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Semences et OGM illégaux : tolérance zéro confirmée en justice

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 29/10/2020

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Le 22 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rappelé que l’Union européenne refuse que des lots de semences soient commercialisés s’ils sont contaminés par des OGM non autorisés, même en quantités infimes. Cette décision balaie les arguments de la société Pioneer, soutenue par l’Union française des semenciers.

En 2015, 2016 puis 2017, le siège de Pioneer, entreprise produisant et commercialisant des semences, notamment de maïs, de colza et de tournesol, a fait l’objet de contrôles administratifs. Au cours de chacun de ces contrôles, des semences de maïs transgéniques non autorisés à la culture en Europe (les maïs 59122, Nk603 et 1507) ont été détectées dans des lots de semences de variétés conventionnelles de maïs importés de pays non européens (voir encadré).

Trois années de contaminations

En 2015, la présence de traces du maïs transgénique DAS 59122 dans un lot de 900 sacs de graines de maïs de la variété P921 est détectée. Un nouveau contrôle effectué en 2016 révèle cette fois la présence du même maïs transgénique dans un lot de 150 sacs de graines de maïs en provenance du Chili. En 2017, un prélèvement révèle la présence des variétés de maïs transgénique NK 603 et TC 1507 dans un lot de 864 sacs de maïs en provenance des États-Unis.

Le préfet a réagi chaque année en déclarant les lots de semences contrôlés non conformes à la réglementation sur les OGM (directive européenne 2001/18) et interdit leur commercialisation en France en ordonnant leur destruction ou leur réexportation.

Une défense confuse de Pioneer

La société Pioneer a contesté les trois décisions préfectorales et demandé leur annulation. Soutenue par l’Union française des semenciers (UFS), l’entreprise a soutenu que la présence de ces graines de maïs transgéniques est conforme à la réglementation car les variétés en question ont été autorisées pour une utilisation dans l’alimentation humaine et animale selon le règlement 1829/2003. Elle ajoute de plus que leur autorisation pour un usage alimentaire démontre une absence de danger pour « la santé humaine ou animale […] ou pour l’environnement, a fortiori lorsqu’ils se trouvent à l’état de trace inférieure au seuil de 0,1 % ». Notamment car ils ont alors fait l’objet d’un avis favorable de l’agence européenne de sécurité des alimentaires (EFSA). Pioneer a également soutenu qu’aucune « réglementation nationale ou européenne n’interdit la commercialisation de semences contenant des traces infimes, fortuites et inévitables d’OGM, qu’ils soient ou non autorisés pour la culture », précisant que « la dispense d’étiquetage pour les traces d’OGM [non précisé : dans les produits alimentaires] permet de déduire que les traces infimes et fortuites d’OGM n’entrent pas dans le champ d’application des textes régissant l’autorisation de mise en culture des semences génétiquement modifiées ». Pour l’entreprise, la commercialisation de semences de variétés inscrites au catalogue commun ne pourrait pas être remise en cause par la seule présence de traces infimes d’OGM, même non autorisés, notamment car cela méconnaîtrait « les principes généraux d’égalité, de sécurité juridique et de proportionnalité ainsi que le principe de libre circulation des marchandises applicables en droit européen ».

Ainsi, l’argumentation de Pioneer est basée sur une agrégation de différents éléments qui réunis permettraient de déduire à une légalité des traces de semences transgéniques. Mais le 22 septembre 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’ensemble des demandes de la société Pioneer et confirmé les décisions du préfet de Haute-Garonne [1].

Pas de dérogation dans l’application de la loi

Dans sa décision, la Cour rappelle qu’à chaque autorisation d’OGM correspond son usage. Il n’est pas possible, contrairement à ce que Pioneer avance, d’utiliser une autorisation délivrée pour un usage alimentaire (avec son évaluation préalable) comme équivalent à une évaluation et autorisation de dissémination dans l’environnement lors de la mise en culture. L’autorisation pour un usage alimentaire résulte d’une évaluation concluant à l’absence de risques sanitaires alors que l’autorisation de culture nécessite en plus une absence de risques pour l’environnement. Or, les maïs OGM en cause n’étaient pas autorisés à la culture sur le sol européen, ni au moment des contrôles ni aujourd’hui. Enfin, la présence de traces d’OGM annule la conformité des semences contrôlées à la variété conventionnelle inscrite au catalogue commun des variétés, qui n’a été approuvée qu’exempte d’OGM.

La Cour rappelle que « l’introduction intentionnelle d’une substance OGM ne saurait être érigée en condition d’application du régime d’autorisation prévu par le règlement (CE) n°1829/2003 et a fortiori par la directive 2001/18/CE, le risque pour la santé humaine et l’environnement que le règlement et la directive entendent prévenir étant indépendant du caractère intentionnel ou fortuit de l’introduction de la substance concernée et donc de sa mise sur le marché, même involontaire ».

En termes plus simples, que la présence des OGM non autorisés dans des semences soit infime ou importante, qu’elle soit intentionnelle ou accidentelle, la réglementation s’applique ! La Cour rappelle également que la Commission s’est exprimée sur le sujet et considère que selon la réglementation européenne le principe de « tolérance zéro  » doit s’appliquer pour les OGM non autorisés sur le territoire européen [2]. Cette tolérance zéro n’est pas une lubie idéologique. La moindre dissémination dans l’environnement peut en effet provoquer la contamination de cultures destinées à la production de semences commerciales de paysans et paysannes qui, au fur et à mesure des multiplications successives années après années, peut devenir très importante [3].

D’autres condamnations antérieures

Si la Commission européenne préconise la tolérance zéro, elle rappelle en même temps qu’il revient aux autorités nationales compétentes de mettre fin aux disséminations non autorisées. Le préfet était donc en droit d’ordonner des mesures de destruction ou de réexpédition des semences non conformes.

En 2018, 8 000 hectares semés avec du colza Dekalb contaminé avec du colza OGM de Monsanto ont dû être détruits. Cela concernait plus de 700 agriculteurs. En 2019, la contamination avait été réévaluée à 20 000 hectares. Dans les faits, la même règle s’applique : peu importe l’importance de la contamination, il doit être mis fin à la dissémination non autorisée [4]. Et dans la pratique, mieux vaut pour tous, agriculteurs, semenciers… et environnement, une détection pré-semis que post-semis…

[2Extrait du jugement : « Les représentants de la Commission au sein du comité permanent sur les plantes, les animaux, l’alimentation humaine et animale dans sa formation spécialisée « alimentation génétiquement modifiée », qui a siégé le 3 décembre 2018, ont […] rappelé que la règle était celle de la « tolérance zéro » pour les OGM non autorisés dans les semences conventionnelles ».

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