n°161 - octobre / décembre 2020

Tracer les nouveaux OGM est possible

Par Eric MEUNIER

Publié le 05/01/2021

    
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Depuis plusieurs années, les entreprises argumentent que la traçabilité de certains nouveaux OGM serait impossible. Pourtant, les techniques de traçabilité existent déjà comme le prouvent leur normalisation en cours par des instances internationales dans d’autres domaines et leur utilisation en routine par les entreprises.

En 2017, le groupe d’experts formé pour conseiller la Commission européenne écrit à propos des nouveaux OGM qu’il « est généralement impossible de distinguer la cause d’un changement, qu’il soit naturel ou le fait d’une technique d’amélioration » sauf si une information est connue à l’avance [1]. Du coup, EuropaBio [2] critique l’arrêt de la CJUE de 2018 assimilant certains produits mutés à des OGM : « ce jugement sera difficile […] sinon impossible à respecter car plusieurs produits [mutés] peuvent être indifférenciables de produits obtenus par procédé naturel ou techniques conventionnelles » [3]. Indifférenciables pour leur traçabilité… ces nouveaux OGM deviennent totalement identifiables dès lors qu’il s’agit d’y apposer un brevet ! Belle roublardise…

La traçabilité est avant tout documentaire

Le premier outil permettant de différencier deux produits est l’information documentaire qui doit accompagner tout OGM commercialisé à l’instar des huiles de colza ou de soja GM dans l’UE. Finalement, seuls les cas de commercialisation illégale d’OGM et de contaminations accidentelles obligent à recourir à des techniques plus sophistiquées de contrôle ou de détection de fraudes. Si la Commission européenne a tardé à missionner ses experts sur cette détection [4], d’autres instances internationales ont déjà balisé la voie technique à suivre. Car pour affirmer que les mutations obtenues par de nouvelles techniques OGM ne sont pas différenciables de mutations naturelles par exemple, il faut ignorer volontairement les effets non intentionnels qui apparaissent à chaque étape d’un protocole de modification génétique in vitro. Or ces derniers constituent des cicatrices, signatures, marqueurs… qui peuvent être détectés [5].

L’Upov et l’Iso montrent la voie…

La caractérisation des variétés en vue de leur inscription aux catalogues des semences montre qu’il est possible de caractériser de manière univoque les mutations. En 2019, l’Union internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (Upov) publiait ses Conseils en ce qui concerne l’utilisation des marqueurs biochimiques et moléculaires dans l’examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité (DHS). Selon ce document, ces marqueurs moléculaires sont si caractéristiques d’une variété qu’ils en constituent une sorte de signature. Positionnés généralement à proximité de séquences conférant tel ou tel caractère phénotypique, ils sont donc utilisés en sélection végétale ainsi que pour décrire et tracer une variété. Des méthodes d’analyse du génome (séquençage et autres) permettent de les lister et constituer une matrice de référence. Dès 2015, l’organisation internationale de normalisation (Iso) publiait des normes à suivre pour analyser les empreintes de l’espèce maïs ou tournesol et vérifier l’identité des variétés. L’Association Internationale d’Analyse des Semences, en 2019, les présentait de son côté comme des « techniques […] déjà utilisées dans plusieurs laboratoires de plusieurs pays  » [6]. Ces méthodes d’analyse permettraient donc, avec des matrices de marqueurs spécifiques de tel ou tel protocole de modification, de différencier les nouveaux OGM des plantes non GM.

… et l’AIEA et la Fao publient un manuel

Depuis 2001, l’AIEA et la Fao publient un manuel sur la « caractérisation moléculaire des germoplasmes mutants  ». Les pays disposent ainsi d’un descriptif à jour des techniques d’analyses permettant de caractériser des lignées végétales mutées pour plus de 20 espèces végétales. La dernière version de ce manuel qui date de 2015 [7] « inclu[t] les nouvelles technologies (…) [et constitue] une trousse à outils contemporaine pour l’analyse et la sélection génotypiques dans l’amélioration des plantes et la génétique ». La marche à suivre est donc plus que déjà tracée car les effets non intentionnels liés aux étapes des protocoles de modification génétique participent à la constitution de signatures, d’empreintes du type de celles utilisées dans les domaines de la propriété industrielle.

En octobre 2019, les experts européens de la détection des OGM discutaient des « futures méthodes de séquençage du génome appliquées à la détection des OGM  » [8]. Une présentation affirmait alors possible de différencier des mutations en regardant plus globalement le génome et précisait que « l’analyse en profondeur des mutations […] pourrait être une approche pour constituer des empreintes efficaces. Des mutations […] fruits du procédé de transformation peuvent être exploitées pour constituer une empreinte unique d’évènements autorisés ».

[2EuropaBio est une association européenne qui représente les intérêts de l’industrie des biotechnologies. Elle regroupe les acteurs économiques des trois secteurs d’activité principaux de la biotechnologie : l’agriculture, la santé et l’industrie (source Wikipédia).

[3Source Inf’OGM.

[6Voir note 4.

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