Actualités

Des micro-organismes OGM utilisés comme engrais ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 25/06/2019

Partager

Des micro-organismes génétiquement modifiés sont utilisés pour produire des molécules d’intérêt. Les entreprises qui les produisent veulent transformer les déchets de cette production en engrais agricole. Mais ces micro-organismes GM sont soumis à la législation européenne OGM. Alors qu’un règlement européen sur les engrais se discutait, fin 2018, la Finlande suggérait un traitement spécial de ces micro-organismes GM sous couvert d’une valorisation « écologique ». Si le règlement adopté n’a pas repris cette demande, la Finlande semble avoir trouvé un argument de plus pour réviser la directive 2001/18 consacrée aux OGM disséminés dans l’environnement.

Dans l’Union européenne, l’utilisation des micro-organismes génétiquement modifiés (MGM) en milieu confiné est régie par une directive spécifique, la directive 2009/41 [1]. Mais lorsque ces micro-organismes GM sont voués à être disséminés dans l’environnement, c’est la directive 2001/18 sur les OGM qui s’applique, avec les requis d’évaluation de risques, d’autorisation préalable et autre étiquetage. Les experts finlandais qui réfléchissent aux statuts juridiques des MGM (voir encadré ci-dessous) ont écrit à la Commission pour faire part d’un projet industriel étonnant.

Des projets de dissémination en agriculture

Leur lettre adressée à la Commission européenne est datée du 15 novembre 2018. Le Bureau finlandais sur les technologies génétiques – l’autorité finlandaise compétente sur le dossier OGM – y évoque avoir reçu « plusieurs demandes d’entreprises de biotechnologie qui voulaient recycler leurs déchets de compostage des MGM de classe 1 par le compostage pour produire des engrais » [2]. Pour produire des molécules d’intérêt, ces entreprises modifient génétiquement des micro-organismes, comme des bactéries ou des levures, à l’aide de techniques considérées comme donnant des OGM. Cultivés en milieu confiné dans de grands fermenteurs par exemple, ces micro-organismes sont ensuite traités de manière à extraire la molécule d’intérêt souhaitée. Après extraction, les entreprises ont leur molécule d’intérêt mais également ce qu’il reste des micro-organismes GM l’ayant produite. Ce sont ces « déchets » que les entreprises souhaiteraient pouvoir valoriser comme engrais en agriculture. Mais, le courrier finlandais le précise, ces engrais contiendront encore des MGM vivants. Destinés de fait à être disséminés dans l’environnement si ils sont commercialisés sous forme d’engrais, ces produits seront soumis obligatoirement à la procédure d’autorisation définie par la directive 2001/18.

L’autorité finlandaise considère que soumettre ces MGM à « un processus de notification aussi coûteux n’est probablement pas une option appropriée pour l’industrie ». En novembre 2018, elle intervenait donc lors de travaux législatifs sur ce qui était alors une « récente proposition de règlement de l’[Organisation commune des marchés agricoles (OCM)] concernant la mise à disposition sur le marché de produits fertilisants portant le marquage CE (2018/C 346/46) ». Son objectif ? Essayer de résoudre des « problèmes juridiques et pratiques liés au traitement des déchets de fermentation [risquant] de s’aggraver après l’arrêt de la CJUE » [3] car cette transformation des MGM en engrais serait « plus écologique que l’incinération de la biomasse humide ».

Sans préjuger de la réalité de projets industriels de produire et utiliser des engrais à base de micro-organismes génétiquement modifiés, demander que ces engrais ne soient pas soumis à la directive 2001/18 au prétexte d’un coût financier trop grand pourrait bien être un argument de plus pour les partisans d’une révision de la directive 2001/18 [4]. En attendant, le 21 mai 2019, les ministres européens des Affaires étrangères ont adopté le nouveau règlement sur les engrais qui vise, selon le Copa-Cogeca [5], à réduire le coût des intrants en agriculture. Adopté, ce règlement ne confère aucune place particulière aux MGM transformés en engrais sauf à rappeler dans son article 1er qu’il « s’applique sans préjudice des actes juridiques suivants : […] e) la directive 2001/18/CE ».

Une fin de non-recevoir pour la Finlande donc, qui devra maintenant attendre l’éventuel débat à venir sur une révision de la directive 2001/18, si tant est que ce débat soit organisé par la prochaine Commission européenne.

La Finlande dans le détail

Dans son courrier adressé à la Commission européenne le 15 novembre 2018, l’autorité compétente finlandaise rappelle que l’utilisation confinée des micro-organismes génétiquement modifiés est régie par la directive 2009/41. Or, ce courrier souligne que si le législateur a bien précisé dans le considérant 17 de la directive 2001/18 que cette dernière « ne devrait pas s’appliquer aux organismes obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps », ce même législateur ne l’a pas indiqué dans la directive 2009/41.

Ce considérant 17 dans la directive 2001/18 est une des bases retenues par la Cour de justice de l’Union européenne quand elle a arrêté, en juillet 2018, que seules les techniques de mutagénèse ayant un historique d’utilisation sans risque après avoir fait l’objet de plusieurs utilisations peuvent être exemptées des obligations imposées par la directive 2001/18 [6]. L’absence de ce considérant dans la législation s’occupant de l’utilisation confinée des micro-organismes génétiquement modifiés (directive 2009/41) amène l’autorité finlandaise à enjoindre à la Commission européenne de fournir « une interprétation stricte de l’applicabilité de l’arrêt de la CJUE sur l’utilisation de ces techniques en milieu confiné ».

[1La directive 2009/41 établit (article 1er) « des mesures communes pour l’utilisation confinée des micro-organismes génétiquement modifiés en vue de la protection de la santé humaine et de l’environnement ». Utilisation confinée s’entend par toute utilisation pour lesquelles « des mesures de confinement spécifiques sont prises pour limiter le contact de ces micro-organismes avec l’ensemble de la population et l’environnement » (article 2).

[2Les MGM de classe 1 sont réglementairement définis comme le premier niveau de confinement sur quatre (classés en fonction croissante de leur dangerosité pour la santé et l’environnement).

[3Cet Arrêt précise que les produits obtenus par mutagénèse sont des OGM entrant dans le champ d’application de la directive 2001/18, voir Charlotte KRINKE, « Europe – Les nouveaux OGM sont des OGM comme les autres », Inf’OGM, 25 juillet 2018

[5Comité des organisations professionnelles agricoles, Agra-facts 40-19

Actualités
Faq
A lire également