l’industrie semencière qui explique peut-être le retard du gouvernement à mettre en œuvre une décision du Conseil d’État officialisant justement l’inverse, conformément au droit européen !

Entre temps, les choses bougent

Dès octobre, les neuf organisations françaises à l’origine du recours [6] qui a donné lieu à la décision du Conseil d’État, l’ont à nouveau saisi, cette fois d’une requête en référé pour non-exécution de ses décisions. Dans leur communiqué de presse, elles expliquent considérer notamment que le gouvernement « a choisi de s’enfermer dans une procédure totalement inappropriée de consultation de la Commission européenne qui est normalement réservée aux mesures techniques pouvant avoir un lien avec une réglementation européenne« .

Une décision du Tribunal de justice de Perpignan reconnaît début décembre un danger effectif et actuel au profit d’un faucheur volontaire d’OGM. Le juge, qui a caractérisé un état de nécessité pour les actions du faucheur, l’a accompagné d’une relaxe [7].

De son côté, la Commission européenne continue d’avancer sur une étude que lui ont commandée les États membres sur le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union à la lumière de l’arrêt de la CJUE. Un rapport est attendu pour fin avril. Un rapport dont l’objectif, selon une réponse du ministère de la Transition écologique et solidaire à Inf’OGM, est « de préciser ou de faire évoluer l’encadrement réglementaire qui date de 2001, pour tenir compte de l’évolution des techniques depuis 20 ans ». Il pourrait donc, le cas échéant, aboutir à «  une proposition de révision de la réglementation OGM ou à d’autres mesures »…

Un année après les injonctions du Conseil d’État du 7 février 2020, le gouvernement n’est toujours pas au bout de la procédure. Il lui reste notamment à mettre en place une consultation publique en France sur ses projets de décrets et à les publier. Une consultation dont le calendrier n’est donc à ce jour toujours pas connu.

Quand le gouvernement français mettra-t-il en œuvre l’arrêt du Conseil d’État ? Un rappel à l’ordre pourrait lui venir de ce même Conseil d’État dont la décision sur le recours pour non exécution des organisations de la société civile est attendue dans les semaines qui viennent…

[3Cinq questions portées par des sénateurs/sénatrices (les questions n°18456, n°18457, N°18631, n°18765 et n°19909) et deux questions issues de député.es (n°33277 et n°33475).

[6Amis de la Terre, Confédération Paysanne, CSFV 49, OGM-dangers, Nature et Progrès, Réseau Semences Paysannes, Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OGM 33, Vigilance OG2M.

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