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Évaluation des OGM : éparpillée façon puzzle

Par Eric MEUNIER

Publié le 26/11/2020

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Vendredi 20 novembre 2020, le parlement français a définitivement adopté la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Cette loi donne au gouvernement le droit de supprimer le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) et de réorganiser l’évaluation des OGM en France par ordonnance. Si une possible saisine du Conseil Constitutionnel a été annoncée par certains groupes politiques [1], cinq organisations de la société civile ont d’ores et déjà réagi en demandant au gouvernement de « poser dès maintenant les bases pour une instance d’évaluation des biotechnologies qui intègre la claire volonté des citoyens et de la société civile de garantir le droit de cultiver, de transformer et de manger sans OGM ».

L’article 22 de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche adoptée [2] autorise le gouvernement à « redéfinir les modalités selon lesquelles les avis et recommandations relatifs aux biotechnologies sont élaborés ». Comme Inf’OGM l’a rapporté dans un précédent article [3], les projets du gouvernement impliquent la suppression du Haut Conseil des biotechnologies (HCB), avec un éclatement de son travail par le transfert de ses dossiers et responsabilités à diverses instances françaises.

La future organisation de l’évaluation des OGM

Outre l’analyse des risques sanitaires pour chaque demande d’autorisation d’OGM, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) récupèrera l’évaluation des risques environnementaux ainsi que les analyses socio-économiques. Pour ces dernières, « un nouveau comité d’experts spécialisés dans ce domaine » devrait être créé en interne à l’Anses. L’analyse des questions éthiques pourrait revenir au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) alors que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) pourrait devenir « le siège du débat public sur les biotechnologies ». Enfin, toutes les demandes d’autorisation d’utilisation d’OGM en milieu confiné reviendraient au ministère de la recherche.

Alors que des organisations de la société civile participaient à élaborer des recommandations au gouvernement pour chaque demande d’autorisation d’OGM et chaque mandat adressé au HCB, cette nouvelle organisation change de fait la donne. Les organisations membres de l’actuel Comité économique, éthique et social (CEES) du HCB ne pourront plus apporter leurs lectures transversales des différents sujets composant le dossier OGM. Sauf à être intégrées dans les différents comités de « dialogue civil » de l’Anses, ou à titre d’experts au CCNE et au Cese, pour celles qui n’en sont pas déjà membres. En éclatant en différents lieux l’évaluation des OGM, le gouvernement met non seulement sur la touche les organisations parties prenantes du débat national mais il prive également le dossier d’une approche transversale.

Des organisations de la société civile réagissent

Par communiqué de presse [4], la Confédération Paysanne, FNE, la Fnab, les Amis de la Terre France et l’Unaf ont réagi à l’adoption de cette loi. Rappelant que le HCB a été institué par la loi française sur les OGM de 2008, ces organisations considèrent que la future organisation de l’évaluation des OGM prévue par le gouvernement empêchera de fait « toute évaluation coordonnée des enjeux liés aux OGM et [limitera] la capacité d’expression de la société civile ». Pour ces structures, il est aujourd’hui manifeste que le gouvernement veut démanteler le HCB « et affaiblir ses capacités de rendre des recommandations prenant en compte les aspects éthiques, économiques et sociaux ». Soulignant qu’elles appellent depuis longtemps à « une refonte démocratique » du HCB, les cinq organisations expliquent que le gouvernement aurait dû « en faire un réel instrument de démocratie avec une gouvernance transparente et une large participation de la société civile ». Elles regrettent donc fortement que le gouvernement ait choisi de s’en débarrasser « au profit des avis scientifiques basés sur les seules expertises des entreprises » puisque les demandes d’autorisation seront maintenant traitées sous le seul angle de l’analyse de risque faite sur la base des dossiers déposés par les entreprises, sans contextualisations éthique et socio-économique, parties dans d’autres comités ou instances.

Le mandat actuel du HCB se termine le 31 décembre 2020. Sans aucune action du gouvernement d’ici le 1er janvier, la France n’aurait plus de comité d’évaluation des OGM et se trouverait alors en porte-à-faux avec la législation européenne qui l’impose. De leur côté, la Confédération Paysanne, FNE, la Fnab, les Amis de la Terre France et l’Unaf demandent au gouvernement « de poser dès maintenant les bases pour une instance d’évaluation des biotechnologies qui intègre la claire volonté des citoyens et de la société civile de garantir le droit de cultiver, de transformer et de manger sans OGM ».

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