n°155 - mai / juin 2019

Nouveaux OGM : attention 
au vocabulaire !

Par Christophe NOISETTE

Publié le 28/06/2019

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La bagarre autour des nouveaux OGM se situe aussi au niveau sémantique. Quelques exemples.

Le premier concerne le caractère « naturel » des OGM 2.0.

Naturelles, les transformations génétiques ?

Les partisans des biotechnologies affirmaient déjà dans les années 90 que la nature a toujours fait de la transgenèse, que la domestication des plantes par l’homme et leur modification génétique sont de même nature. Les techniques de modification génétique seraient de simples techniques de sélection végétale. L’expression NBT – « new breeding techniques » – l’illustre. Les NBT seraient des nouvelles techniques de sélection alors que le terme anglais breeding recouvre autant l’obtention de nouveaux variants génétiques que leur sélection.

Ces mêmes acteurs n’hésitent pas aussi à dire que l’agriculture n’est pas naturelle, que la nature, d’une certaine façon, n’existe pas. Tout est le résultat de l’action de l’homme.

Les deux aspects de cette rhétorique sont en partie vrais. Mais en partie seulement. Certes, certains micro-organismes ont la capacité d’intégrer de l’ADN étranger et de le transmettre « horizontalement » à d’autres organismes ; les évolutions des êtres vivants sont aussi liées à des mutations génétiques ; et l’agriculture est un un acte délibérément humain. Mais la sélection humaine n’a rien fait que l’évolution naturelle n’aurait pu faire (croiser un poisson avec une fraise par exemple). Or, la transgenèse, la multiplication cellulaire in vitro et les techniques d’insertion artificielle de mutations produisent des plantes qui s’affranchissent de ces barrières biologiques.

Modifier n’est pas éditer

L’expression « organisme génétiquement édité  » laisse à penser qu’on peut modifier une lettre dans un texte sans rien changer d’autre, comme corriger une faute d’orthographe. Ainsi, «  l’édition » de gène serait l’art de changer un seul nucléotide, une seule base (les fameuses lettres A, C, G, T) dans un génome. Mais les gènes sont plus qu’une succession de lettres, les lettres sont inter-dépendantes… et peuvent avoir un sens différent en fonction du contexte génétique ou épigénétique. D’autre part, il y a une forme de compréhension générale qui permet de produire des plantes OGM mais de nombreux phénomènes restent mystérieux, comme la façon dont la cellule répare les différentes coupures…

Une précision aléatoire

Afin de mieux banaliser ces techniques, les promoteurs utilisent des métaphores issues du quotidien : les ciseaux à ADN ou ciseaux moléculaire, « copier/coller », etc.

Ces expressions, utilisées pour nommer les interventions de l’homme dans les cellules, laissent à penser que nous parlons de mécanique, d’un jeu de Lego, où tout est substituable, modifiable, sans lien. Mais le vivant est plus complexe. Ces images évoquent également la précision : comme le ciseau qui coupe en un trait et un seul… Or les enzymes utilisées en labo pour couper l’ADN ressemblent plus à des ciseaux qui déchiquètent diverses zones de l’ADN en petits morceaux qu’il faut ensuite recoller par un mécanisme de réparation incontrôlé.

Par ailleurs, même en informatique, un simple copier/coller n’est pas anodin : par exemple, lors d’un couper/coller d’un fichier pdf vers un document texte, dans certains cas le texte n’est pas reconnu. Et quand il l’est, des espaces apparaissent et des passages à la ligne apparaissent, car le texte de votre fichier contient aussi ses méta-informations structurantes non visibles. Or tous les logiciels de traitement de texte n’ont pas les mêmes méta-informations. L’image du couper/coller est donc simpliste et trompeuse.

Ces entourloupes sémantiques visent non seulement l’acceptation sociale mais légitiment aussi l’idée que ces nouveaux OGM n’ont pas à être régulés car on ne peut pas les distinguer de leurs homologues non modifiés. Or, la détection de ces nouvelles variétés est possible car justement la modification laisse des traces, même si pas nécessairement dans la zone de la modification observée. Et tant qu’on ne regarde que la zone éclairée par une lampe, on ne voit pas le reste, situé dans l’ombre : les traces n’apparaissent donc pas.

De plus, les obtenteurs savent identifier leurs plantes modifiées lorsqu’ils s’agit de défendre leurs brevets contre des contrefaçons. Ils pourraient donc aussi indiquer les traces ou « signatures » qu’ils utilisent pour cela…

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