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« Faire advenir une nouvelle culture du vivant »

Par Frédéric PRAT

Publié le 17/04/2020

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En juillet 2019, le Réseau semences paysannes (RSP) organisait un atelier sur les approches sur la santé des plantes en agroécologie. Le recueil des témoignages de nombreux paysans, y compris d’éleveurs, fait l’objet d’un article qu’Inf’OGM vous recommande [1]. Et on vous dit pourquoi.

Une nouvelle réglementation sanitaire européenne impose les analyses de laboratoire comme seule source de vérification de l’état sanitaire de certaines semences. Des membres du RSP se sont réunis en juillet 2019 pour témoigner de leurs propres pratiques en matière sanitaire.

Des microbes présents mais pas forcément pathogènes : deux exemples

Premier exemple : en 2017, « des lots de semences de tomates produits par plusieurs artisans semenciers ont été détectés porteurs d’une bactérie du genre Clavibacter, un organisme dit de quarantaine qui quand il s’exprime dans les champs provoque le dépérissement du plant de tomate ». « Certes, témoigne un des producteurs de tomates chez qui la bactérie Clavibacter était présente, cette bactérie peut être un problème dans certaines conditions de culture mais pas dans les conditions d’une petite agriculture bio ». Car chez lui, elle ne provoque pas de symptômes particuliers sur ses tomates.

Autre exemple : la graisse du haricot. Cette maladie bactérienne provoque le dessèchement des feuilles, les plantes dépérissent rapidement. Elle se propage dans les milieux de monocultures intensives, comme à Paimpol (Côtes-d’Armor). Mais « la « graisse », bien que présente sur les semences, ne s’exprime pas forcément dans les jardins des artisans semenciers ni dans les petites fermes maraîchères en bio : « la graisse vit avec nos haricots  » » affirme l’un des paysans de cet atelier.

Nombreux microorganismes bénéfiques

Ce texte est aussi un formidable plaidoyer pour la biodiversité dont font partie, certes les plantes et les animaux, qui doivent être les plus variés possibles [2], mais aussi les microorganismes. Car si leur caractère pathogène est souvent mis en avant, il en est, et c’est heureusement la majorité d’entre eux, qui sont soit neutres, soit bénéfiques. De nombreux microorganismes interviennent par exemple dans la transformation des aliments (comme les levures pour le pain, le vin, les fromages…). Un éleveur témoigne : « Il faut maximiser le nombre de souches fermentaires : elles proviennent aussi directement de la flore des prairies, via leur transport sur les mamelles des animaux avant d’aller à la traite, ou via le système immunitaire de l’animal que l’on peut diversifier en donnant du kéfir de lait ou du petit lait en boisson. Elles sont aussi sélectionnées par le travail du fromager qui guide son fromage en influant sur la température et l’humidité… et aussi transportées par ses mains ».

Dernier exemple cité, mais ce texte en regorge : celui d’un virus de la pyrale du buis. Il s’agit cette fois de montrer à la fois la vitesse de déplacement d’un virus (mais en ces temps de Covid, on perçoit mieux maintenant cette dynamique), et les interrelations, ici bénéfiques, que présentent les éléments d’un écosystème. Un peu partout en Europe, la chenille de la pyrale du buis, un petit papillon, consomme les feuilles de buis, finissant par les détruire. Mais « au nord de l’Allemagne, est apparu un virus qui dévaste la pyrale du buis et le buis recommence à verdir. Les pyrales atteintes tombées sur le sol sont passées dans la chaîne alimentaire et le virus a été transporté par des migrateurs comme les cigognes (Elbe, Danube, Turquie, Israël, Égypte puis lac Tana en amont du Nil en Éthiopie). À cet endroit, il y aussi du buis et de la pyrale (2000 mètres d’altitude). Quelque mois après avoir aperçu les premiers effets du virus en Allemagne, on observe la même chose dans la région du lac Tana ». Bel exemple d’interactions et de propagations entre les êtres vivants, qui montre aussi qu’avec le déclin des oiseaux migrateurs, une telle propagation pourrait ne plus avoir lieu.

Réorienter nos pratiques agricoles

D’autres exemples émaillent ce texte, mettant notre curiosité en éveil… Pour comprendre ces phénomènes constatés empiriquement par certains paysans, qui souvent attribuent la bonne santé de leur plantes et de leurs animaux à la présence d’une biodiversité d’espèces, de variétés de plantes et de races animales, certains éprouveront le besoin de mener des recherches. Même si certaines d’entre elles ont déjà été initiées, beaucoup d’organisations environnementalistes et paysannes pensent qu’il faudra massivement, dans ce monde de « l’après Corona  », se réorienter vers la compréhension des équilibres écosystémiques. Et à très courte échéance, réorienter nos pratiques agricoles, comme le propose par exemple la Confédération paysanne [3].

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