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Japon – Un encadrement allégé pour les nouveaux OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 14/10/2019

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Le Japon vient de décider d’encadrer différemment les OGM selon leurs modifications génétiques. Les techniques sans insertion d’ADN étranger dans le génome d’un organisme seront soumises à une procédure d’autorisation allégée. Une approche basée en grande partie sur une très grande confiance dans les informations que les entreprises fourniront !

Le 1er octobre 2019 entrait en vigueur une décision du ministère japonais à l’Environnement et la sécurité des aliments, qui définit l’encadrement de produits obtenus par « édition du génome ». Une expression instaurée par les entreprises pour différencier les nouveaux OGM des OGM transgéniques. Ce changement de sémantique au Japon ne doit rien au hasard car avec cette décision, ce pays fait le choix d’encadrer ces OGM « édités » de manière minimaliste.

Une histoire de définition

Parmi toutes les techniques de modification génétique qui donnent des OGM selon la réglementation internationale (protocole de Cartagena), le Japon va différencier les techniques permettant l’insertion d’ADN étranger, dîtes d’ADN recombinant, d’une part ; des techniques modifiant « en un site spécifique une séquence de nucléotide particulière […] par utilisation d’une enzyme reconnaissant cette séquence en vue d’apporter une fonction spécifique » d’autre part [1]. Ces dernières techniques sont appelées par le Japon « des techniques d’édition du génome ». Il s’agit ici des techniques telles que Crispr, TALEN ou autres nucléases utilisées pour provoquer une ou des mutations, des délétions ou des insertions de séquences naturellement présentes dans l’organisme modifié, à la condition qu’aucune séquence d’ADN étranger ne soit également insérée. Cette nouvelle approche sémantique est suivie par la mise en place d’un système d’autorisation particulier pour les produits obtenus par ces techniques.

Une pré-consultation pour un dossier allégé

La procédure japonaise implique une pré-consultation. L’entreprise souhaitant commercialiser un produit « génétiquement édité » pour l’alimentation humaine devra consulter le Bureau de politique sanitaire sur les nouveaux aliments. Ce bureau décidera si une simple notification de commercialisation est suffisante ou si, au contraire une évaluation préalable des risques est nécessaire du fait de la présence d’ADN étranger.

Le dossier à déposer pour cette pré-consultation est assez léger. L’entreprise doit donner le nom et l’usage attendu de l’aliment développé ainsi que la méthode « d’édition du génome » utilisée. Elle doit caractériser la modification obtenue et indiquer qu’aucune séquence étrangère issue de la méthode ne se trouve dans le génome. Pour le volet sanitaire, une information montrant que la modification génétique n’induit pas de nouveaux allergènes ou substances toxiques est demandée. La décision japonaise prévoit enfin de rendre publiques ces informations, mais de manière résumée…

Les entreprises enjointes de… dire la vérité !

Le Japon ne prévoit pas de vérifier techniquement le contenu. Ainsi, si une entreprise dépose un dossier dans lequel elle affirme qu’aucune séquence d’ADN étranger n’est présente dans le génome, aucune vérification par séquençage n’est prévue. Pourtant, les dernières actualités montrent qu’une telle absence absolue d’ADN étranger est techniquement difficile comme on l’a vu avec les taureaux de Recombinetics [2].

Il en est de même pour les caractéristiques de la modification génétique. Les entreprises pourront indiquer avoir effectué une mutation ou une délétion de séquences par exemple. Mais aucune information n’est demandée quant aux effets non intentionnels possibles comme l’apparition d’autres mutations en des endroits du génome non ciblé. Des effets non intentionnels qui ont pourtant lieu lors de la mise en œuvre de protocole in vitro visant à modifier le génome d’un organisme. Les entreprises niant l’existence de ces effets non intentionnels, il paraîtrait étonnant qu’elles renseignent leur existence dans une pré-demande au Japon.

Donner le nom de la technique ou décrire le protocole ?

Le Japon rejoint ainsi une dynamique amorcée dans d’autres pays. En France par exemple, le comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies a proposé en 2017 une approche distinguant les produits en fonction notamment de la présence de séquence étrangère ou non [3]. Les Pays-Bas ont également fait une proposition en 2017 qui visait, en résumé, à maintenir le statut OGM réglementé pour les seuls organismes ayant une séquence génétique étrangère insérée [4]. Cette dynamique n’est pourtant pas partagée par tout le monde. Aux États-Unis par exemple, les animaux GM sont encadrés quelle que soit la nature de la modification génétique opérée [5]. Seul importe le fait que leur génome ait été « altéré »…

Il ne faudrait pas croire que renseigner le nom d’une technique de mutagénèse par exemple serait suffisant. Cette technique a-t-elle été mise en œuvre en insérant un transgène pour exprimer une enzyme comme Crispr/Cas9 ? A-t-elle été mise en œuvre sur des plantes entières (in vivo) ou sur des cellules cultivées sur milieu artificiel (in vitro) ? A-t-elle nécessité de régénérer des plantes à partir de cellules en utilisant des hormones ? A-t-elle nécessité des rétrocroisements et si oui, quel pourcentage du génome génétiquement modifié est toujours présent dans la plante commercialisée ? Quels effets non intentionnels a-t-elle provoqués dans le génome… Autant de questions fondamentales pour établir le statut OGM ou non selon la législation internationale, comme pour évaluer les risques potentiels…

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