n°159 - avril / mai 2020

Comment débusquer les brevets sur le vivant ?

Par Jean-Luc Juthier

Publié le 25/03/2020

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La variété de blé, de colza ou de tournesol que je vais semer dans mon champ fait-elle l’objet d’un brevet ? Et si la semence est brevetée, qu’est-ce que cela change ? Tout.e paysan.ne devrait avoir le droit d’être informé.e de la présence ou non d’un brevet sur telle ou telle variété qu’il sème, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Quand les paysans achètent un sac de semences, aucune information n’est à leur disposition car les semenciers n’ont aucune obligation de déclarer quelles espèces, variétés, quels caractères, ou même quelles informations génétiques sont breveté.e.s.

Cumuler un maximum de brevets

Pourtant sans la propriété industrielle, les cultures OGM ne se développeraient pas, l’objectif des firmes semencières et de leurs actionnaires étant bien de cumuler le maximum de brevets sur le vivant, pour ainsi peser plus lourd sur le grand marché des fusions-acquisitions. Cela se traduit aujourd’hui par le monopole du marché mondial des semences par trois grandes firmes (Monsanto/Bayer, Corteva, Syngenta/ChemChina) et, un peu plus loin, Limagrain.

L’Office européen des brevets (OEB) est l’organisation qui est chargée de délivrer les brevets européens et de gérer les recours [1]. Sur son site, l’OEB rend accessible les documents relatifs aux demandes de brevets par le service Espacenet [2]. C’est un outil qui peut être utilisé pour la recherche de brevets.

Il est malgré tout difficile ensuite de faire le lien avec les variétés concernées, car lors de leur inscription au catalogue officiel, les obtenteurs n’ont pas à préciser si elles sont couvertes par un brevet.

Recherche dans la base de données de l’OEB

Pour chercher un brevet, un grand nombre de critères peuvent être utilisés (un mode d’emploi permet de comprendre les modalités de recherche).

Dans l’exemple présenté dans l’encadré ci-contre, il s’agit d’un brevet déposé par Biogemma, puis par Limagrain céréales Ingrédients SA. Il est précisé que les revendications portent sur des plants de blé de plusieurs espèces, qui peuvent être obtenues par mutagénèse in vivo, par mutagénèse aléatoire ou dirigée, ou par transgenèse, sur des graines de ces plants de blé ou sur tout produit issu de ces graines : farines, semoules, amidon…

C’est donc un brevet qui, comme beaucoup d’autres, assure une protection très large à cette « invention », et permettra à l’entreprise de revendiquer sa propriété industrielle sur les nombreuses variétés et autres produits qui en sont issus, et ceci à la simple condition que l’amidon qui la compose contienne au minimum 50 % d’amylose.

En tant que paysan, jardinier, boulanger, dois-je en conclure que si je cultive n’importe quelle espèce ou variété de blé remplissant cette seule condition sans en avoir acheté les semences à Limagrain, cette entreprise « coopérative » sera en droit de me réclamer des royalties ? Y compris si j’ai utilisé des semences héritées de blés déjà cultivés par mes arrières-grands-parents, ou si je vends du pain, des biscuits, des pâtes… remplissant la même condition mais qui ne sont pas issus de semences de blé achetées à Limagrain ?

Une publicité du Groupement national interpro-fessionnel des semences et plants (Gnis) affichait dans les années 60 : « Semences certifiées : un trésor est caché dedans ». Mais le trésor des semences brevetées n’est pas pour tout le monde…

Exemple de recherche 
d’un brevet sur un blé


- 1er champ : choisir « collection de demandes publiées en français » ; 
- champ Smart Search (recherche simple) : saisir par exemple « blé biogemma ». 
Cliquer sur l’onglet recherche : trois résultats s’affichent.


- cliquer sur le 1er : « blé avec activité modifiée d’enzyme ramifiant, amidon et produits contenant de l’amidon dérivé dudit blé ».


- en cliquant sur le titre, un résumé : «  L’invention concerne du blé ayant un niveau d’activité de SBEIIa réduit, qui peut présenter une teneur en amylose relativement élevée. Le blé a un gène SBEIIa mutant dans le génome A. Ce blé peut aussi avoir des niveaux d’activité de SBEIIb réduits. Les grains dudit blé peuvent présenter un phénotype non-contracté malgré une lésion dans la voie de synthèse d’amylopectine et peuvent aussi présenter une teneur en amylose relativement élevée ». 


- avec le menu de gauche, on peut accéder à la description complète du brevet, les pays où il s’applique, ses revendications…

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