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OGM – États-Unis : Vilsack, lobbyiste, de nouveau à l’Agriculture

Par Christophe NOISETTE

Publié le 21/01/2021

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Ministre de l’agriculture de Barack Obama de 2009 à 2017, Tom Vilsack a été nommé à ce même poste en décembre 2020 par le nouveau président élu, Joe Biden [1].

Démocrate depuis de nombreuses années, Tom Vilsack a toujours été un vif défenseur d’un développement des biotechnologies agro-industrielles. Nous avions déjà mentionné en 2009 [2] des éléments qui montrent ce soutien. Depuis, il a continué sans faillir à cette politique. Ainsi, il a reçu à deux reprises le soutien de la Biotechnology Industry Organisation (BIO), un puissant lobby des OGM : en septembre 2001, quand il est nommé « gouverneur de l’année  » et en 2019, quand il reçoit le 12e prix annuel George Washington Carver pour l’innovation en biotechnologie industrielle [3] [4]. En réaction à sa nomination, Tom Vilsack a déclaré : « Chaque jour, des scientifiques et des chercheurs de la bio-industrie aident à relever le double défi de l’adaptation et de l’atténuation des conséquences du changement climatique tout en augmentant notre capacité à nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse de manière sûre et durable ».

Gouverneur, ministre, et toujours avocat des biotech

En 2002, aux États-Unis, une récolte de soja destinée à l’alimentation humaine avait été détruite car contenant du maïs transgénique produisant des molécules pharmaceutiques [5]. En réaction, l’organisation BIO avait annoncé un moratoire sur la culture de plantes transgéniques produisant des molécules pharmaceutiques ou industrielles dans les régions de maïsiculture destinée à l’alimentation animale et humaine (Iowa, Illinois et Indiana). T. Vilsack, alors gouverneur de l’Iowa, a alors adressé une lettre à la BIO, la priant de revenir sur sa décision. Et il a aussi en 2005 signé la loi House File 642, qui interdit aux gouvernements locaux (comtés) de réglementer la culture génétiquement modifiée.

Après avoir quitté ses fonctions à la fin de son deuxième mandat en 2007, il est nommé à l’Institut de biosécurité des produits agricoles génétiquement modifiés de l’Université de l’état de l’Iowa (Iowa State University’s Biosafety Institute for Genetically Modified Agricultural Products) [6] aux côtés de représentants de Monsanto, Dupont’s Pioneer Hi-Bred et de la Banque mondiale. À la même époque, il a rejoint le cabinet d’avocats d’affaires Dorsey & Whitney, lequel compte parmi ses clients, Monsanto [7], Cargill et Conagra. Selon le site web de Dorsey & Whitney, Vilsack a été engagé pour se concentrer sur « le conseil stratégique et le conseil aux clients dans les domaines des économies d’énergie, des énergies renouvelables et du développement de l’agrobusiness« .

Vilsack plébiscité par les entreprises de biotechnologies


« Tom Vilsack a été l’un des premiers gouverneurs à voir les promesses de la biotechnologie. Il a une vision très équilibrée de l’agriculture et comprend son potentiel«  [8].

Ted Crosbie, vice-président de la sélection végétale mondiale et directeur des opérations de Monsanto dans l’Iowa

« Le gouverneur Vilsack serait un choix remarquable pour le secrétaire à l’agriculture. Il apporterait un grand leadership et une grande expérience à ce poste. Le gouverneur Vilsack comprend ce qu’il faut pour accroître la productivité agricole afin de répondre à la demande mondiale croissante de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux«  [9].

Paul Schickler, président de Dupont’s Pioneer Hi-Bred

En tant que ministre de l’Agriculture, il est aussi l’auteur de la loi controversée sur l’étiquetage. En effet un mois après la loi sur l’étiquetage adoptée par le Vermont, le gouvernement Obama adopte la loi S-764, aussi appelée « Loi Monsanto  », qui permettrait aux compagnies de dissimuler la présence d’aliments génétiquement modifiés (GM) dans leurs produits en les « étiquetant  » avec un code QR, un symbole ou même un numéro de téléphone 1-800. Du fait de la hiérarchie des lois, cette dernière rendait obsolète celle du Vermont. Cette loi est source de confusion. Par exemple, elle impose le terme bioengineered, un terme inconnu du grand public et sera source de confusions. À la place des acronymes habituellement usités GMO pour OGM ou GE pour genetically engineered (génétiquement modifié), bioengineered sonne plus proche de biotechnology, ce que les consommateurs américains, selon l’ONG Center for Food Safety, auront plutôt tendance à rapprocher de biomedical technology (technologie biomédicale) [10]

En juin 2014, lors des négociations avec l’Union européenne du TTIP (un accord de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne), le ministre Vilsack a demandé que cet accord soit « basé sur la science » : « la science est un langage commun… Nous allons travailler pour nous assurer que des accords soient trouvés, et qu’ils respectent la « science saine » » [11] . L’idée de la « science saine » est un concept issu de l’industrie. Il est utilisé principalement par ceux qui défendent les biotechnologies végétales. Inf’OGM a, à plusieurs reprises, démontré la perversité de cette notion. Vilsack, à cette réunion, déclarait : « Laissons la science nous dicter… comment résoudre ces problèmes », à propos des questions commerciales controversées telles que la biotechnologie, les indications géographiques, le clonage et les règlements sanitaires et phytosanitaires (SPS).

