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Faucher des tournesols mutés pour «  »

Par Inf’OGM

Publié le 03/11/2020

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Le 15 octobre à Perpignan, s’est tenu le procès des Faucheurs volontaires qui avaient détruit en août 2016 à Elne (Pyrénées-Orientales), un champ de tournesols destinés à produire à terme des semences de variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) par mutagénèse. Le Parquet a requis une amende de 5 000 euros et ne s’est pas prononcé sur les dommages et intérêts demandés. Le délibéré du tribunal est attendu le 17 décembre [1].

Ce champ appartenait à la société Nidéra Semences France qui a porté plainte. Seul un Faucheur volontaire avait le statut de prévenu sur environ 150 participants à l’action. Cependant, une cinquantaine de Faucheurs s’étaient portés comparants volontaires pour être entendus auprès du tribunal mais leur comparution n’a pas été retenue. Cinq témoins de la défense ont apporté au tribunal leur analyse argumentée dans le domaine de l’agronomie, l’environnement, la santé, l’obtention des variétés végétales concernées et leur détection. Nidéra n’a, de son côté, cité aucun témoin.

Les demandes préalables des Faucheurs restées sans suite…

Les Faucheurs volontaires avaient détruit cette parcelle après avoir effectué toutes les démarches légales pour demander l’arrêt de ce type de culture. Comme cela a été expliqué lors de l’audience, les Faucheurs étaient informés depuis 2013, par voie de presse et par un responsable du Cetiom, aujourd’hui Terres Inovia, que la variété fauchée était issue de mutagénèse. Par ailleurs, ces variétés de tournesol étaient bien identifiées comme variétés rendues tolérantes au Pulsar 40 de l’entreprise BASF (formulation herbicide toxique à large spectre). Ce sont des variétés Clearfield ou Clearfield Plus de BASF.

Les Faucheurs dénonçaient les risques de dissémination du caractère de tolérance aux espèces apparentées, de résistance des adventices, les dangers avérés sur tous les êtres vivants, sur la santé humaine, mais également l’absence de transparence des semenciers quant au mode d’obtention de ces variétés. Un défaut de transparence qui, Inf’OGM l’a renseigné [2], vise à contourner la réglementation OGM. Les Faucheurs dénonçaient aussi l’appropriation des semences via les brevets par l’agro-industrie.

Illégalités de l’herbicide… et de la variété

Lors du procès, les Faucheurs volontaires ont fait valoir les trois caractères de cette variété fauchée : OGM, OGM réglementé, et tolérance aux pesticides.

Concernant ce dernier caractère, le contrat signé entre le cultivateur et Nidéra prévoyait un désherbage de la culture avec le produit Pulsar 40, herbicide de post-levée, toléré par les seuls tournesols génétiquement modifiés Clearfield et Clearfield Plus. Un contrat qui renseignait donc le caractère VrTH de ce tournesol.

Depuis un arrêt de la Cour de justice européenne (CJUE) du 1er octobre 2019 [3], les effets propres de la substance active (imazamox) de l’herbicide, les effets cumulés des substances dans la formule commerciale de l’herbicide (Pulsar 40), et les effets à long terme (toxicité ou carcinogénicité) doivent êtres évalués. Cela n’est pas fait pour le Pulsar 40 comme en atteste une fiche de données de sécurité du fabricant produite lors de l’audience. Ces cultures de tournesol VrTH sont similaires aux cultures transgéniques Roundup Ready que l’État français et l’Union européenne ont interdit. L’arrêt de la CJUE est une application de la réglementation existante et est de ce fait rétroactif à la date de la réglementation pesticide (2009, entrée en vigueur en 2011).

Lors du procès, les témoins – paysans, agronome, chercheur et médecin – ont insisté avec précision sur les dangers avérés de ces pesticides pour tous les êtres vivants et la non prise en compte du principe de précaution inscrit dans la Charte française de l’environnement. La défense a demandé au tribunal d’en tenir compte ainsi que du fait que ces cultures non évaluées sont illicites. L’état de nécessité en application de l’article 122-7 du Code pénal a été plaidé au vu du danger imminent que ces cultures font porter à la santé humaine et à celle de tout le vivant.

