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UE – Contrôle des OGM : un matériel défectueux

Par Eric MEUNIER

Publié le 20/01/2020

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L’Union européenne a décidé, en 2019, de vérifier systématiquement la qualité du matériel OGM fourni par les entreprises dans les procédures de demande d’autorisation. Une décision prise car des « défaillances » étaient identifiées en 2018 dans du matériel OGM fourni par la société ASOCS, utilisé comme témoin positif pour valider les méthodes de détection d’OGM. Une situation paradoxale à l’heure des discours clamant que les techniques de modification génétique sont maîtrisées de bout en bout…

En juin 2018, le réseau de laboratoires européen travaillant sur la détection des OGM dans l’alimentation (EURL-GMFF) échangeait en réunion sur la mauvaise qualité de certains matériels fournis par des entreprises demandant une autorisation pour commercialiser un OGM [1]. Huit mois plus tard, en février 2019, la Commission européenne est alertée de ce problème [2].

« Quelques défaillances techniques »…

Rappel des procédures : toute entreprise souhaitant commercialiser dans l’Union européenne un OGM doit obtenir une autorisation. Pour cela, les entreprises doivent obligatoirement fournir une méthode de détection et de traçabilité de la modification génétique qu’elles souhaitent commercialiser. En théorie, l’Union européenne vérifie d’une part que cette méthode marche bien et, d’autre part, qu’elle est spécifique à une seule modification génétique. Pour cela, l’Union européenne a besoin de matériel sur lequel la tester, appelé « matériel de référence certifié ». Comme il s’agit de détecter une modification génétique dans un ADN, ce matériel peut être du matériel végétal bien sûr, mais également une simple molécule circulaire d’ADN (un plasmide) contenant la modification génétique.

Or, selon le compte-rendu de la réunion de février 2019 de l’ENGL, c’est justement un problème avec certains de ces « matériels de référence certifiés » qui a été mis à jour par des laboratoires nationaux. Sans spécifier les OGM concernés, le Centre Commun de Recherche de l’Union européenne nous a confirmé que « des laboratoires officiels de contrôle et l’EURL-GMFF ont détecté quelques défaillances techniques pour certains matériels de référence certifiés ». Une description précise de ces défaillances techniques ne nous a pas été donnée, impossible donc d’en dire plus.

On comprend que le problème est de première importance. En effet, sans matériel de référence propre, il n’est pas possible de garantir que la méthode de détection d’une modification génétique fonctionne correctement et de manière univoque. Les experts européens et la Commission européenne ont donc décidé de rencontrer les entreprises afin d’échanger avec elles sur ce problème.

En juin 2019, après avoir discuté avec EuropaBio, la Commission et l’EURL-GMFF ont décidé d’établir une procédure qui instaure dorénavant une vérification systématique de la qualité des matériels de référence certifiés fournis. Lors de cette réunion, il a été en effet précisé qu’un « nouveau processus fut acté pour vérifier si les matériels de référence certifiés répondent aux exigences établies » par la réglementation européenne [3]. Une vérification systématique qui n’était donc pas obligatoire auparavant. Depuis, les experts européens ont publié cette nouvelle procédure sur leur site Internet, comme nous l’a précisé le Centre commun de recherche [4].

Un système bancal ?

Au-delà du seul constat effectué par l’ENGL, cette situation est révélatrice d’un fonctionnement pour le moins particulier dans le domaine des contrôles. Tout d’abord, ce ne sont pas forcément les entreprises demandant une autorisation pour un OGM qui produisent « le matériel de référence certifié » de cet OGM. En effet, les « défaillances techniques » détectées par les experts européens concernent du matériel produit par une structure privée au nom peu évocateur pour le dossier OGM, la Société des chimistes américains des huiles (AOCS [5]), à laquelle adhèrent des entreprises. Sur son site Internet, cette dernière commercialise donc plusieurs produits parmi lesquels on trouve, par exemple, une solution d’ADN extrait de feuilles de canola T45 de BASF ou de la poudre de maïs Mon88017 de Monsanto, de maïs Ga21 ou encore de maïs Mir604 de Syngenta. Les entreprises commercialisant les OGM peuvent donc s’en remettre à une structure privée tierce pour produire leur matériel de référence certifié. Une procédure qui répond à la législation européenne, celle-ci indiquant simplement que le dossier de demande d’autorisation déposé doit préciser le « lieu où le matériel de référence est disponible », non pas que celui-ci doit être physiquement fourni [6]. L’Union européenne doit-elle acheter ce matériel ? Interrogé par Inf’OGM, le Centre Commun de Recherche ne nous a pas (encore ?) répondu.

Les problèmes soulevés sur certains matériels de référence certifiés posent donc la question de la fiabilité des méthodes de détection validées par le passé. Mais surtout, cette défaillance des entreprises apparaît paradoxale quand on se réfère à leur communication. Alors qu’elles argumentent maîtriser parfaitement leurs techniques de modification génétique, il est en effet étonnant de constater que la simple production de matériel de référence OGM peut poser problème. Un constat d’autant plus étonnant que, sur le dossier des nouveaux OGM, la maîtrise technique serait telle que, selon les déclarations des mêmes entreprises, il ne serait pas possible de différencier un nouvel OGM de ce que la Nature peut produire…

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