n°155 - mai / juin 2019

UE : il faut réglementer les nouveaux OGM

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 28/06/2019

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Les différentes techniques possibles de modification génétiques se sont multipliées et complexifiées [1]. Mais cette apparente complexité a été clarifiée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en juillet dernier [2]… au grand dam de l’industrie semencière ainsi que de divers comités d’experts.

Certaines techniques ne sont pas considérées par la directive 2001/18 comme entraînant une modification génétique (annexe I.A2), tandis que d’autres en produisent forcément et donnent des OGM (annexe I.A1). Enfin, certaines donnent des OGM qui ne doivent pas être réglementés en tant que tels (Annexe I.B, voir encadré ci-dessous). Cette troisième catégorie n’a donc pas à faire l’objet d’une procédure d’autorisation, d’une évaluation des risques environnementaux, d’une traçabilité ou d’un étiquetage.

Les exclusions de la Directive 2001/18

Considérant 17 – La présente directive ne devrait pas s’appliquer aux organismes obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps.

Article 3 – 1. La présente directive ne s’applique pas aux organismes obtenus par les techniques de modification génétique énumérées à l’annexe I.B.

Annexe I B – Les techniques/méthodes de modification génétique produisant des organismes à exclure du champ d’application de la présente directive, à condition qu’elle n’impliquent par l’utilisation de molécules d’acide nucléique recombinant ou d’OGM autres que ceux qui sont issus d’une ou plusieurs des techniques/méthodes énumérées ci-après, sont :

1. la mutagénèse ;

2. la fusion cellulaire (y compris la fusion de protoplastes de cellules végétales d’organismes qui peuvent échanger du matériel génétique par des méthodes de sélection traditionnelles).

À l’époque de l’élaboration de la directive (dans les années 90), des plantes mutées artificiellement in vivo [3] étaient déjà croisées avec de nombreuses autres plantes. L’absence de base de données permettant d’identifier les traces de génomes ainsi mutés, l’obstacle financier potentiellement rédhibitoire que cela pouvait représenter, la réduction drastique de semences disponibles pour les agriculteurs, et l’absence de suivi d’éventuels dommages sanitaires ou environnementaux résultant de leur dissémination, ont laissé supposer une absence de risques, ce qui a sans doute motivé l’introduction de la mutagénèse dans la catégorie des OGM exemptés.

Une partie des industriels développe comme stratégie de soutenir que leurs techniques récentes sont des techniques de mutagénèse « à l’ancienne  » afin de pouvoir bénéficier de l’exemption. Des citoyens se sont alors posé la question : ces nouvelles techniques ne donnent-elles pas des OGM qui devraient être réglementés ? Fruit d’un long processus, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet 2018 répond positivement en se fondant sur le considérant 17 (voir encadré ci-dessus) pour clarifier le champ d’application de l’exemption.

La Cour tranche avec un critère temporel

La Cour affirme entre autre, en prenant en compte l’intention du législateur et le principe de précaution, qu’a minima, tous les OGM obtenus par des techniques de mutagénèse « apparues ou principalement développées depuis l’adoption de la directive  » sont des OGM réglementés.

En choisissant les critères de l’utilisation traditionnelle et de la sécurité avérée mentionnés dans le considérant 17, la CJUE impose l’emploi d’un critère temporel qui permet à la législation de capter pour l’avenir les évolutions technologiques. Ce que n’aurait pas permis un critère basé sur une définition juridico-scientifique de la mutagénèse et de toutes les techniques connexes qui peuvent l’accompagner ou non. À noter que la Cour précise qu’un statut d’OGM non réglementé au niveau européen n’empêche pas qu’ils peuvent relever d’une loi nationale spécifique.

Plusieurs visions de l’agriculture, des biotechnologies et du vivant s’affrontent dans le combat pour étendre ou restreindre les possibilités d’exemption de la directive. Pour certains, les nouveaux OGM sont identiques aux variétés issues de techniques traditionnelles. L’interprétation du juge européen est d’application directe et immédiate : à charge aux États membres de l’appliquer. Mais tous les regards restent actuellement tournés sur les acteurs européens. Tandis que les États souhaitent une harmonisation ou une prise en charge de la part de la Commission européenne, l’industrie, soutenue par certains commissaires sortants, milite pour une réouverture de la directive.

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