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Les Pays-Bas poussent à renégocier la directive OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 20/05/2019

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Le 14 mai 2019, les Pays-Bas ont présenté aux ministres de l’Agriculture des vingt-huit États membres de l’Union européenne une proposition concernant l’encadrement législatif des nouveaux OGM. Selon le document adressé par les Pays-Bas, ce pays souhaite que les États membres mènent une réflexion commune sur les nouveaux OGM. Douze pays sur vingt-huit paraissent soutenir cette proposition qui, si à terme une majorité se dégageait, pourrait aboutir à la réécriture de la directive OGM (2001/18).

La Cour de justice européenne a confirmé en juillet 2018 que les produits issus des nouvelles techniques de transformation du génome sont soumis à la législation OGM [1]. Depuis cette date, certains pays comme les Pays-Bas œuvrent à restreindre la législation sur les OGM à la seule insertion de gènes étrangers dans un organisme (OGM transgéniques). La réunion des ministres de l’Agriculture européen le 14 mai dernier fut l’occasion pour ce pays d’expliquer, selon lui, la pertinence d’une telle modification… et de compter ses potentiels alliés.

Demander un débat pour obtenir une révision ?

Les documents préparatoires de la réunion évoquaient le souhait des Pays-Bas d’« attirer l’attention du Conseil sur les conséquences de l’arrêt  » de la CJUE du 25 juillet 2018 [2]. Le gouvernement néerlandais, soutenu par l’Estonie, a adressé une note préparatoire aux ministres de l’Agriculture [3]. Dans ce document, les Pays-Bas affirment que « les rapides développements techniques et scientifiques nécessitent que soient étudiées en urgence l’adéquation et la durabilité de la législation européenne sur les OGM. Les Pays-Bas demandent aux institutions européennes d’initier une démarche commune pour étudier les conséquences politiques et législatives » de la décision de la CJUE. Pour les Pays-Bas, ce travail doit se faire au sein des instances en charge de l’environnement, de la santé et du marché intérieur. La note mentionne, sans les détailler ni les lister, des « questions laissées sans réponse » et des problèmes pour la sécurité alimentaire, l’innovation, l’environnement ou la liberté de choix des consommateurs et des professionnels posés par la décision de juillet 2018. Les Pays-Bas rappellent les propos du Commissaire à la Santé sortant, Vytenis Andriukaitis, qui s’était déclaré être à titre personnel « favorable à une nouvelle législation pour promouvoir le développement des nouvelles techniques d’amélioration végétale ». Les Pays-Bas demandent donc à la prochaine Commission d’inscrire ce travail dans son programme.

Les États membres ne sont pas tous d’accord

Cette discussion du Conseil des ministres de l’Agriculture fait partie des points non publics. Impossible de savoir les retours que les ministres des autres États membres ont faits. Mais le compte-rendu de la réunion [4], disponible uniquement en anglais, indique que la demande des Pays-Bas concerne les techniques de mutagénèse, qu’elles soient nouvelles ou non, «  ainsi que toutes techniques dîtes de nouvelles techniques d’amélioration végétale ». Ce résumé légitime la demande des Pays-Bas car des OGM « obtenus par des techniques de mutagénèse qui ont été conventionnellement utilisés dans plusieurs applications et ont un long historique d’utilisation sans risque sont exemptés » des requis de la législation et que la CJUE a rappelé que les États membres étaient libres de les soumettre aux obligations de la directive ou d’autres législations tant que cela respecte la législation européenne.

Les Pays-Bas demandent donc qu’une approche commune soit discutée et adoptée, le compte-rendu de la réunion précisant qu’ils ont reçu le soutien « de nombreuses délégations qui ont généralement demandé une interprétation cohérente et une mise à jour de la législation européenne sur les OGM ». De nombreuses délégations donc, mais le nombre exact de soutien ne fait pas consensus : le Commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a affirmé en conférence de presse post-réunion qu’il s’agissait de « la vaste majorité des États membres » [5]. Mais selon une information d’Agrafacts [6], ce sont douze ministres soit moins de la moitié des États membres de l’Union européenne : outre l’Estonie qui soutenait la proposition en tant qu’État, les ministres de l’Agriculture du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark, de Belgique, de Slovénie, d’Espagne, d’Italie, de Grèce, du Portugal et de Finlande sont intervenus en des termes pouvant apparaître soutenir la proposition.

Toujours selon Agrafacts, le ministre de l’Agriculture français, Didier Guillaume, a quant à lui expliqué que la France était en attente de la décision de son Conseil d’État. Plus prudent sur la suite du débat, le ministre français paraît s’en remettre à une initiative éventuelle de la Commission, précisant « vouloir voir une proposition de la nouvelle Commission ». Cette position prudente reste dans la lignée de celle présentée en bilatéral à la Commission européenne le 22 novembre dernier. Ce jour-là, le ministère, représenté par sa Direction générale de l’alimentation, avait notamment expliqué que la pertinence de réviser la législation européenne serait envisagée par le ministère selon la décision que prendrait le Conseil d’État [7].

Le Commissaire à l’Agriculture confirme le programme à venir

Au cours de la conférence de presse qui a suivi la réunion des ministres, le Commissaire à l’Agriculture sortant, Phil Hogan, a rapporté que la Commission actuelle avait demandé aux États membres de « collecter des données les plus robustes possible […] pour que la prochaine Commission, en connaissance de cause, puisse arrêter sa position ». Il confirme ainsi ce que la Commission sortante avait déclaré courant janvier à des euro-députés, à savoir qu’elle souhaite « un débat ouvert et franc avec toutes les parties prenantes [pour que] la prochaine Commission européenne [puisse] développer une vision claire sur l’avenir de la politique des biotechnologies en Europe » [8].

Si de telles discussions étaient effectivement initiées par la prochaine Commission, il faut s’attendre à ce que la demande portée par des entreprises ou certains pays comme les Pays-Bas soit concrètement de modifier la directive 2001/18. L’objectif serait de soustraire les produits issus des nouvelles techniques de mutagénèse de la législation et donc de l’étiquetage OGM dans l’Union européenne : une proposition déjà portée par les Pays-Bas en septembre 2017 quand ils souhaitaient élargir la liste des techniques et produits OGM exemptés des requis de la législation européenne [9]. Les discussions au sein des instances de l’Union européenne seront-elles faciles ? Rien n’est moins sûr car, comme le précise Phil Hogan, « les États membres ont des avis divergents, des approches divergentes également concernant les OGM »…

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