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Haut Conseil des biotechnologies : chronique d’une mort annoncée

Par Eric MEUNIER

Publié le 25/10/2019

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Surprise. Dans le projet de loi de finances pour 2020 en cours de discussion, on trouve cette information : le Haut Conseil des biotechnologies, créé par la loi en juin 2008, a « vocation à être supprimé ». Cette instance est pourtant d’importance puisqu’elle fournit au gouvernement français son analyse scientifique, éthique, économique et sociale sur le dossier OGM et plus précisément sur les demandes d’autorisations commerciales en Europe. Et son travail, depuis l’arrêt de la Cour de justice de l’UE du 25 juillet 2018, intègre désormais les procédures réglementaires sur les nouveaux OGM…

Depuis les années 80, la France a toujours eu un comité national d’experts sur le dossier OGM. Il s’est agi tour à tour de la Commission du Génie Biomoléculaire, du Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM et enfin du Haut Conseil des biotechnologies. Ce dernier, instauré par la loi en juin 2008 et organisé par décret en décembre 2008 [1], a pour originalité d’être composé de deux comités : un comité scientifique et un comité économique, éthique et social. Mais, depuis 2016 et les premières démissions de plusieurs de ses membres, la vie du HCB a été assez mouvementée. En juillet 2019, Inf’OGM publiait un article intitulé « Haut Conseil des biotechnologies : quel avenir ? » [2]. Une question qui a aujourd’hui une réponse gouvernementale.

Une suppression au plus tôt en 2021

Cette réponse est arrivée via le projet de loi de finance pour 2020 en cours de discussion. Pour le gouvernement français, le HCB est une instance qui «  a vocation à être supprimée » comme il est noté dans une annexe au projet de loi de finances établissant la «  liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du premier ministre ou des ministres » [3]. S’agissant simplement d’une remarque notée dans la colonne « observation », aucune explication à cette suppression n’est fournie dans le document. Seul le contexte du travail du HCB depuis 2016 est rappelé, un contexte aux « circonstances exceptionnelles  » : « d’une part, le non remplacement du président d’un des deux comités du Haut Conseil a entraîné de facto une impossibilité de maintenir l’activité ; d’autre part, la vacance prolongée de certains postes ont également eu un impact sur l’activité de l’instance et sur la consommation des crédits ». Interrogés par Inf’OGM pour connaître les détails de cette décision, ni le Ministère, ni le HCB n’ont encore répondu à nos questions.

On sait qu’en juillet 2019, le gouvernement se disait très sensible à l’importance des missions exercées par le HCB, et attaché à leur bonne réalisation [4]. Du côté du Ministère de la transition écologique et solidaire, le renouvellement du HCB au 1er janvier 2020 a d’ailleurs été confirmé directement au HCB le 8 octobre 2019 [5]. Mais ce même jour, le directeur de cabinet du Ministère de la transition écologique et solidaire précisait que son nouveau mandat serait très probablement d’une année [6]. Une année seulement, et ce alors même que le décret de création du HCB pris en 2008 énonce que les mandats du HCB sont de cinq années. La raison alors avancée était que concernant l’évolution future du HCB, «  quel que soit le scénario retenu, ce dernier pourrait ne pas être effectif au 1er janvier 2020  ». Ce jour-là, la décision de supprimer le HCB n’a pas été explicitement évoquée, à lire le compte-rendu interne du HCB sur ce rendez-vous. Mais avec ce renouvellement d’un an seulement, on conclut que la suppression du HCB n’interviendrait pas avant le 1er janvier 2021.

Des conditions de travail mouvementées

Les derniers mois sinon années du HCB n’ont pas été de tout repos [7]. Cette instance a vu son nombre de salariés mis à disposition par les ministères diminuer, elle a dû déménager contre sa volonté, sans perspective de retour dans ses locaux parisiens du Boulevard Saint-Germain pour l’instant. Côté composition, la Présidence est toujours assurée par intérim alors que le Comité économique, éthique et social (CEES) n’a lui toujours pas de présidence. Dernier élément d’importance, ce CEES est toujours amputé d’une partie de ses membres depuis la démission de sept organisations en 2016. Une composition lacunaire qui amène le HCB à ne pouvoir publier depuis que des avis tronqués puisque composé uniquement d’une opinion scientifique, sans aucune recommandation sociale, éthique et économique. Ces conditions de travail avaient conduit le gouvernement à commanditer un audit du HCB avant l’été 2018. Un an et demi plus tard, le résultat de cet audit et les éventuelles conclusions ne sont toujours pas publics.

