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France – OGM : le HCB, un comité bancal au programme chargé

Par Eric MEUNIER

Publié le 17/04/2020

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Avant le 10 août 2020, le gouvernement français doit établir la liste des techniques de mutagénèse donnant des OGM non soumis au champ d’application de la loi, sauf bien sûr décalage de calendrier validé par le Conseil d’État du fait de la situation actuelle. Le Conseil d’État a précisé que ce décret doit être pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies (HCB), toujours non saisi officiellement au 16 avril 2020. Or, la composition de ce dernier, telle qu’établie en 2019 par décret, n’est actuellement pas conforme à la loi. Comment pourra-t-il remplir ses fonctions en 2020 ?

Le gouvernement français a décidé, par un décret publié le 12 décembre 2019 [1], de renouveler pour un an le mandat des membres du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) qui étaient en fonction à cette date. Cependant, ce décret ne respecte pas la loi de 2008 sur la création du HCB [2]. En effet, suite à des démissions successives, au sein du Comité scientifique (CS) et du Comité économique, éthique et social (CEES), certains postes ne sont plus occupés [3].

Une composition incomplète… bientôt complétée ?

Le décret de décembre 2019 établit que le HCB sera composé, pour son mandat de 2020, des membres nommés par décret en 2014 puis par arrêté en 2017 [4], à l’exception des démissionnaires.

Selon le site Internet du HCB, trente-sept experts composent ainsi le comité scientifique en 2020, en lieu et place des quarante-deux nommés auparavant. Si les domaines de compétences prévus par la loi sont représentés pour la plupart, il manque néanmoins les « personnalités […] dans les domaines se rapportant notamment […] au droit, à l’économie et à la sociologie » [5].

Pour le Comité économique, éthique et social (CEES), les problèmes sont du même ordre. La loi sur les OGM adoptée en 2008 prévoit en effet que le CEES soit composé de représentants de diverses organisations ou associations (voir le tableau ci-dessous). Mais du fait de plusieurs démissions telles que listées sur le site du HCB, le CEES ne comptait aucun représentant d’associations de défense de l’environnement au 31 décembre 2019. De même, une partie des organisations professionnelles n’étaient plus représentées, déséquilibrant l’approche fixée par décret en 2014, qui notamment imposait la présence d’organisations « représentatives, dont un représentant de l’agriculture biologique et un représentant de l’apiculture » [6].

Enfin, il est prévu par la loi que les deux comités du HCB soient chacun pilotés par un Président, accompagné de deux vice-Présidents dont les postes ont été créés par décret. Or, au 31 décembre 2019, il manquait justement au CEES un Président ainsi qu’un de ses deux vice-Présidents. Le « bureau » du CEES du HCB n’est donc composé que de son seul vice-Président, Jean-Christophe Gouache, représentant de l’Union Française des Semenciers (UFS), rendant de fait illégale toute recommandation du CEES.

Malgré cela, le programme du HCB est déjà calé pour l’année 2020. Avec notamment, suite à la décision du Conseil d’État [7], l’établissement de la liste des techniques de mutagénèse donnant des OGM non soumis à la législation. Mais la situation pourrait évoluer afin que cette instance puisse travailler légalement. Selon nos informations, cinq organisations ont demandé à réintégrer le CEES du HCB. Interviewé par Inf’OGM, Guy Kastler de la Confédération paysanne nous a confirmé que la Confédération Paysanne, les Amis de la Terre, la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique, France Nature Environnement et l’Union Nationale de l’Apiculture Française ont informé, dans un courrier au gouvernement, qu’elles « souhaitent participer aux discussions institutionnelles concernant le nouveau décret sur les techniques exemptées de l’application de la réglementation OGM » et, que, pour cela, elles sont « disposées à réintégrer, dès à présent, un nouveau Comité économique, éthique et social au sein du Haut Conseil des biotechnologies ou une autre instance prévue à cet effet ». Mais, avant qu’un tel travail puisse être initié, il faudrait que le HCB soit officiellement saisi par le gouvernement. Ce qui, au 16 avril 2020, n’était toujours pas le cas comme nous l’a indiqué le HCB.

