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Le pari du steak végétal OGM

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 22/11/2019

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Les alternatives végétales aux produits carnés ont le vent en poupe. Le dernier né, l’Impossible Burger, sort du lot car il imiterait au plus près le goût de la viande grâce au génie génétique. La société productrice, Impossible Foods, fait de ce simili carné une innovation dont elle vante les mérites éthiques et écologiques. Une demande d’autorisation de mise sur le marché européen a été déposée alors que sa commercialisation outre-Atlantique est actuellement remise en cause.

L’Impossible Burger n’est pas le premier produit simili carné qui entre sur le marché. De nombreuses autres alternatives végétales existent, mais il est le premier à recourir au génie génétique pour obtenir la caractéristique principale de son produit. En effet, l’Impossible Burger est un steak végétal à base de protéines de soja développé pour se rapprocher le plus possible du goût de la viande grâce à la léghémoglobine de soja. Aussi appelé hème, cet ingrédient, très proche de l’hémoglobine, est obtenu grâce à la culture d’une levure transgénique [1]. Il donne la couleur rouge et le goût « ferreux » de la viande au steak végétal. Impossible Foods a déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché pour cet hème auprès de l’Union européenne sous les règlements liés aux OGM (1829/2003) et aux arômes alimentaires (1334/2008).

Quel étiquetage ?

Rappelons que la législation OGM européenne ne traite pas de la même manière les produits obtenus « à l’aide de  » et ceux produits «  à partir de  ». Dans le premier cas, l’OGM utilisé ne se retrouve pas, en théorie, dans le produit final ; dans le second cas, l’OGM est la source même du produit final, donc doit être étiqueté [2].

La demande d’autorisation d’Impossible Foods porte sur la léghémoglobine de soja produite à partir d’une levure génétiquement modifiée. La demande spécifie que, bien que la levure ne subsiste pas dans le produit final de manière « viable », des traces d’ADN génétiquement modifié demeurent [3].

L’Autorité européenne de Sécurité des Aliments (AESA/EFSA) devra donc dans un premier temps autoriser la levure transgénique à l’alimentation humaine ; et le produit sera étiqueté OGM conformément à la législation si des traces de cette levure sont supérieures à 0,9%.

Quoiqu’il en soit, l’Impossible Burger, tel qu’il est actuellement produit, devra de toutes façons être étiqueté OGM en Europe, car son ingrédient principal, une protéine de soja, provient d’un soja génétiquement modifié pour être rendu tolérant à des herbicides, dont le glyphosate.

L’entreprise pourrait remplacer ce soja par une alternative non OGM, notamment pour les ventes européennes. Cependant, l’entreprise ne cache pas le recours au génie génétique pour la production de son steak végétal, voire en fait un argument de vente.

Notons qu’en Europe comme aux États-Unis, l’étiquetage des produits OGM n’est pas obligatoire dans les lieux de restauration collective. Or l’Impossible Burger, comme de nombreux autres simili carné développés dernièrement, s’intéresse principalement aux débouchés offerts par les grandes chaînes de restauration rapide [4]. Le développement de la vente directe aux consommateurs n’est pas le marché le plus intéressant pour ces produits.

Une sûreté du produit discutable

En 2015, lors de la première demande d’Impossible Foods à la FDA (Food and Drug administration), celle-ci aurait refusé de délivré un avis GRAS (« Generally recognised as safe », c’est-à-dire généralement reconnu comme sûr) pour la léghémoglobine de soja au motif que les informations fournies sur la sécurité du produit n’étaient pas assez précises.

En 2017, nouvelle tentative pour obtenir la mention GRAS avec la présentation d’une nouvelle étude réalisée sur des rats. Cette étude d’une durée de 28 jours portant sur une petite population de rats a montré chez ces derniers des prises de poids et des changements dans la composition du sang. L’entreprise a écarté ces résultats au motif qu’ils n’avaient pas de pertinence toxicologique ou qu’ils n’étaient pas défavorables. La FDA a alors répondu à cette nouvelle demande par une « no question letter  » indiquant qu’elle n’avait pas de questions supplémentaires [5].

