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OGM : la Ministre de la Transition écologique et solidaire en pleine confusion

Par Christophe NOISETTE

Publié le 28/08/2019

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En affirmant que les OGM n’étaient pas autorisés en Europe, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a fait preuve d’une grave méconnaissance du dossier OGM. Une mise au point s’impose, d’autant plus que les « décodeurs » du journal Le Monde se sont aussi partiellement trompés en voulant rétablir la vérité !

Invitée sur France Inter le 27 août, la Ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, a été appelée à réagir aux propos du député européen Yannick Jadot sur l’accord de libre-échange entre le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) et l’Union européenne (UE).

« Yannick Jadot dit que suspendre, ne pas signer l’accord est une chose mais qu’il faut aller beaucoup plus loin, qu’il faut un embargo, par exemple, sur le soja transgénique brésilien. C’est là que ça fait mal […] si on veut durcir le rapport de force sur les questions climatiques et écologiques. Est-ce que vous êtes favorable à un embargo de ce type-là ? » l’interroge Nicolas Demorand [1].

Ce à quoi la Ministre a répondu : «  Je pense qu’on mélange différents sujets. Les OGM ne sont pas autorisés en Europe, ils ne le sont pas aujourd’hui, ils ne le seront pas demain ».

Cette déclaration, fausse à plusieurs niveaux, nous interroge sur sa méconnaissance du dossier OGM, et nous donne l’occasion de faire le point sur une situation pas toujours claire pour le grand public.

D’abord, les OGM sont d’ores et déjà autorisés à la culture dans l’Union européenne

Le maïs MON810 est autorisé à la culture dans l’Union européenne depuis 1998. Il s’agit d’un maïs génétiquement modifié par transgenèse qui produit un insecticide contre la pyrale du maïs. La France a mis en place un moratoire pour en interdire la culture sur son territoire mais il est encore cultivé dans deux pays européens : l’Espagne et le Portugal.

De plus, la loi européenne a toujours qualifié les produits issus de la mutagénèse d’OGM mais les exemptait des obligations légales (évaluation, autorisation, étiquetage). Officiellement, cette exemption était liée à un usage sans risque de ces variétés déjà sur le marché. Le 25 juillet 2018, la Cour de Justice de l’UE a remis en cause cette exemption pour les mutagénèses dirigées mettant en œuvre des procédés de génie génétique [2]. Actuellement, les autorités françaises et européennes ne demandent pas aux industriels de déclarer les procédés techniques utilisés pour la fabrication des plantes mutées. En France, du colza et du tournesol génétiquement mutés sont cultivés sur des milliers d’hectares. Il s’agit de variétés rendues tolérantes à un herbicide (VrTH) par mutagénèse. Nous savons que le colza VrTH, par exemple, a été modifiée par mutagénèse et par « multiplication in vitro de cellules de pollen ». Cette dernière étape « modifie génétiquement le colza « d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication ou recombinaison naturelle » » et le soumet donc à la directive européenne 2001/18 sur les OGM. De même des endives et chicorées vendues en France ont été obtenues par fusion cellulaire avec le tournesol. Ce sont donc, elles aussi, des OGM devant être réglementés. Ce qui n’est pas fait.

Ensuite, les OGM sont massivement importés en Europe

Plus d’une centaine d’OGM transgéniques sont autorisés pour l’importation dont beaucoup de sojas tolérant les herbicides (RoundUp, Dicamba, etc.)… Ces sojas sont cultivés massivement sur le continent américain. Le Brésil est le deuxième producteur d’OGM au Monde et le premier exportateur de soja en direction de l’Union européenne. On estime que la France importe annuellement entre 3,5 et 4 millions de tonnes de soja. Ce soja sert principalement à nourrir le bétail. L’Union européenne n’oblige pas les produits issus d’animaux nourris aux OGM (lait, fromage, viande, etc.) à être étiquetés. Les citoyens sont donc dans l’impossibilité de faire un choix éclairé, faute d’une réelle transparence sur l’origine de ces produits.

Enfin, l’accord du Mercosur aurait bien un impact sur le soja transgénique brésilien

Suite à sa déclaration, le secrétariat d’Elisabeth Borne a été contacté par le journal Le Monde afin de clarifier sa pensée mais n’a fait que s’enfoncer un peu plus dans la désinformation [3] (voir aussi l’encadré ci-dessous). Le ministère a ainsi affirmé que les accords commerciaux ne modifient en rien les règles en vigueur, que ce soit concernant l’importation comme la culture des OGM en Europe, qui sont et resteront pleinement du ressort de la réglementation l’Union européenne. Faux, encore une fois : le CETA (l’accord de libre commerce entre le Canada et l’UE) établit un « dialogue sur les questions d’accès au marché des biotechnologies » [4]. Ce « dialogue » doit ainsi «  favoriser l’utilisation de processus d’approbation des biotechnologies efficaces et fondés sur des données scientifiques » et « réduire au minimum les répercussions commerciales négatives des pratiques réglementaires relatives aux produits de biotechnologie ». Ce « dialogue » trouve son origine dans le différend commercial qui a opposé l’Union européenne aux pays producteurs d’OGM (dont le Canada et le Brésil) dans les années 2000. Donc la question de la législation européenne considérée comme trop rigide car précautionneuse par ces pays est bien au cœur des accords de libre commerce. Avec cette réponse qui se veut rassurante, la ministre augmente encore la confusion…

Les décodeurs décodés

À noter que les Décodeurs (Le Monde) qui épinglent l’affirmation de la Ministre se prennent aussi les pieds dans le tapis. Ils écrivent en introduction de leur article : « Or, c’est faux : si la culture d’OGM est interdite sur le sol européen, l’importation de légumineuses transgéniques est autorisée dans certaines conditions »… Or la culture d’OGM est bel et bien autorisée dans l’Union européenne, même si elle ne concerne, on l’a vu, qu’une seule transformation (production de l’insecticide Bt) sur une seule espèce (le maïs)… C’est la culture du soja OGM qui ne l’est pas… Et interdire la culture d’une plante qu’on importe massivement a d’ailleurs été dénoncé comme une forme de schizophrénie européenne par la Confédération paysanne, la Coordination rurale, les Faucheurs volontaires et bien d’autres associations…

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