n°155 - mai / juin 2019

Anciens ou nouveaux OGM, toujours des risques

Par Christophe NOISETTE

Publié le 20/05/2019, modifié le 05/12/2023

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Depuis 1990, l’Union européenne évalue les risques liés aux OGM avant leur commercialisation. Les entreprises argumentent aujourd’hui que cette évaluation est inutile du fait de nouvelles techniques de modification génétique «  plus précises ». Preuves scientifiques d’une absence de risque à l’appui ? Non, simplement un argument d’autorité qui affirme que ces nouvelles techniques font la même chose que la nature. Et pourtant…

 

Si les nouveaux OGM n’étaient pas réglementés, ils ne seraient pas étiquetés et les éventuels risques liés à leur utilisation ne seraient pas évalués. De nombreuses questions, communes aux OGM transgéniques, se posent pourtant.

Le premier risque : des brevets sur le vivant

Avec ces nouvelles techniques, les entreprises ont une stratégie type «  billard à trois bandes » qui vise à obtenir facilement des brevets sur le vivant. Et quand ces brevets étaient déjà permis, l’enjeu est d’en élargir la portée.
Les OGM transgéniques sont brevetés mais la portée de ces brevets ne s’étend qu’aux plantes transgéniques contenant le transgène breveté. Avec les nouvelles techniques, les entreprises revendiquent des brevets sur des modifications décrites en taisant les effets non intentionnels de manière à ne pas les distinguer des mêmes modifications obtenues par des techniques de sélection traditionnelles ou existant naturellement. L’étape suivante est d’obtenir que ces organismes ne soient pas réglementés OGM afin de ne pas avoir à fournir le procédé d’identification obligatoire pour toute dissémination d’OGM et empêcher leur étiquetage. Les entreprises font donc du lobby pour changer la définition des OGM afin que seuls les organismes transgéniques soient concernés. Leur argument massue (mais faux) : les nouvelles modifications génétiques ne seraient pas différenciables de ce que la nature ou les techniques traditionnelles non régulées font et leur traçabilité serait impossible. Un argument qui oublie volontairement toutes les « cicatrices » ou signatures laissées dans le génome lors de la mise en œuvre de ces nouvelles techniques.

Des effets communs à tous les OGM

Outre les risques liés aux brevets, des risques sanitaires et environnementaux potentiels posés par les nouveaux OGM sont communs à ceux des OGM transgéniques (même si les causes peuvent en être différentes). Outre les effets non intentionnels induits qui imposent que soit vérifiée leur absence d’impact, les modifications génétiques revendiquées doivent elles aussi faire l’objet d’une évaluation similaire. Car dans tous les cas, il faut établir si le métabolisme de l’organisme a été modifié, sa composition moléculaire changée, si la nouvelle protéine (issue de gènes artificiellement mutés ou de transgènes) pose des problèmes toxicologiques ou allergiques, si des effets cumulatifs ou d’interaction avec les autres protéines apparaissent, si ces nouvelles plantes seront aussi nutritives, plus ou moins résilientes, etc. Et il paraît sage de répondre à ces questions autrement qu’en faisant confiance aux industriels qui commercialisent ces OGM. Les risques de contamination des filières sont également les mêmes, avec leur lot de questions souvent insolubles à résoudre pour assurer la protection des filières sans plantes GM, « crispérisées », artificiellement mutées ou autres.

Des effets propres aux nouveaux OGM ?

L’agro-infiltration et le forçage génétique posent des questions qui leur sont propres. L’agro-infiltration consiste à asperger un champ de culture de plantes avec des bactéries génétiquement modifiées pour faire exprimer par les plantes une molécule d’intérêt. La construction génétique d’intérêt n’étant pas intégrée dans le génome, les plantes ne sont pas OGM mais les produits obtenus sont issus d’OGM du fait de la bactérie. La principale question concerne bien évidemment le devenir des bactéries GM qui persisteraient dans l’environnement et les plantes environnantes…

Le forçage génétique comporte une question à la fois biologique et éthique car « il s’agit […] de réduire drastiquement sinon d’éradiquer une espèce » [1] tout simplement… Or, on connaît assez peu les fonctionnements des niches écologiques pour s’assurer d’une absence de risque pour l’environnement, la biodiversité et les humains.

Les entreprises souhaitent toujours faire échapper les nouveaux OGM de la législation afin qu’ils ne soient ni évalués ni suivis. Le débat sera confié à la nouvelle Commission européenne nommée après l’élection du Parlement européen. De quel côté penchera-t-elle ?

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