Mais cette lettre ne signifie pas que la FDA reconnaît le produit comme sûr. Cela exonère seulement la FDA de sa responsabilité vis-à-vis de la commercialisation du produit. Seule l’entreprise affirme et endosse la responsabilité de la sécurité du produit.

En Europe, il faut dans les dossiers de demande d’autorisation d’un OGM une étude de 90 jours minimum. L’étude réalisée pour le moment est donc insuffisante. Si des changements sur une étude courte ont pu être observés, ces changements métaboliques dans une étude plus longue devraient être plus importants. Cette potentielle nouvelle étude réalisée pour la demande européenne n’a pas été publiée.

Des arguments de vente éthiques et écologiques

Les alternatives à la viande classique (voir encadré) sont aujourd’hui présentés comme nécessaires éthiquement et écologiquement. À la fois pour cesser l’exploitation industrielle des animaux qui engendre des souffrances de ces derniers et pour lutter contre le changement climatique. Car la production de viande via l’élevage pour une demande mondiale toujours croissante est l’une des sources principales d’émissions de gaz carbonique, très consommatrice en eau et en terres arables. Les protéines alternatives consommeraient moins d’eau, moins de terre et seraient également meilleurs pour la santé car avec une base végétale plus saine.

Le bilan qui peut être fait de cette nouvelle industrie émergente est plus mitigé que celui vanté. Le Réseau Action climat estime qu’un végétarien émet près de deux fois moins de gaz à effet de serre qu’une personne qui mange en moyenne 100g de viande par jour. Mais ce calcul repose sur une transition alimentaire basée avant tout sur le recours à une alimentation végétale de saison, locale et de qualité [6].

Or, les simili carnés restent des produits transformés développés et produits par des entreprises de l’agro-alimentaire de manière industrielle. Selon ETC group, les start up ayant pour but le développement du simili carné valent plusieurs millions. Beaucoup ont des connections avec des milliardaires qui ont fait fortune dans les nouvelles technologies ou même dans l’industrie pétrolière !

Deux types de « néo viande »


Se distinguent actuellement deux sortes de « néo viande » produites grâces aux biotechnologies qu’ETC group [7] appelle aussi des « pétri protéines ».

Tout d’abord, les cultures de cellules animales qui visent à produire de la viande en laboratoire tout en s’émancipant de l’élevage des animaux. Les produits obtenus ne sont pas végétariens car ils ont une origine animale. Les coûts de production sont encore trop élevés pour qu’existent aujourd’hui une production commerciale.

Ensuite, tous les simili carnés produits à partir d’ingrédients de source non animales (légumineuses, bactéries, levures, algues…) qui cherchent à remplacer les protéines animales avec des composants qui s’approchent le plus possible du goût et/ou de la texture de la viande ou du poisson. Les produits qui utilisent ces alternatives sont végétariens mais sont également des produits ultra transformés.

[1Culture de la levure Pichia pastoris à laquelle a été ajouté un gène LGB2 codant la production de la léghémoglobine provenant du soja.

[3« Some residual of the P. Pastoris proteins (representinf up to 35 % of the total protein) and DNA (about 300 mg/L) remains ». Demande d’autorisation de la léghémoglobine de soja produite à partir de Pichia pastoris génétiquement modifié pour usage dans les denrées alimentaires au sein de l’UE de Impossible Foods du 30 septembre 2019, page 10.

[4Beyond Meat, The vegetarian Burger (Unilever) et d’autres fournisseurs de grandes chaînes comme Burger King, Mac Donald’s ou récemment Buffalo Grill’s aux États-Unis ou en Europe, voir : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/burger-king-lance-un-burger-sans-viande-en-europe-mais-pas-en-france-832809.html

[7Source : Rapport ETC

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