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Nouveaux OGM : la position des États membres de l’UE

Par Eric MEUNIER

Publié le 04/12/2019

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Depuis l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui précisait que tous les produits obtenus par de nouvelles techniques de mutagénèse sont des OGM encadrés par la législation, les discussions vont bon train. Les réponses fournies par les États membres à un questionnaire de la DG Santé de la Commission européenne sur le sujet permettent, au 31 juillet 2019, de percevoir la tendance générale : une minorité d’États est favorable à une révision de la loi. Les autres n’ont soit pas répondu, soit ont fait part de questions, soit encore considèrent que la législation actuelle doit être tout simplement mise en œuvre.

La directive 2001/18 sera-t-telle modifiée, réécrite ou simplement mise en œuvre ? La question est d’importance pour les entreprises qui cherchent toujours à ce que leurs nouveaux OGM ne soient pas réglementés. Après s’être battus pour que la législation actuelle soit lue comme ne les concernant pas, ces acteurs s’agitent maintenant pour que la législation soit modifiée voire réécrite. Mais du côté des États membres, cette perspective n’est pas aussi claire. Dès l’automne 2018, la Commission européenne de Juncker sondait les États membres sur le sujet en leur adressant une série de questions. Un an après, selon des documents en possession d’Inf’OGM, les réponses apportées renseignent sur les positions, arguments à l’appui.

Sept pays favorables à une révision de la loi

La Croatie et la Lituanie ne détaillent pas les raisons pour lesquelles ils suggèrent que la directive 2001/18 soit révisée, mais d’autres pays se montrent plus loquaces. La Bulgarie, par exemple, estime que la décision de la justice européenne concerne d’autres méthodes que les seules techniques de mutagénèse. Ce pays souhaite que « la possibilité d’amender voire mettre entièrement à jour la directive » fassent l’objet de discussions. La République tchèque estime de son côté que la directive 2001/18 est « vieille, basée sur des concepts des années 80 / 90 ». Ce pays précise même les modifications qu’il estime nécessaires, à savoir que « des amendements devraient être adoptés pour différencier entre les organismes obtenus par transgenèse et ceux avec seulement de petits changements précis […] obtenus par édition du génome ». Les ambitions de la République tchèque sont en fait plus vastes. Ce pays estime que l’approche même de la directive qui prend aujourd’hui en compte la technique et le produit final pour définir ce qu’est un OGM devrait être changée pour ne considérer que le produit final. Une vieille demande des entreprises du secteur…

Espagne et Roumanie se rejoignent tous deux sur la même volonté que les coûts liés à la décision de la Cour de justice soient évalués. La Roumanie met en avant qu’il lui paraît nécessaire d’avoir une législation européenne « distinguant entre la mutagénèse spontanée, la mutagénèse induite et le transfert de gène ». Elle demande donc une toute nouvelle législation sur les « nouvelles technologies d’édition du génome  ». Pour l’Espagne, une telle étude se justifie d’autant plus que les « nouvelles techniques visent également à produire des produits plus sûrs avec des changements plus précis ». Le souhait du ministère de l’Environnement espagnol est donc que la directive 2001/18 soit revue de manière à être « claire, basée sur des preuves, applicable, proportionnée et suffisamment flexible pour faire face aux futures avancées en science et technologie ». Cet argument d’une absence de clarté se retrouve dans la position des Pays-Bas qui estiment floues aussi bien la définition de mutagénèse que la formule du législateur en 2001 quand il argumentait que seules les techniques de modification génétique « traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » peuvent être exemptées des requis de la loi. Les Pays-Bas estiment « urgent et essentiel que l’Union européenne se penche sur ces questions sans attendre de manière à apporter clarté et sécurité juridique » et se sont donc déclarés en faveur d’une révision urgente de la législation.

