n°155 - mai / juin 2019

Nouveaux OGM : lesquels ? où ? Et pour quoi faire ?

Par Christophe NOISETTE

Publié le 28/06/2019

Partager

Les premiers OGM sont issus de la mutagénèse, bien avant la transgenèse. L’arsenal législatif européen, mis en place au début des années 90, concerne tous les OGM (mutés, transgéniques et issus de nouvelles techniques). Pourtant, les nouveaux OGM commencent à se répandre, à l’insu de tous, car informer sur les méthodes d’obtention des variétés n’est pas obligatoire.

Depuis des décennies, et partout dans le monde, des plantes génétiquement modifiées étaient présentes dans les champs et les assiettes. Il s’agissait de plantes artificiellement mutées (via l’utilisation de produits chimiques de synthèse ou de radiations), in vivo  [1]. La base de données de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) comporte plus de 3 000 variétés de plantes mutées. L’AIEA précise que la déclaration est volontaire et que, si le secteur public fait preuve de bonne volonté pour des raisons de “communication entre scientifiques, promotion et reconnaissance du travail scientifique ou encore reconnaissance par ses pairs”, le secteur privé est beaucoup moins prolixe en déclarations. Ces plantes sont des OGM non régulés et cultivés sans que l’agriculteur ou le consommateur n’en connaissent la nature.

Pas de débat public sur la fusion cellulaire

Autres OGM largement cultivés, sans que leur nature soit précisée, les plantes CMS, c’est-à-dire à stérilité mâle cytoplasmique (connue sous son nom de sigle anglais CMS). Lorsqu’elle n’existe pas naturellement, la stérilité mâle cytoplasmique peut être transférée par la fusion de protoplastes : deux cellules sont fusionnées, l’une (mâle stérile) sans noyau, l’autre avec un noyau pour introduire la stérilité mâle de l’une à l’autre. Cette technique permet de croiser deux lignées et d’éviter les autofécondations. Cette méthode de sélection relève du génie génétique : la barrière cellulaire est transgressée.

Les premières mutagénèses datent des années 30 mais la technique a surtout explosé entre les années 60 et 90. Depuis, de nouvelles techniques associant la mutagénèse à la multiplication cellulaire in vitro puis à l’insertion d’ADN, d’ARN ou de protéines sont apparues. La question que pose l’arrêt de la Cour de justice de l’UE est justement de pouvoir discriminer entre ces techniques toutes qualifiées uniquement de mutagénèse, certaines étant exemptées des obligations réglementaires et d’autres pas [2].

Une chose est sûre, en l’absence d’informations sur les techniques d’obtention utilisées, il est difficile de savoir si la plante obtenue est un OGM réglementé ou exempté. Pour les colzas Clearfield, on sait par des publications scientifiques qu’ils sont issus de multiplication de cellules de pollen et qu’ils sont donc des OGM qui devraient être réglementés. Pour les tournesols, et malgré nos recherches, les techniques d’obtention et de multiplication utilisées restent floues.

Contrairement à la transgenèse, l’insertion de gènes par les techniques de fusion cellulaire n’a fait l’objet d’aucun débat public, alors même que cette technique, si elle est appliquée à deux espèces qui ne peuvent échanger du matériel génétique par des méthodes de sélection traditionnelles, est considérée comme produisant des OGM régulés, tout comme la transgenèse. Des chicorées et des endives obtenues par cette technique ont ainsi été commercialisées dès 1998 et 2000 par les sociétés Florimond Desprez et Vilmorin [3].

Les OGM 2.0 commencent à se répandre

Certaines entreprises ou centres de recherche revendiquent l’utilisation de nouvelles techniques de modification génétique, tout en affirmant que ces techniques ne donnent pas des OGM. En Europe, plusieurs essais en champs de plantes OGM 2.0 ont été implantés, comme de la cameline modifiée via Crispr au Royaume Uni ou du maïs lui aussi modifié via Crispr en Belgique. Les autorités nationales en charge de ces essais ont affirmé avant l’arrêt de la CJUE que ces plantes n’étaient pas à réguler comme des OGM. 

En Amérique du Nord, des OGM 2.0 sont cultivés depuis peu dans les champs et commercialisés. Il s’agit du colza de Cibus modifié génétiquement – nom de code « SU Canola » – issu d’une manipulation génétique in vitro, la mutagénèse dirigée par oligonucléotide, pour tolérer un herbicide (8000 ha en 2016) ; ou du soja de Calyxt, génétiquement modifié par Talen pour être enrichi en acide oléique (6 500 hectares en 2018). En 2014, Cibus a fondé l’entreprise Valley Oil Partners, avec Rotam Crop Sciences, une entreprise qui commercialise le Draft (le seul herbicide autorisé sur le SU Canola). Dans sa communication, l’entreprise insiste sur le caractère « non OGM  » de son huile.

Les multinationales françaises, telle que Limagrain, ou des centres de recherche, tel l’Inra, misent sur ces nouveaux OGM et lorgnent sur les pays où les réglementations sont plus laxistes. Ainsi l’essai de cameline OGM mise au point par l’Inra est mené en Angleterre conjointement avec l’Institut Rothamsted.

Les nouveaux OGM comme les anciens seront à n’en pas douter majoritairement modifiés pour tolérer un ou plusieurs herbicides. Les promoteurs évoquent des plantes aux multiples vertus. Certes, la technique a évolué, mais le constat est le même : ces OGM servent à vendre un paquet « plante + herbicide  ». Ces promesses nous rappellent celles de la fin des années 90 qui n’ont jamais été tenues.

Actualités
Faq
A lire également