n°157 - novembre / décembre 2019

Main basse de l’industrie agroalimentaire au Brésil

Par Leonardo Melgarejo, Gabriel Bianconi Fernandes et Naiara Bittencourt, 
Groupe de travail sur la biodiversité et 
l’agroécologie (Université de Santa Catarina)

Publié le 30/12/2019

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Au Brésil, les industriels de l’agroalimentaire ont pris le pouvoir. Ils développent les OGM, anciens et nouveaux, et contaminent l’environnement. Inf’OGM ouvre ses colonnes à trois universitaires de Santa Catarina, clairement opposés à cette nouvelle situation.

Les incendies au Brésil, qui illustrent bien ce qui se passe dans le pays dans tous les domaines de l’économie, les relations humaines et la protection de l’environnement, sont associés aux avancées du secteur agroalimentaire, dans leurs diverses dimensions. Les secteurs agroalimentaires étendent en effet leur pouvoir, en particulier sur le pouvoir exécutif, après l’élection sans débat et sans projet du président actuel, Jair Bolsonaro. Élection qui est la conséquence de la mise en accusation illégitime de l’ancienne présidente Dilma Rousseff, et de l’emprisonnement, sans preuve, de l’ancien président Lula, le tout favorisé par les représentants de la Bancada Ruralista (les parlementaires qui dominent le Sénat et la Chambre fédérale). Avec l’appui ou l’omission du pouvoir judiciaire, ces groupes revendiquent leurs intérêts. Ils accélèrent les processus allant de la déforestation et des incendies en Amazonie à la flexibilisation des modifications du cadre juridique relatif aux pesticides et aux processus de dissémination d’OGM. Cela s’accompagne de menaces et de harcèlement envers des dirigeants de mouvements populaires, de la criminalisation des organisations sociales, du démantèlement des politiques de lutte contre la faim et de celles destinées aux classes défavorisées. En outre, nous constatons le délabrement des institutions et des biens publics et l’isolement international du pays qui en découle.

Une explosion des cultures d’OGM

Rien qu’en 2018, les cultures de soja, de maïs et de coton génétiquement modifiés avaient atteint 50,2 millions d’hectares (ISAAA, 2019). Les caractéristiques impliquées (tolérance aux herbicides et caractère insecticide) atteignent 93 % des cultures. Cela a rendu impossible les zones de refuge. Les processus de sélection accélérée ont conduit à l’émergence de populations résistantes de plantes spontanées et d’insectes indésirables, qui ne sont plus contrôlés par les pesticides. Les nouvelles semences commercialisées aujourd’hui impliquent essentiellement des combinaisons de tolérance à divers herbicides (glyphosate, glufosinate d’ammonium, 2,4 D, dicamba et isoxaflutole) et de 13 toxines insecticides [1].

Les quantités de pesticides utilisées dans les cultures sont augmentées, comme le sont par conséquent les impacts sur les consommateurs brésiliens et européens, entre autres. Prenons, par exemple, le maïs MON 89034 x TC1507 x MIR162 x NK603 x DAS-40278-9, résistant à certains insectes (par les gènes cry1A105, cry2Ab2, cry1F et vip3Aa20) et également tolérant aux herbicides glufosinate d’ammonium, glyphosate, 2,4-D et haloxifop-R (par la présence des gènes pat, cp4 epsps et aad-1). La variété a été approuvée par la Commission technique nationale de biosécurité (CTNBio) en septembre 2018. Des mélanges toxiques seront appliqués à ces plantes. Les impacts résultant des effets synergiques entre ces produits sont inconnus. Au Brésil, sur les 90 variétés de plantes transgéniques commercialisées, 70 ont été modifiées pour tolérer les herbicides.

Moins de trois minutes 
par dossier en moyenne !

Les décisions de CTNBio, entité qui donne les autorisations d’OGM, ont été prises avec rapidité et peu de discussions sur l’intérêt du caractère étudié, comme indiqué dans le dernier rapport annuel du CTNBio. Lors des dix réunions de 2018, le CTNBio a délibéré sur
1 040 procédures en environ 40 heures d’évaluation collective, soit en moyenne 2 minutes et 20 secondes par approbation [2]. Pour les 30 cas de dissémination commerciale d’OGM (en supposant un accord absolu et l’absence de discussion dans tous les autres processus), les membres de la Commission auraient utilisé, en moyenne, environ 20 minutes pour l’exposition, l’analyse, le débat et le vote, suggérant peu de prudence du point de vue scientifique et même des doutes quant à la qualité technique des décisions. Et c’est encore plus rapide avec les nouveaux OGM [3].

[1Cry1F, Cry1Ac, cry1A.105, Cry2A, Cry2A, Cry2Ab2, Cry2Ae, Cry3Bb1, Cry34Ab1, Cry35Ab1, Vip3A, Vip3Aa20 et Vip3Aa20F

[2CTNBio, Rapport annuel 2018
(version préliminaire, distribuée en décembre 2018)

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