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Inscrire un « nouvel OGM » au catalogue des variétés

Par Frédéric PRAT

Publié le 20/07/2020

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Depuis le 7 février 2020, le Conseil d’État assimile légalement certaines variétés végétales mutées à des OGM [1]. Dès lors, comment ces variétés sont-elles signalées au moment de leur inscription dans le catalogue des variétés ? Virginie Bertoux, secrétaire générale du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS), répond à Inf’OGM.

Le 7 février 2020, le Conseil d’État français écrivait, suite aux réponses de la Cour de justice de l’UE [2], que « tant les techniques (…) « d’édition du génome » que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro soumettant des cellules de plantes à des agents mutagènes chimiques ou physiques » donnent des OGM qui doivent être soumis à la législation européenne.

La Slovaquie a modifié son formulaire d’inscription des variétés à son catalogue national après l’arrêt de la CJUE, obligeant les semenciers à déclarer leurs OGM réglementés au sens de cet arrêt [3]. Mais actuellement, nous ne savons toujours pas concrètement comment ce pays a « nettoyé » son catalogue ou estampillé les variétés réglementées OGM, faute de réponse des services slovaques concernés.

Qu’en est-il en France ? Depuis 2019, le comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) a mis en place une typologie des modes d’obtention des variétés [4] afin d’améliorer la transparence. On sait que la déclaration des techniques d’obtention proposée par le Plan « Semences et plants pour une agriculture durable » (SPAD) est facultative lors de l’enregistrement d’une nouvelle variété au catalogue [5] ; mais un semencier doit-il obligatoirement fournir les éléments descriptifs de la méthode d’obtention si celle-ci donne un OGM réglementé, notamment tel que décrit par la décision du Conseil d’État ?

Virginie Bertoux, secrétaire générale du CTPS, nous répond : « La procédure de dépôt d’une demande d’inscription au catalogue officiel français n’a pas changé [6] ; une grande partie des formulaires par espèce [7] ont en revanche été adaptés pour intégrer les informations sur les techniques d’obtention. La déclaration « la variété relève-t-elle de la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés » est toujours d’actualité [8]. Les références au livre V du titre III du code de l’environnement s’appliquent toujours [9]. Un déposant doit donc spécifier si sa variété relève de cette définition, selon le droit français actualisé ».

Obligation de déclarer le caractère OGM d’une variété

Cette déclaration est-elle publique ou confidentielle ? Virginie Bertoux est claire : « l’information sur le fait que la variété relève ou non de la règlementation relative aux OGM selon le droit français est (…) publique ». Par contre, « concernant la déclaration relative aux sources de variabilités [c’est-à-dire les techniques d’obtention et de sélection de nouveaux caractères, NDLR] utilisées dans les programmes de sélection, le CTPS n’a pas encore fait de recommandation au Ministère sur l’accès à ces informations ».

Et comment s’assurer de la véracité des déclarations ? Il semble bien que tout repose sur la confiance. En effet, affirme Virginie Bertoux, « le signataire d’une demande d’inscription s’engage à ce que les informations portées dans les documents soient correctes ». Mais est-ce vérifié ? « Pour la déclaration relative au statut OGM, nous disposons des techniques de détection utilisées par les laboratoires de détection OGM ». Signalons tout de même que cette déclaration est obligatoire et que le défaut de déclaration est passible de sanctions importantes, contrairement à l’information sur les techniques d’obtention des variétés non réglementées OGM. Mme Bertoux poursuit : « Pour la déclaration relative aux sources de variabilité, le déposant s’engage à déclarer ce dont il a connaissance. L’expertise collective du CTPS et l’appui des connaissances scientifiques pourraient mettre en évidence des incohérences. Nous n’avons néanmoins pas encore de recul sur cette typologie récemment introduite » [10].

Sur les éventuelles sanctions prévues en cas de fausse déclaration, V. Bertoux est plus évasive : « je n’ai pas encore eu l’occasion de m’enquérir des sanctions encourues en cas de manquement à cet engagement » nous répond-elle.

Seul le pays qui l’a inscrite peut radier une variété

Si l’inscription de ces « nouveaux » OGM au catalogue semble finalement simple, qu’en est-il de la radiation des variétés inscrites sans que leur caractère OGM n’ait été révélé au préalable ? L’identification de variétés OGM mais non répertoriées comme telles dans le catalogue des variétés a fait l’objet de deux arrêtés, qui, pour l’un, liste 96 variétés enregistrées au catalogue européen par d’autres pays que la France « issues de mutagénèse aléatoire appliquée sur des cultures cellulaires in vitro » ; et pour l’autre, annule l’inscription de sept variétés du catalogue français, variétés dont les semences destinées à la mise en marché en-dehors de l’Union européenne peuvent être multipliées sur le territoire français [11]. Inf’OGM a demandé, aux niveaux français et européen, si la France aurait pu directement demander la radiation du catalogue européen de ces variétés. En effet, l’article 14 de la directive 2002/53/CE (voir encadré) peut laisser entendre que cette possibilité était ouverte. Cette demande de radiation aurait eu l’avantage de pousser la Commission à clarifier sa position sur les conséquences de l’arrêt de la CJUE.

La Commission européenne, via le centre d’information Europe Direct, nous répond : « Les États membres sont responsables de l’acceptation des variétés. Seul l’État membre ayant accepté la variété et l’ayant inscrite dans son catalogue national des variétés peut révoquer cette acceptation. Les variétés sont inscrites ou supprimées des catalogues de l’UE sur notification des États membres ».

La réponse à venir à cette même question du ministère français de l’Agriculture, qui tarde suite au changement ministériel, fera l’objet, si elle diffère de celle de la Commission, d’une mise à jour de cet article.

Annuler l’admission d’une variété


L’article 14 de la directive 2002/53/CE concernant le catalogue commun des variétés stipule que « Les États membres peuvent annuler l’admission d’une variété :

a) si les dispositions législatives, réglementaires ou administratives arrêtées en application de la présente directive ne sont pas respectées ;

b) si, lors de la demande d’admission ou de la procédure d’examen des indications fausses ou frauduleuses ont été fournies au sujet des données dont dépend l’admission
 ».

[2La CJUE s’est positionnée suite à des questions préjudicielles du Conseil d’État.

[5Ibid.

[7Tous ces formulaires sont accessibles sur : https://www.geves.fr/catalogue-inscription/

[8Voir un exemple avec le doc joint Demande d’inscription au catalogue

[9Ce livre V titre III du Code de l’environnement reprend l’ensemble de la législation française sur les OGM.

[10Dans un document du CTPS de 2016, NBTs et Techniques d’édition du génome : Impacts potentiels sur l’offre variétale et les activités du CTPS, on peut lire : « Les obtenteurs pourraient potentiellement ne pas mentionner l’édition lors de l’inscription au catalogue, notamment si le statut réglementaire des obtentions éditées n’est pas statué rapidement, mais également si cette réglementation est trop restrictive et contraignante pour l’obtenteur. Enfin, dans le cas où ces techniques d’édition soient rejetées par les utilisateurs, les obtenteurs pourraient désirer passer sous silence l’édition lors de l’inscription au catalogue ».

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