n°158 - janvier / mars 2020

Des insectes OGM au service de l’agriculture ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 11/05/2020

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Des insectes ont été génétiquement modifiés pour résoudre certains problèmes agricoles. Éradiquer une population de mouche de l’olivier en disséminant des mouches transgéniques stériles en est un exemple. Les papillons parasites de cultures de choux, colzas et autres brassicae aux États-Unis en sont un autre. À l’origine de ces projets, se trouve souvent la même entreprise, Oxitec, qui s’est fait un nom dans la stérilisation de population d’insectes par transgenèse.

Les projets de modification génétique d’insectes pour les rendre stériles peuvent cibler des parasites agricoles dans l’objectif de réduire, sinon éradiquer, leur population. Le principe ? Que les insectes génétiquement modifiés (GM), après croisement avec des insectes sauvages, transmettent à leur descendance une séquence génétique les rendant stériles ou incapables de se développer.

La mouche de l’olivier non testée

En 2013, Oxitec a déposé, en Espagne, une demande d’autorisation d’essai en champ pour disséminer des mouches de l’olivier (Bactrocera oleae) transgéniques dont les mâles sont stériles [1]. Le gouvernement avait alors refusé un tel essai dans un pays où la production biologique d’olives représentait alors un quart de la production annuelle. Un refus renouvelé en 2015 suite à une seconde demande d’Oxitec, le gouvernement estimant que l’essai ne pouvait pas être confiné. Une autre problématique soulevée par ce projet concernait également une éventuelle stérilité non absolue, d’ailleurs reconnue alors par Oxitec, qui induisait un risque de dissémination du transgène.

Plusieurs organisations européennes avaient demandé un moratoire sur les lâchers d’insectes transgéniques, notamment du fait de ces risques mal évalués. Pour le moment, aucune troisième demande d’autorisation n’a été faite…

Un papillon dans les choux

Oxitec toujours : cette fois avec des papillons GM (Plutella xylostella) pour que les femelles meurent et que seules les larves mâles puissent atteindre l’âge adulte [2]. L’état de New-York aux États-Unis fut le lieu choisi pour un lâcher expérimental de ces papillons en 2017. Mais ici encore, l’évaluation des risques est apparue lacunaire. GeneWatch avait soulevé que pour être efficace, la proportion de mâles devait être dix fois supérieure à celle de femelles… L’association soulignait également les risques associés à la consommation de plantes où se trouveraient des larves femelles mortes, aucune évaluation ne se trouvant dans le dossier. Mais c’est le problème de dispersion non contrôlée qui avait surtout été pointé du doigt. Malgré des retours négatifs majoritaires dans les réponses à la consultation publique organisée par le ministère de l’Agriculture des États-Unis, le lâcher expérimental avait été autorisé en juillet 2017 et eut lieu en août et septembre 2017 avec 16 500 insectes GM utilisés.

Deux pays ont accepté 
des essais

Oxitec a également des projets pour la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata) [3] ou le ver de la capsule du cotonnier (Anthonomus grandis) [4]. Tous ont comme point commun d’avoir été modifiés génétiquement pour véhiculer une stérilité au sein de la population sauvage. Mais comme le résume un rapport récent [5], très peu de lâchers expérimentaux ont été effectivement conduits. Des demandes d’essais ont été déposées au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Espagne, au Brésil et en Australie. Finalement, seuls le Brésil en 2014 et les États-Unis en 2017 ont autorisé un tel essai. On notera néanmoins que l’entreprise Oxitec avait en 2007 et 2008 conduit des essais avec son ver GM de la capsule du cotonnier aux États-Unis. Mais cet essai, qui impliquait des vers dont la caractéristique GM était « seulement » un gène de fluorescence, avait dû être arrêté principalement du fait d’inquiétudes qu’il générait alors pour l’agriculture biologique.

Dans le domaine agricole, les projets menés par l’entreprise Oxitec, rachetée en 2015 par Intrexon, semblent s’être plus heurtés aux méfiances des gouvernements qu’ils n’ont généré d’espoirs. Mais ils sont surtout le symbole d’une fuite en avant technologique. Car ces insectes GM appartiennent à un modèle agricole consommateur de produits chimiques et notamment d’insecticides qui atteint ses limites. Un exemple supplémentaire pour montrer que les promoteurs du tout chimique veulent maintenant le remplacer par le tout génétique…

[5« Oxitec’s failed GM mosquito releases worldwide », Genewatch, TWN, African center for biodiversity, avril 2019

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