n°156 - juillet / octobre 2019

Inf’OGM : par-delà les OGM…

Par Thierry Raffin

Publié le 14/11/2019

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Participer à la fondation d’une veille citoyenne et revenir dessus vingt années plus tard ! L’occasion de faire un constat en forme de question : le projet initial d’informer, de débattre pour décider en raison et agir pour un monde respectueux du bien vivre ensemble sur cette planète est-il encore possible dans ce temps manifeste d’effondrement de notre système-monde ?

Qu’il me soit permis de regarder dans le rétroviseur de mes engagements à une distance de 20 ans est une grande satisfaction. Il s’agit de participer à la célébration des 20 ans d’Inf’OGM dont je fus en 1999 l’un des co-fondateurs et le premier président [1]. Tous ensemble, nous voulions que cette association soit la manifestation du souci d’une meilleure information des citoyens, nécessaire pensions-nous, à la décision et à l’action. Qu’Inf’OGM poursuive ce combat manifeste tant le bien-fondé du projet Inf’OGM que la pugnacité, la fidélité de celles et ceux qui l’ont constituée et dont certains sont encore fidèles aux postes.

Les OGM : un fait social total

La question d’une veille sur l’objet des OGM peut apparaître étroite dans l’ensemble des enjeux qui structurent notre développement humain. Mais mon regard de sociologue me permettait de comprendre que les OGM constituent un «  fait social total » au sens de Marcel Mauss, posant des questions tant au niveau de la santé qu’au niveau des rapports socio-économiques [2]. Le fantasme d’une résolution des problèmes par la révolution d’une science transgénique (lutte contre la faim dans le monde [3], guérison des maladies génétiques… [4]) ouvrait sur des questions philosophiques quant à l’ordre du monde souhaitable, notre place en tant qu’humain dans l’ordre de la nature, notre rapport au savoir, à la science. Ainsi ai-je pu contribuer au quotidien (souvent la nuit et les week-end), avec Fred, Bob, Arnaud, Jean-Pierre, Christophe, Eric, Jacques, Hervé… à irriguer le débat sur les OGM. Ainsi ai-je pu en tant que Président d’Inf’OGM être auditionné au Sénat (dans le cadre de la transcription dans le droit français de la directive 2001/18 sur la dissémination volontaire des OGM) [5]. Sans doute notre voix n’était-elle qu’une faible voix au milieu de nombreuses autres porteuses d’intérêts opposés, mais nous voulions et avions le sentiment de porter la voix des citoyens. Trois ans après sa fondation, Inf’OGM faisait partie du paysage du débat public sur les OGM. Nous avons tiré une certaine satisfaction de nourrir ainsi l’idée que les OGM fassent l’objet d’un débat citoyen [6] qui a pu se matérialiser aussi par notre ouvrage collectif Société civile contre OGM. Arguments pour ouvrir le débat public en 2004. J’ai alors laissé la place à d’autres comme Président, et à Jacques Testart en particulier, en pointe sur l’objectif de mettre les citoyens au cœur des processus de décision scientifique. Je me souviens de Fred me disant qu’un « militant s’il veut durer, doit pouvoir ménager sa monture ». Ce que j’ai fait, ne suivant plus que de loin en loin le travail d’Inf’OGM. 

Toute cette période intense m’a nourri tant au niveau de mes lectures et traductions qu’au niveau des relations humaines, avec ce petit groupe d’Inf’OGM et d’autres plus importants auxquels nos actions nous liaient d’une manière ou d’une autre (La Fondation Charles Léopold Mayer, Greenpeace, la Confédération Paysanne, France Nature Environnement, Sciences Citoyennes, mais aussi OGM Dangers…). Et reste cette interrogation : où cela nous a-t-il conduit ?

Bla-bla-ter, malgré tout…

En première page du site d’Inf’OGM se trouve une vidéo de mai-juin 2019 sur « les nouveaux OGM : où en est-on ?  » [7].

Sur l’une des premières images, il est question de l’Union européenne qui depuis 12 ans discute… BLA BLA BLA… et je ne peux m’empêcher de penser que là comme ailleurs les autorités jouent la montre… Et ceci me relie à mes engagements actuels. À la retraite depuis peu, je suis mobilisé par l’Association Savoir Être et Vivre Ensemble (SEVE) de Frédéric Lenoir, qui vise par le développement de la pratique de la philosophie et de la méditation avec les enfants à les faire grandir en discernement et en humanité. J’y anime bénévolement, au niveau national, un groupe d’élaboration d’un kit d’ateliers sur la question « Changer le monde est-ce possible ?  ». J’y remobilise des questions déjà traitées à Inf’OGM… mais tous ces « Blablabla » sont là pesants… Aujourd’hui je ne crois plus vraiment que nous ayons encore le temps du débat. Pourtant, je ne peux m’empêcher de le nourrir en animant un café philo à côté de chez moi dans les Côtes d’Armor où l’on discute de ces questions « la croissance, le progrès, la décroissance, la fin du monde est-ce possible, croyable ? que faire ? » [8]

Merci Inf’OGM pour tout ce que tu m’as apporté et cette ligne de résistance et d’espérance profondément humaine que tu portes par ceux qui t’inspirent.

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