Actualités

BOLIVIE – Autorisation d’OGM agricoles au nom de la Covid-19

Par Christophe NOISETTE

Publié le 19/06/2020

Partager

Le 7 mai, le gouvernement de transition en Bolivie de Jeanine Añez a publié un décret qui entend favoriser l’utilisation des OGM pour les cultures de maïs, blé, coton, canne à sucre, ainsi que de nouvelles transformations génétiques du soja.

Le gouvernement de transition de Bolivie a succédé à l’ex-président Evo Morales suite à sa destitution en octobre 2019. Ce dernier avait toujours proclamé son opposition aux OGM même s’il n’avait pas pris de mesures concrètes et radicales pour mettre fin aux immenses cultures de soja Roundup Ready qui grignotaient la partie amazonienne de son pays [1]. La Constitution de l’État stipule, dans son article 255, que « la sécurité et la souveraineté alimentaires pour toute la population [passent par] l’interdiction de l’importation, de la production et de la commercialisation d’organismes génétiquement modifiés et d’éléments toxiques qui nuisent à la santé et à l’environnement« .

Ainsi, concrètement le décret suprême n°4232 [2] établit que « à titre exceptionnel, le Comité national de biosécurité est autorisé à établir des procédures abrégées pour l’évaluation du maïs, de la canne à sucre, du coton, du blé et du soja génétiquement modifiés avec leurs différents événements de transformation, destinés à l’approvisionnement de la consommation interne et de la commercialisation externe ».

Des dispositions supplémentaires sont précisées dans le décret : le gouvernement demande à ce que soient prises en compte les actions et mesures adoptées par les pays voisins en matière d’agriculture et d’alimentation génétiquement modifiées.

Le Comité de biosécurité a un délai maximum de dix jours civils à compter de la publication du décret pour approuver les procédures abrégées.

Quel rapport avec la Covid-19 ?

Ce décret cite dans son préambule différents décrets (décret suprême n°4179 du 12 mars 2020, article 2, n°4196 du 17 mars 2020, n°4214 du 14 avril 2020) qui « déclarent une situation d’urgence nationale due à la présence de l’épidémie de coronavirus (Covid-19) et de phénomènes néfastes réels et imminents », et instaurent une quarantaine sur tout le territoire ; il cite aussi le Plan national d’urgence 2020, et l’OMS qui déclare que le coronavirus Covid-19 est considéré comme une pandémie mondiale, et incite les États à prendre des mesures pour protéger la santé et l’intégrité de la population en prévenant la propagation du virus. Au regard de ces textes, ainsi que d’autres liés à la politique agricole bolivienne, le décret stipule qu’« il est pertinent et nécessaire d’évaluer le maïs, la canne à sucre, le coton et le blé génétiquement modifiés avec leurs différents évènements de transformation, destinés en priorité à l’approvisionnement de la consommation domestique ».

Les réactions ont été très vives, au niveau national et international. Ainsi La Via Campesina écrit dans son communiqué de presse : « Le gouvernement actuel de Bolivie nous démontre par ses actes qu’il profite de l’actuelle pandémie de la Covid-19 pour favoriser les sociétés transnationales et certains entrepreneurs locaux sans scrupules. (…) C’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de se joindre à nous pour exprimer son rejet de l’atteinte aux droits de son peuple que le gouvernement bolivien tente de perpétrer en s’attaquant à l’agriculture paysanne ».

En France, le Collectif Maïs Population [3] dénonce une utilisation de la crise sanitaire par le gouvernement bolivien. Il écrit qu’il « ne peut pas rester muet dans ce contexte où une situation sanitaire préoccupante à court terme permettrait de prendre des engagements encore bien davantage destructeurs à moyen et long termes ». Ce collectif soutient plusieurs organisations boliviennes, à l’instar de la Confédération syndicale des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) et la Fédération départementale des femmes paysannes indigènes de Santa Cruz Bartolina Sisa, qui demandent « d’abroger les deux décrets concernés et d’ainsi défendre les semences paysannes, la sauvegarde et la protection des 77 variétés natives de maïs en Bolivie, le modèle de souveraineté alimentaire en Bolivie et le rôle des citoyens dans la production alimentaire et la santé de tous ».

Allègement des procédures en temps de crise

Ces organisations demandent aussi l’abrogation du décret suprême 3874, du 17 avril 2019, qui autorise le Comité national de biosécurité à établir des procédures abrégées pour l’évaluation de la variété de soja HB4 et du soja Intacta ; et du décret suprême 3973 et de la loi 741, qui permettent le défrichement des terres et l’extension de la frontière agricole.

Inf’OGM rappelle que les situations de crise sont souvent l’occasion de modifier les procédures, les simplifier et que ces « allégements » perdurent après la fin des crises, qu’elles soient politiques (après les attaques terroristes à Paris) ou sanitaires (avec la Covid-19). Les OGM agricoles, et plus spécifiquement le soja, ne sont pas des outils au service d’une souveraineté alimentaire, du fait des brevets qui les protègent et des intrants dont ils ont besoin. Le soja RR [4] enrichit des entreprises capables d’exporter sur le marché international, étant donné que ce soja est destiné à nourrir les élevages intensifs et hors-sol en Europe et en Asie. Les OGM agricoles jusqu’à présent ont au contraire participé activement à la concentration industrielle [5] [6] et foncière [7].

Actualités
Faq
A lire également