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OGM – La directive européenne permet une procédure simplifiée

Par Eric MEUNIER

Publié le 12/03/2020

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Les nouveaux OGM doivent se soumettre à l’application de la directive 2001/18 sur la dissémination des OGM. Cependant, nous nous sommes penchés sur des exceptions permises par cette directive, et notamment son article 16. Cet article permettrait-il de s’affranchir de l’étiquetage pour certains OGM ? La rédaction, imprécise, de cet article, ne permet pas de conclusion formelle. Quoiqu’il en soit, la traçabilité des OGM reste, elle, obligatoire…

En 2001, à l’occasion de la mise à jour de la directive 90/220 sur la dissémination des OGM, le législateur européen décidait de continuer à encadrer les essais en champs et la commercialisation des OGM comme il le faisait depuis 1990. Mais il prévoyait également quelques échappatoires qui pourraient bien servir aujourd’hui. Dès septembre 2018, selon des documents qu’Inf’OGM a consultés, la Commission européenne sondait ainsi les États membres sur la pertinence d’autoriser les OGM obtenus par de nouvelles techniques de mutagénèse selon la procédure de l’article 16 de la directive 2001/18. Un article jusqu’à aujourd’hui peu remarqué…

Quand la loi prévoit elle-même de se vider de sa substance

L’Union européenne, avec sa directive 2001/18, encadre l’autorisation commerciale des OGM. Ainsi, toute demande d’autorisation d’OGM doit contenir diverses informations comme le nom et la description de l’OGM lui-même, des données permettant d’évaluer les risques potentiels, un plan de surveillance de l’environnement ou encore, voire surtout, un « projet d’étiquetage » qui doit indiquer « clairement la présence d’un OGM » [1]. Mais, à bien la relire, cette directive prévoit également la possibilité de déroger à ces requis.

Ainsi en est-il pour les essais en champs qui, selon l’article 7, peuvent faire l’objet de procédures d’autorisation différenciées nécessitant de fournir moins d’informations préalables que prévues. Dans un rapport publié le 12 mars 2020 [2] sur lequel Inf’OGM reviendra plus amplement dans un prochain article, l’Académie française d’Agriculture souligne d’ailleurs que « l’article 7 de la directive 2001-18 instaurant une procédure différenciée – apparemment jamais utilisée – peut alors fournir, sans changer la législation actuelle, un cadre juridique à tester » afin de permettre que des essais en champs soient autorisés « avec des dossiers mieux calibrés et un suivi des autorisations limitées dans le temps et révocables, auxquelles il pourrait être mis fin sans irréversibilité ».

Une procédure semblable existe pour les autorisations à des fins commerciales avec l’article 16 de la directive intitulé sobrement « Critères et informations pour certains types d’OGM ». Il permet à un gouvernement ou à la Commission européenne de soumettre aux États membres « une proposition relative aux critères et aux exigences d’information auxquels [le dossier de demande d’autorisation] doit satisfaire, par dérogation à l’article 13, pour la mise sur le marché de certains types d’OGM en tant que produits ou éléments de produits ». Des critères et exigences particulières qui ne sont pas spécifiés par la directive et peuvent être bien sûr moindres que ceux prévus dans la procédure standard, comme nous allons le voir.

Interrogée par Inf’OGM, la Commission nous a indiqué qu’il n’avait encore jamais servi, aucune demande d’autorisation n’ayant été traitée selon cet article. Si tel devait être le cas, l’information serait rendue publique de manière à ce que le public puisse « présenter des observations à la Commission » dans un délai de soixante jours comme le prévoit l’article 16 lui-même.

Un étiquetage incertain mais une traçabilité obligatoire

Parmi les informations auxquelles l’article 16 permet de déroger en vue d’une autorisation commerciale se trouve par exemple « le projet d’étiquetage » de l’OGM. Si la Directive 2001/18 précise dans son article 19 qu’une autorisation délivrée doit indiquer « explicitement […] les exigences en matière d’étiquetage », une telle exigence peut donc être… de n’avoir aucun étiquetage dans le cadre d’une procédure d’autorisation selon l’article 16 ! La situation aurait été différente si l’article 19 de la directive avait imposé que la décision d’autorisation délivrée contienne « l’étiquetage indiquant la présence d’OGM » par exemple et non les exigences en matière d’étiquetage. Ainsi « certains types d’OGM » pourraient bien être commercialisés incognito pour le consommateur final.

Malgré cette potentielle absence d’étiquetage, les OGM devront continuer de faire l’objet d’une traçabilité dans les filières. Le règlement 1830/2003 intervient en effet sur tous les « produits qui consistent en OGM, ou qui en contiennent, mis sur le marché conformément à la législation communautaire » [3]. Il rend obligatoire pour ces produits une traçabilité qui impose que tout opérateur commercial d’une filière soit informé de la nature OGM du produit qu’il reçoit et avec lequel il va travailler. Dès lors, si l’étiquetage à destination du consommateur final apparaît comme pouvant devenir optionnel pour « certains types d’OGM » autorisés selon l’article 16, les informations permettant leur traçabilité restent obligatoires. Mais de tels OGM devraient être peu nombreux car ceux destinés à l’alimentation ne peuvent pas être concernés.

