n°155 - mai / juin 2019

Nouveaux OGM : bis repetita ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 28/06/2019

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Les OGM transgéniques ont provoqué un tollé général, notamment dans l’Union européenne. Résultat : peu de cultures mais des importations qui restent massives, destinées principalement à nourrir le bétail européen. Et dans les champs, de nombreuses variétés rendues tolérantes à des herbicides prolifèrent, sans aucune information sur les techniques OGM ou non OGM mises en œuvre pour leur obtention. L’industrie semencière se mobilise pour que les nouveaux OGM puissent rester dans l’ombre afin que leur sort soit plus glorieux que celui des plantes transgéniques.

Les nouveaux OGM : nous venons d’en dévoiler les grandes lignes, tant scientifiques que juridiques.

Un « progrès » bien illusoire

Une des conclusions qui s’imposent face à ces nouvelles techniques de modification génétique, c’est qu’ils sont dans la continuité paradigmatique des OGM anciens, mutés ou transgéniques, eux-mêmes dans une continuité avec l’agriculture intensive et chimique. Ce sont bien trois étapes d’un même « progrès », d’un même processus qui éloigne petit à petit les paysans de leurs semences, et les citoyens de la maîtrise de leur alimentation. Chaque étape va plus loin pour nous faire croire à l’affranchissement de l’homme des contraintes naturelles et des logiques biologiques pré-existantes.

Cet affranchissement démiurgique exige d’énormes ressources, notamment d’énergie… Il implique aussi une concentration des pouvoirs et des centres de décision toujours plus forte. L’émergence d’entreprises semencières « nouvelles », comme Cibus ou Calyxt, ne signifie pas un changement de cap dans l’évolution économique récente. Ces entreprises sont déjà en lien avec les nouveaux monstres nées des fusions récentes, comme Monsanto-Bayer ou DowDupont… Les brevets sur les techniques ou les séquences génétiques sont des éléments-clés dans ce mouvement d’artificialisation du vivant.

Vers un passage en force ?

Ces nouveaux OGM sont donc intéressants pour l’industrie à plus d’un titre. Ils peuvent encore augmenter la vitesse de production de nouvelles variétés… donc palier l’obsolescence programmée du système agro-industriel plus rapidement, accélérer la fuite en avant technologique et donc être vendus toujours plus chers. Une aubaine. Les industriels ont aussi à leur disposition de nouveaux outils qui pourraient en théorie leur permettre de modifier plus d’espèces, en leur donnant des caractéristiques agronomiques plus larges. Enfin, ils espèrent bien que ces nouveaux OGM ne subiront pas le sort des OGM transgéniques. Qu’ils restent cachés… Qu’ils se fassent passer pour ce qu’ils ne sont pas : des variétés conventionnelles dont la modification génétique serait considérée comme infime ou que la nature aurait pu faire. Les débats actuels [1] dans les couloirs de la Commission européenne et des instances internationales sont vifs. Et peu importe que la Cour de justice de l’Union européenne ait arrêté, le 25 juillet 2018, que les nouvelles techniques de mutagénèse donnaient des produits qu’il fallait réglementer comme les plantes transgéniques… et donc évaluer et étiqueter.

La bataille des nouveaux OGM ressemble à s’y méprendre à celle que nous avions vécu il y a vingt ans au moment où les premiers cargos de soja transgénique, génétiquement modifié pour tolérer des pulvérisations de Roundup, arrivaient dans les ports européens…

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