Un programme de travail international…

D’autres missions attendent le HCB, notamment à l’international [8]. Premièrement, le HCB continuera de participer aux réflexions au sein du Protocole de Cartagena sur l’évaluation des risques liés aux Organismes vivants modifiés (OVM) obtenus par forçage génétique et aux poissons génétiquement modifiés. Ces réflexions sont basées sur des études, et se sont déroulées lors d’un forum de discussion sur Internet (du 20 au 31 janvier) et au sein d’un groupe d’experts qui s’est réuni fin mars début avril mais dont le rapport n’est pas encore connu [9].

Deuxièmement, le HCB participe aussi, au sein de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE), à l’élaboration d’un document dit « consensus sur l’utilisation de considérations environnementales dans l’évaluation des risques associés à la dissémination de plantes transgéniques ». Un second tour de consultation est prévu en 2020, sans qu’on connaisse encore la date de publication de ses résultats.

Le compte-rendu de la réunion de fin janvier indique aussi que le CS du HCB s’interrogeait sur la décision du Conseil d’État qui était alors encore attendue [10]. Il commentait alors la position connue du Rapporteur du Conseil d’État – qui sera reprise par le Conseil d’État lui-même – qui préconisait que les produits issus de techniques de mutagénèse in vitro soient considérés comme des OGM réglementés. Le CS estimait alors que « l’impact qu’aurait une telle décision est difficile à estimer (il n’existe pas de registre centralisant et documentant l’existence de tels produits ; il s’agirait a priori de plantes tolérantes à des herbicides, comme des plantes de colza ou de tournesol, tout autre caractère ne présentant pas l’avantage de la possibilité d’une sélection directe dans un dispositif in vitro) ». Il anticipait ensuite l’arrêt du Conseil d’État, à savoir que le gouvernement allait devoir consulter le HCB pour lister les « techniques produisant des organismes non soumis aux dispositions s’appliquant aux OGM en France ». L’arrêt du Conseil d’État est néanmoins plus précis : ce dernier a enjoint au gouvernement de lister les techniques de mutagénèse donnant des OGM pouvant être exclus du champ d’application de la loi.

… et européen sur les conséquences de l’arrêt de la CJUE de 2018

À cette même réunion, le fruit des réflexions d’un groupe de travail mis en place par le HCB pour réfléchir aux « conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet 2018 sur le traitement des dossiers au HCB » a été présenté.

Demandé par Inf’OGM, ce rapport est, selon la réponse du HCB, un document ne répondant « pas à une saisine. [C’]est un document de travail interne au HCB qui vise à adapter techniquement nos procédures de travail. Il n’a pas été écrit pour être diffusé ». Dont acte. Selon le compte-rendu de la réunion de fin janvier, le groupe de travail a étudié « les impacts de l’arrêt concernant les dossiers soumis au HCB, particulièrement s’agissant des dossiers soumis au [comité scientifique] relatifs à l’utilisation confinée de plantes génétiquement modifiées ou autres OGM utilisant la technologie Crispr ». Il a également étudié les « conséquences de l’arrêt sur l’évaluation des produits obtenus par les nouvelles techniques de mutagénèse dirigée ». Enfin, ce compte-rendu précise que « des adaptations de la structure du dossier de demande d’essais au champ (aspects de dissémination) » ont été proposées.

Beaucoup de travail attend donc le HCB, mais l’interrogation préalable demeure : sa composition établie fin décembre 2019 sera-t-elle modifiée pour lui permettre de rendre des avis conforme à la loi ? Réponse probable dans les semaines à venir…

[1Décret n° 2019-1353 du 12 décembre 2019 prolongeant le mandat des membres du Haut Conseil des biotechnologies.

[2La loi française sur les OGM adoptée en 2008 prévoit que le HCB a pour travail d’éclairer « le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés ».

[4Arrêté du 10 avril 2017 portant nomination des membres du comité scientifique et du Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies.

[5Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, article 3.

[6Décret du 30 décembre 2014 portant nomination du président du Haut Conseil des biotechnologies, du président et des membres du comité scientifique et du président et des membres du comité économique, éthique et social.

[7Décision du 7 février 2020 du Conseil d’État, Organismes obtenus par mutagénèse.

[10Le Conseil d’État a publié sa décision le 10 février 2020.

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