Une charge de travail pourtant en hausse

En juillet 2018, la situation n’avait pourtant pas entamé l’optimisme de Jean-Christophe Pagès, Président du HCB par intérim. Dans le rapport d’activités 2018 du HCB [8], ce dernier écrivait que «  par-delà les difficultés, [le HCB] peut s’enorgueillir de son investissement et de sa volonté de poursuivre les travaux, que toutes et tous, membres des comités et personnels, ont contribué à porter en 2018 ». D’autant que, selon lui, «  la mission du Haut Conseil, d’instance intermédiaire entre les pouvoirs publics, les experts et la représentation du corps social, se trouve toujours au centre des questions clés qui se posent aux États ». Ces questions clés sont effectivement nombreuses. Comme confirmé par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018, les comités d’experts européens et nationaux comme le HCB sont censés s’occuper de demandes d’autorisation des OGM transgéniques mais également de tous les nouveaux OGM. Un travail qui nécessite d’une part que l’Union européenne se dote des outils techniques permettant notamment leur traçabilité, ce qu’elle n’a pas encore fait [9]. Mais qui, d’autre part, induit surtout que le nombre de dossiers à traiter pourrait augmenter dans les années à venir, nécessitant un HCB renforcé plutôt que… supprimé ! On notera également que le Comité scientifique du HCB s’intéresse aux évolutions législatives éventuelles du dossier OGM comme en témoigne un rendez-vous à venir avec une association pro-OGM (voir encadré ci-dessous).

Pour supprimer le HCB, le gouvernement devra nécessairement modifier la loi française de 2008 qui l’a instauré. Sauf s’il envisage de le faire renaître sous une forme différente ? La question se pose d’autant plus qu’il ne paraît pas possible que le gouvernement français s’affranchisse d’un conseil d’experts sur le dossier OGM pour, en théorie, en analyser les aspects sociétaux et évaluer scientifiquement les demandes d’autorisation. Le HCB est une instance originale, en Europe, dans sa composition avec deux comités avec pour rôle d’éclairer « de manière indépendante le Gouvernement sur toutes questions intéressant les OGM ou toute autre ». Le Président par intérim, Jean-Christophe Pagès, notait dans le rapport d’activités 2018 que « les adaptations qui émergeront du bilan de deux mandats consolideront la capacité de notre pays à contribuer à des choix éclairés, pour que chacun y voie leur sens, et que ceux-ci restent porteurs d’une utilisation raisonnée des biotechnologies ». Il est difficile de croire que la suppression du HCB soit une des adaptations qu’il avait en tête…

L’AFBV va rencontrer le Comité scientifique du HCB

Malgré la suppression annoncée du HCB, son agenda continue de se remplir. Il a ainsi récemment reçu une demande de rendez-vous de l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV), une organisation connue pour ses positions pro-OGM et ses demandes de déréglementation des nouveaux OGM. Le HCB, dans sa réflexion d’accepter ou non le rendez-vous, note que «  l’AFBV a travaillé à des propositions de réglementation des plantes issues des technologies d’édition génomique et souhaite en faire une présentation aux membres du CS du HCB  ». Le rendez-vous a finalement été accepté par le Bureau du HCB qui explique que « après discussion d’opportunité, le Bureau donne son approbation pour une présentation au CS. Par souci de transparence, les points abordés seront définis en amont de la rencontre, les présentations seront accessibles et tout document présenté en séance sera diffusé, étant annexé au CR de la séance ». Un rendez-vous qui interpelle car si le HCB dans son ensemble peut faire part de ses réflexions à ses ministères de tutelle comme il l’a déjà fait notamment sur le dossier des nouveaux OGM, le Comité Scientifique du HCB n’a, lui, pas cette mission…

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