n°156 - juillet / octobre 2019

Au commencement, 
une fondation…

Par Matthieu Calame, FPH

Publié le 12/11/2019

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La Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (FPH) est une fondation de droit suisse engagée dès le début des années 90 dans l’appui à l’émergence d’une société écologique. Dans ce cadre, la démocratie technique constitue l’un de ses soucis majeurs, notamment dans le domaine agricole. D’où son intérêt pour les OGM.

Au milieu des années 90, l’émergence des plantes génétiquement modifiées (PGM) constituait un souci pour la FPH dans la mesure où leur développement s’inscrivait en porte-à-faux du diagnostic de la fondation. Les PGM procédaient d’un ensemble de techniques et d’un appareil législatif – les brevets sur le vivant – qui contrariaient les principes de sobriété, d’autonomie et de résilience qui forment le socle commun des démarches écologiques. En outre, leurs promoteurs faisaient fi des opinions publiques au premier rang desquelles celles des consommateurs. Les PGM semblaient cocher toutes les cases de la technique socialement et écologiquement problématique : inappropriable et inappropriée !

Un double intérêt pour un dossier doublement complexe

À la fin des années 1990, Joseph Tarradellas, membre du conseil de la FPH, professeur de chimie à l’école polytechnique de Lausanne, initie un premier appui de la FPH au débat sur l’émergence des PGM, notamment dans un contexte suisse où le principe de la votation permet plus difficilement d’évincer l’opinion. Dans le même temps, Pierre Vuarin, responsable de programme Agriculture Paysanne et Mondialisation, dialogue avec les partenaires de la FPH. Ce dialogue aboutira à la formation d’Inf’OGM en 1999.

Vingt ans après, la FPH est toujours aux côtés d’Inf’OGM. Le dossier des PGM est un dossier doublement complexe. D’abord par les connaissances juridiques et techniques requises dans un champ particulièrement mouvant, ensuite par le poids des enjeux, notamment financiers, et l’engagement avancé des protagonistes qui rendait difficile, voire impossible, des solutions de compromis. La question des OGM, singulièrement des OGM agricoles, se présentait donc comme un rapport de force durable dans lequel la persévérance et la pertinence seraient déterminants. Il s’agissait de conquérir l’opinion et les décideurs sur un sujet ardu et dans un contexte de convergence d’intérêt, voire de connivence, entre l’establishment de la recherche et le complexe agro-industriel. Ceci n’excluait pas les actions spectaculaires ni pugnaces d’organisations comme Greenpeace mais qui, pour être efficaces, devaient s’appuyer sur une information irréprochable qui force le respect même des adversaires. Une telle expertise demande du temps. Les bons acteurs réunis, l’ingrédient principal devenait donc la durée. Car la controverse autour des PGM avaient tous les aspects d’une guerre d’usure. Un scénario qui se prêtait mal à une logique de « projet » circonscrit dans le temps et aux effets immédiats. Autant dire que le projet d’Inf’OGM et au-delà, toute la controverse sur les OGM, prenait à rebours tout la culture dominante du management qui avait diffusé au sein des fondations : culture (culte ?) du projet délimité dans le temps et de ses batteries d’indicateurs de succès.

Inf’OGM, une organisation de service

Mais Inf’OGM devait démontrer constamment sa vitalité associative, sa capacité à produire des contenus et à répondre au besoin des organisations adhérentes ou partenaires dans le cadre de leur plaidoyer et de leurs campagnes. Si vingt ans après, la FPH est toujours là, c’est qu’Inf’OGM, tant au niveau de ses adhérents, de ses instances et de ses salariés a toujours rempli ces critères. Des critères qui n’étaient pas tirés d’un manuel de bonne gouvernance, mais qui constituaient les conditions de la pertinence sociale. Au fond, les critères d’évaluation de la FPH étaient partagés avec les membres fondateurs : Inf’OGM a été créée et est restée une organisation de service, presque d’intendance. Une telle position est bien évidemment risquée dans un univers de la société civile où la notoriété constitue bien souvent le capital des organisations qui fonctionnent sous le registre du projet. Inf’OGM a toujours assumé ce travail avec une grande humilité et est demeurée dans son rôle. Dans les luttes d’attrition, il est vital que l’arrière tienne. Humilité et professionnalisme, esprit de service, c’est là qu’Inf’OGM trouve sa grandeur : « que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert » [1].

Dans plusieurs cas de controverses techno-sociales, comme celles des nanotechnologies ou du nucléaire, la FPH a donné Inf’OGM comme exemple et a demandé à cette dernière d’accompagner méthodologiquement de nouveaux observatoires civiques en formation. Inf’OGM est plus qu’Inf’OGM. C’est un archétype du tiers-secteur de l’expertise sans lequel il n’y a pas de démocratie technique. C’est dans cet esprit que la FPH continuera à accompagner l’association dans l’extension de sa mission qui inclut les nouvelles biotechnologies.

[1La Bible, Luc 22 : 26-27

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