Les OGM alimentaires non concernés

Établir les OGM qui pourraient être autorisés selon l’article 16 est aujourd’hui une question de première importance du fait de l’arrêt de la CJUE en juillet 2018 et de la décision du Conseil d’État en février 2020. Ces deux instances ont en effet rappelé que toutes les nouvelles techniques de mutagénèse, dont les techniques de mutagénèse in vitro, donnent des OGM devant être soumis aux dispositions de la réglementation OGM européenne. Des décisions qui s’appliquent par ricochet à toutes les nouvelles techniques de modification génétique.

Une relecture des discussions entre 1999 et 2001, année d’adoption de la directive 2001/18, permet de comprendre l’historique de l’article 16. Il avait initialement été proposé pour établir une procédure simplifiée d’autorisation pour les OGM dont les résultats d’essais en champs expérimentaux ou des considérations scientifiques permettaient de conclure à l’absence de risques pour la santé humaine et pour l’environnement. Comme nous l’avons vu, sa formulation finale a finalement été assez imprécise.

Mais une chose est certaine, les OGM concernés ne pourront être ceux destinés à l’alimentation humaine et / ou animale. Car ces derniers doivent être autorisés selon le règlement 1829/2003 qui impose l’étiquetage et ne prévoit aucune dérogation. Il faut également se rappeler que depuis une quinzaine d’années, Commission européenne et entreprises lisent ce règlement 1829/2003 comme s’appliquant également aux demandes d’autorisation de mise en culture commerciale quand il s’agit d’OGM destinés sous une forme ou une autre à l’alimentation humaine ou animale. Une lecture qui a permis aux demandes d’autorisation de mise en culture d’OGM d’être déposées par les entreprises selon le règlement 1829/2003 et non la Directive 2001/18 pour la très grande majorité des OGM concernés. Si un changement d’habitude devait avoir lieu et que la directive 2001/18 redevienne le vecteur premier de demande d’autorisation d’OGM à destination alimentaire, de telles autorisations pourraient être délivrées à la condition qu’elles respectent les requis du règlement 1829/2003 et du règlement 1830/2003. Dans le cadre d’OGM alimentaire, la traçabilité et l’étiquetage des lots de semences, des produits de la récolte et de ceux obtenus à partir de cette récolte seraient ainsi de fait imposés.

Il ne reste donc guère que les OGM commercialisés pour une destination non alimentaire qui pourraient possiblement échapper à l’étiquetage en passant par l’article 16 de la directive 2001/18, mais pas à leur traçabilité ! Parmi ceux-ci pourrait se trouver les plantes génétiquement modifiées destinées à être vendues comme produits pour méthanisation, agrocarburants, fleurs coupées…

L’évaluation des risques, cœur de cible affaibli

S’il ne permet pas d’échapper à la traçabilité, l’article 16 de la 2001/18 conserve un intérêt. Les informations requises via cet article doivent, même si elles dérogent à l’article 13, permettre d’assurer « un niveau élevé de sécurité pour la santé humaine et l’environnement, et reposent sur les preuves scientifiques disponibles ». On lit ici le cœur des impacts de l’article 16. Car il permet aux États et à la Commission de décider que les informations à fournir pour évaluer les risques liés à « certains types d’OGM » avant autorisation sont réduites à peau de chagrin. Et s’il est prévu que les experts réunis au sein de l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA/EFSA) soient consultés sur la proposition de dérogation, leur accord n’est pas nécessaire.

Cette situation d’allègement de l’évaluation des risques avant autorisation rejoint un autre allègement adopté en 2013. Cette année-là, l’adoption du règlement d’application 503/2013 ouvrait la porte pour les OGM à destination alimentaire humaine ou animale à une évaluation réduite des risques. Il prévoit en effet la possibilité, par exemple, de soumettre moins de données d’évaluation des risques selon la nature du produit, si de telles données sont jugées scientifiquement inutiles voire même s’il est techniquement impossible de les fournir [4].

Malgré les cris d’orfraie des pro-OGM qui, suite aux décisions de la CJUE et du Conseil d’État, réclament un changement de la législation pour en affranchir ce type d’OGM, force est de constater que cette dernière offre déjà plusieurs possibilités d’échapper à sa propre application. Pour les OGM non alimentaires, l’article 16 de la directive 2001/18 permet d’échapper à une évaluation des risques ou à la surveillance de l’environnement post-commercialisation. Si l’étiquetage est potentiellement concerné par un tel échappatoire, ce n’est par contre pas le cas de la traçabilité. Une traçabilité qui mécontente les industriels et justifie manifestement de réclamer un changement de législation.

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