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France – Le ministère de l’Agriculture n’exclut pas une révision de la directive OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 09/05/2019

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La France n’a officiellement pas de position sur la manière d’appliquer l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de juillet 2018 concernant les nouveaux OGM. Fin novembre 2018 pourtant, le ministère de l’Agriculture affirmait à la Commission européenne que la France évaluerait la nécessité de modifier la législation européenne en fonction de la décision à venir du Conseil d’État : si cette dernière ne lui convient pas, le ministère plaidera pour un changement de la directive 2001/18.

La Cour de Justice de l’Union européenne arrêtait en juillet 2018 que les nouvelles techniques de mutagénèse donnent des OGM qui doivent être encadrés en tant que tels. Une réponse aux questions préjudicielles que le Conseil d’État français lui avait posées après avoir été lui-même saisi en 2015 par neuf organisations paysannes et de la société civile sur une demande de moratoire sur les Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides (VrTH). En France, la décision finale du Conseil d’État est toujours attendue, sans calendrier connu. Officiellement, les positions des États membres sur le dossier des nouveaux OGM sont en cours de réflexion. Cependant, les compte-rendus de rencontres entre des directions des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture des États membres et la Commission européenne laissent entrevoir les projets du Ministère français de l’agriculture.

Le ministère de l’Environnement a minima

Le 5 décembre 2018, la Direction générale de la Prévention des Risques (DGPR) du ministère de l’Environnement rencontre la Direction Générale de la Santé de la Commission européenne. Selon un document obtenu par Corporate Europe Observatory [1], le sujet des « nouvelles techniques d’amélioration » a été abordé succinctement. Lors de ce rendez-vous, la DGPR a fait savoir que « la France est en attente de la décision du Conseil d’État sur ce sujet ». On lit également que « la France et la DG Santé ont convenu que l’élaboration d’une méthode de détection est très difficile ». Difficile mais pas impossible puisque, comme Inf’OGM l’a déjà souligné [2], la traçabilité des nouveaux OGM est une question de volonté politique car la Commission européenne pourrait par exemple acter la mise en place d’un programme européen pour établir les critères de méthodes de détection et de traçabilité. La France a d’ailleurs déclaré le 5 décembre dernier qu’elle était prête à « contribuer aux travaux scientifiques sur cette question, sous la coordination  » du Centre Commun de Recherche européen.

Le ministère de l’Agriculture offensif

Deux semaines plus tôt, le 22 novembre 2018, la Direction générale de l’Alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture rencontrait également la DG Santé. Grâce à un document également obtenu par Corporate Europe Observatory [3], nous découvrons un discours beaucoup plus tranché que celui qu’aura la DGPR deux semaines plus tard. Si la DGAL précise comme le ministère de l’Environnement qu’il n’y a « pas encore de position interministérielle » en France car en attente de l’avis du Conseil d’État, elle explique de manière plus étonnante à la Commission européenne que « l’avis du Conseil d’État sera un élément clé dans l’évaluation de la nécessité ou non de modifier la directive 2001/18 ». Le ministère souligne même estimer que la décision du Conseil d’État pourrait trancher une question soulevée par les organisations ayant saisi le Conseil d’État, enregistrée par la CJUE mais à laquelle cette dernière n’a pas répondu. Il souligne ainsi que « le Conseil d’État a fait une distinction entre in vivo et in vitro pour la mutagénèse classique, que la CJUE n’a pas commentée. Si le Conseil d’État conclut différemment de la CJUE, l’interprétation divergente qui en résultera aux niveaux européen et national sera problématique pour les opérateurs et le fonctionnement du marché intérieur ».

Le Conseil d’État peut-il vraiment conclure différemment de la CJUE ? Cette dernière a arrêté que les techniques de mutagénèse donnent toutes des OGM avec deux sous-catégories. La première est celle des techniques de mutagénèse donnant des OGM soumis aux requis de la législation à laquelle appartiennent toutes les nouvelles techniques de mutagénèse. La seconde est celle des techniques de mutagénèse donnant des OGM mais qui, ayant été « traditionnellement utilisées pour diverses applications et avec une sécurité avérée depuis longtemps« , ne sont pas soumises aux requis de la législation. La seule possibilité existante est donc de savoir dans quelle catégorie une technique peut être rangée. Si le Conseil d’État précisait ce point, il ne s’agirait donc pas d’une décision conforme ou différente de celle de la CJUE mais plutôt conforme ou différente avec ce que le ministère de l’Agriculture souhaite.

Ce ministère a donc d’ores et déjà établit qu’il souhaitait une révision de la législation européenne si la décision du Conseil d’État – dont la date de publication reste inconnue – venait à préciser l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne dans un sens qui ne lui convient pas…

[1voir document joint

[3voir document joint

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