Six pays demandent des clarifications

La France ne s’exprime pas clairement sur la pertinence de réviser ou non la directive 2001/18. Mais, à l’instar des Pays-Bas, elle demande que soient clarifiée l’expression « traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » qui est à la base de l’arrêt de la CJUE. Elle annonce souhaiter que l’arrêt de la CJUE soit mis en œuvre « de manière faisable au vu du considérant 17 de manière à différencier entre les OGM ». D’aucun pourrait lire dans cette formule une suggestion cachée de réviser la directive, les entreprises affirmant impossible de différencier entre les OGM justement. Mais pour la France, un point important à clarifier est en amont des problématiques de différenciation et donc de traçabilité. Elle estime « nécessaire d’examiner le cas de certaines variétés obtenues par mutagénèse aléatoire tout en ayant été soumises à un traitement in vitro ». Une formule qui ne doit rien au hasard puisque ce critère « in vitro », mis de côté volontairement par les entreprises et autres promoteurs d’OGM, est pourtant central. Notamment car il participe à définir dans la législation internationale qu’est le Protocole de Cartagena ce que sont les Organismes Vivants Modifiés [1].

L’Italie demande simplement à ce que des discussions aient lieu entre États membres sur « les conséquences de la décision de la Cour de justice et sur le cadre réglementaire appliqué aux produits obtenus » par les nouvelles techniques de modification génétique. De son côté, le Danemark souhaite également que des discussions aient lieu sur les conséquences «  politiques, économiques et environnementales » du jugement de 2018. À ces discussions, ce pays souhaite adjoindre une étude qui intègrerait divers impacts comme « les entreprises déménageant hors de l’UE, la perte de bénéfices environnementaux avec les nouvelles variétés  » mais également « la perte de biodiversité agricole, la perte de cultures nationales qu’il n’est pas possible de développer avec les nouvelles techniques ». La Suède pose elle une seule question à la Commission européenne, celle de savoir si « la Commission interprète la décision de la Cour de justice de telle manière que [toute nouvelle technique] devrait automatiquement donner des OGM réglementés ? ». De son côté, la Slovaquie a fourni une réponse succincte, demandant simplement que « les techniques devraient être listées au niveau communautaire » de manière à assurer que les États membres mettent en œuvre la législation OGM de manière homogène.

Enfin, si la Finlande n’a pas fourni de réponse précise dans son questionnaire quant au devenir souhaité de la législation européenne, son action en tant que pays présidant l’Union européenne en témoigne : début août, elle a présenté aux États membres une proposition de décision qui faisait état de points nécessitant d’être clarifiés comme la théorique incapacité à différencier entre les OGM. Début novembre, ce pays obtenait du Conseil qu’une étude soit conduite par la Commission européenne sur « le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union  » [2].

Trois pays demandent que la loi soit appliquée

Pour la Hongrie, les choses sont simples. Ce pays estime que les produits « génétiquement édités » ont soulevé de fortes inquiétudes pour ce qui est de la commercialisation de produits sans OGM, de la coexistence ou encore de l’étiquetage. Mais, la Hongrie estime que la « décision de la Cour de justice a rendu le statut légal de ces produits clair comme de l’eau de roche ».

Dans la même veine, l’Autriche considère que « tous les produits obtenus par nouvelles techniques de mutagénèse tomberont sous le coup de la législation autrichienne et nécessiteront une autorisation pour les essais en champ ». On notera néanmoins que ce pays apporte une précision qui reste floue puisqu’il indique que seules les « méthodes de mutagénèse non dirigée » sont exemptées des requis de la loi autrichienne sur le génie génétique. Si l’expression « non dirigée » ne renvoie à aucune des nouvelles techniques régulièrement présentées comme précises, il n’en reste pas moins que cette notion n’est pas définie légalement au niveau européen.

La Pologne, enfin, considère que les techniques de mutagénèse dirigée « permettent de produire de nouvelles variétés à une vitesse et dans un volume qui n’étaient pas imaginables avec les méthodes traditionnelles de mutagénèse aléatoire ». Pour la Pologne, ces techniques doivent donc être « considérées comme donnant des OGM ».

Sur 28 États membres, sept seulement ont déclaré être favorables à une révision de la directive. Les autres considèrent que des discussions sont utiles, sans pour autant conclure à une nécessaire modification de la directive. Des discussions qui pourraient avoir officiellement lieu après le 30 avril 2021, date à laquelle un rapport de la Commission européenne est attendu sur le sujet. Sauf si ce débat est provoqué plus tôt dans le cadre d’un autre rapport commandé à la Commission européenne pour le 30 décembre 2020 cette fois, sur les semences [3]

[3Ibid. À noter toutefois le report de la publication de cette étude au 30 avril 2021, voir : Eric MEUNIER,
Frédéric PRAT, « OGM – La Commission européenne envisage de changer la législation », Inf’OGM, 29 avril 2021

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