Concernant le fait que ces cultures constituent des OGM, la société Nidéra Semences France, par la voix de son avocat, seul présent pour la partie civile, a nié ce caractère OGM. On notera qu’aucune pièce justificative sur les variétés multipliées n’a été produite. Nidéra assimile donc les OGM aux seules plantes transgéniques en oubliant d’évoquer l’arrêt de la Cour de justice européenne (CJUE) en juillet 2018. On se souvient que dans son arrêt, la CJUE rappelle que la mutagénèse donne des OGM et que « ne sont exclus du champ d’application de ladite directive que les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagénèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». Cet arrêt détaille les modalités d’application de la directive 2001/18, il est en ce sens rétroactif. Les premiers tournesols VrTH ont été cultivés bien après 2001 et diverses informations laissent penser que certains d’entre eux ont été obtenus par une technique de mutagénèse principalement développée après cette date. Pour la défense, les VrTH obtenus par une technique de modification génétique principalement développée après 2001 auraient dus être gérés comme des OGM réglementés. D’autre part, Nidéra Semences et BASF n’ont jamais prouvé l’innocuité de ces variétés. En ce sens, et tenant compte du caractère rétroactif de l’arrêt, ces cultures d’OGM réglementés étaient illégales.

Enfin, l’arrêt du Conseil d’État de février 2020 dit que les variétés VrTH obtenues par manipulations génétiques de cellules multipliées in vitro sont bien soumises à la réglementation OGM. Cet arrêt est aussi rétroactif. Pour les tournesols fauchés à Elne, des brevets ont été fournis, dont un antérieur à 2016, date de l’action des Faucheurs, qui laissent penser que les tournesols seraient obtenus par de nouvelles techniques de mutagénèse in vitro. Par ailleurs, alors que BASF a déclaré à l’Anses que les tournesols CL Plus sont issus de « mutagénèse in vitro », avant de se rétracter dès la publication de l’arrêt du Conseil d’État, Nidéra n’a pas apporté d’informations quant à la méthode d’obtention de ce tournesol. Une telle information lui aurait pourtant permis d’appuyer son affirmation restée non prouvée selon laquelle il ne s’agit pas d’un OGM réglementé. En l’absence de cette information et sur base de ce qu’ils considèrent être un faisceau de preuves, les Faucheurs volontaires indiquent avoir très peu de doutes sur le fait que la variété fauchée à Elne soit issue de nouvelles techniques donnant des OGM régulés.

Opacité totale sur les techniques d’obtention

L’opacité sur les techniques d’obtention a été un des points saillants du procès. Pour les Faucheurs Volontaires, les services d’enquête n’ont pas fait leur travail puisqu’ils auraient dû vérifier la nature OGM ou non des cultures plantées (jurisprudence du procès Dijon).

Alors que l’industrie prétend que la détection et différenciation des produits obtenus par de nouvelles techniques ne peut être faite, l’audience du 15 octobre a été l’occasion pour certains témoins d’expliquer que celle-ci est possible. Cette possibilité pourrait venir de l’utilisation de marqueurs comme par exemple les effets hors cibles de ces techniques in vitro. D’ailleurs, il y a peu, des chercheurs ont démontré que la mutation d’un Colza de Cibus issu des nouvelles techniques de mutagénèse est détectable [4].

Nidéra Semences a estimé son préjudice à près de 770 000 euros. De son côté, la défense a fait valoir que Nidéra n’a plus d’existence légale depuis son rachat en 2019 par Syngenta, une multinationale productrice de pesticides et d’OGM basée en Suisse et présente dans 90 pays, au chiffre d’affaires de 12,8 milliards de dollars. Précisant que Syngenta n’était pas titulaire d’un quelconque contrat de semences OGM portant sur la parcelle fauchée, la défense a fait valoir qu’elle n’a subi aucun préjudice. Et elle a finalement indiqué au Tribunal qu’il ne pouvait pas poursuivre sans connaître la qualification du délit : destruction de bien d’autrui en réunion ou fauchage d’OGM, deux délits distincts passibles de peines différentes ?

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