Un défenseur convaincu du libre échange

Après son mandat en tant que ministre, il a été président et directeur général du Conseil américain des exportations laitières (USDEC) et à ce titre, il a aussi œuvré en faveur des biotechnologies agricoles et a continué de dénoncer avec virulence l’étiquetage des OGM. Il a été secondé à ce poste par Krysta Harden [12]. Cette dernière a été, de 2013 à 2016, vice-ministre de l’agriculture sous la mandature de Vilsack, avant d’occuper une place importante dans l’entreprise Dupont [13] et de travailler pour l’Association américaine des producteurs de soja. Tom Vilsack a défendu les accords de libre échange… autant avec le Pacifique qu’avec le Mexique et le Canada [14].

On aurait tort de croire que ces passages du privé au public (et vice-versa) soient l’apanage des États-Unis (voir encadré ci-dessous).

Le sénateur Bizet démissionne pour rejoindre un cabinet de lobby


Le sénateur de la Manche, Jean Bizet, a démissionné de son mandat le lundi 30 novembre 2020. Ce Républicain, ardent défenseur des biotechnologies végétales, a été embauché par APCO Worldwide, un cabinet international de lobbying. Interrogé par France Bleu Normandie sur le fait que ce changement peut interpeller, il répond : « Quand on me connaît bien, ça n’a rien de surprenant. J’ai toujours marqué un penchant pour l’économie plus que pour la politique ».

APCO a pour mission de « conseiller les entreprises plutôt américaines, mais aussi européennes dans leur positionnement face à une conjoncture un peu mouvante avec tous les problèmes géopolitiques et financiers », précise encore celui qui dirigea pendant de nombreuses années l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST).

La plus-value pour APCO est que Jean Bizet pourra donc apporter une connaissance très précise des milieux parlementaires et politiques français et européens. Il a été sénateur pendant 25 ans, a été président de nombreuses commissions, comme dernièrement celles des Affaires européennes. Il le reconnaît volontiers au journaliste de France Bleu Normandie : « J’ai acquis l’expérience de ces milieux. C’est sans doute pour ça que j’ai une certaine valeur intellectuelle à leurs yeux ».

Comme il « assume pleinement  » être un élu proche des lobbies et pro OGM. Il précise en effet : « Vous savez, les lobbies dont j’ai eu le plus à… j’allais dire souffrir, je dirais supporter, c’est le lobby des Verts. Dans les débats sur les OGM ou les biotechnologies ce sont toutes les menaces, avec des menaces de mort. Le lobby des Verts serait vertueux. Alors que le lobby des industriels de l’agro-alimentaire serait condamnable. C’est une caricature. J’assume être l’ami de la science et du milieu économique ».

Jean Bizet occupera chez APCO un poste de conseiller spécial sur les Affaires européennes. Cette fonction étant incompatible avec son mandat d’élu, le manchois a quitté ses fonctions au Sénat le 30 novembre. 

Ces propos décomplexés rejoignent ceux de APCO Worldwide. Dans leur communiqué de presse annonçant ce recrutement [15], Arnaud Pochebonne, du bureau de Paris, déclare : « Sa grande expérience parlementaire et sa connaissance approfondie de nombreux secteurs économiques seront des atouts précieux pour nos clients ». Et Claire Boussagol, présidente de la région Europe d’APCO Worldwide, reconnaît que « Jean est un acteur au long-cours de la construction européenne et un interlocuteur précieux pour nos équipes spécialisées à travers le monde ».

APCO précise que Jean Bizet a « eu l’occasion de s’intéresser de près à différents enjeux et secteurs, notamment le commerce international, l’agroalimentaire, ainsi que les biotechnologies ou encore les nouvelles technologies ».

Fondée par Margery Kraus en 1984, APCO est une société internationale de conseil en influence, avec des bureaux dans plus de 30 marchés et des capacités à opérer dans 80 pays. L’APCO a par exemple travaillé à rétablir la réputation des laboratoires Merck suite au scandale de l’anti-inflammatoire Vioxx, ou celle de Mars Food. La mission de l’APCO était de faire « croire » que Mars était un leader dans la santé et le bien-être des consommateurs. Ainsi, APCO se félicite que « des journalistes et des commentateurs de premier plan ont publié des articles comparant l’approche audacieuse de Mars Food, et le contenu nutritionnel de ses produits, favorablement par rapport à ses concurrents. Des alliés tiers respectés, comme la commissaire de la Food and Drug Administration Margaret Hamburg, Tam Fry du National Obesity Forum du Royaume-Uni, Sam Kass, chef adjoint de la Maison Blanche, et Zeke Emanuel, conseiller de la Maison Blanche pour la réforme de la santé, ont également exprimé leur soutien à l’ambition de Mars Food » [16].

[4Parmi les précédents nominés, on trouve Craig Venter, un des pionniers de la biologie synthétique, deux anciens dirigeants de Dupont, Ellen Kullman, Charles O. Holliday, Jr., et d’autres dirigeants d’entreprises de biotechnologies.

[8Des Moines Register, 16 décembre 2008

[9Ibid.

[12La troisième directrice de l’USDEC, Regina Black, est aussi une ancienne collègue de l’USDA étant donné qu’elle a secondé Krysta Harden.

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