n°155 - mai / juin 2019

Induire la production de protéines particulières

Par Frédéric PRAT

Publié le 28/06/2019

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Modifier le vivant (un animal, une plante…) pour lui faire acquérir (ou perdre) de nouvelles caractéristiques héréditaires : cela peut passer par la modification du génome des organismes. Petits rappels de biologie, pour mieux comprendre le dossier qui va suivre…

Un saumon qui grossit deux fois plus vite que son congénère non modifié ; un maïs qui produit son propre insecticide ; un soja qui tolère, sans mourir, l’application d’un herbicide… : toutes ces nouvelles caractéristiques ont été obtenues en modifiant la production de certaines protéines par ces êtres vivants. Or les protéines sont un assemblage dans un ordre précis d’acides aminés, eux-mêmes codés à partir de l’ADN. Et nous y voilà : pour modifier une protéine, il faut donc modifier le matériel génétique – l’ADN – qui induit sa production.

Protéine, ADN, génome : quelques bases de la biologie

Un organisme vivant est constitué soit d’une seule cellule (bactéries, levures…) soit de plusieurs cellules (organismes pluricellulaires, comme l’homme par exemple, qui a plusieurs milliards de cellules organisées en tissus).

Chez les organismes pluricellulaires [1], la majeure partie de l’ADN est contenue dans le noyau, mais de l’ADN est aussi présent dans les mitochondries, petite structure spécialisée de la cellule.

ADN : ce sont les initiales de l’acide désoxyribonucléique, la fameuse molécule à double hélice. Cet ADN constitue le génome, c’est-à-dire l’ensemble des gènes de l’organisme, organisés en plusieurs chromosomes. C’est le même ADN que l’on retrouve dans les milliards de cellules d’un même être vivant.

L’ADN est une longue molécule (deux mètres !) formée de répétitions des quatre bases azotées différentes (adénine A, guanine G, thymine T, cytosine C). Cette molécule contient l’information génétique. Trois bases consécutives constituent un codon dont chacun correspond à un acide aminé précis : c’est le code génétique (par exemple, la suite de lettres GCU donne l’acide aminé Alanine).

L’ADN (deux brins) est transcrite, dans le noyau, en ARN (acide ribonucléique) messager (constitué d’un seul brin). Cet ARN sort ensuite du noyau, et est alors traduit en acides aminés qui, assemblés, donnent les protéines (voir schéma ci-dessus).

Cette traduction est éventuellement suivie de modifications ultérieures des protéines, dans un autre organite de la cellule, l’appareil de Golgi, qui généralement entraîne un changement de la fonction de la protéine.

Nouvelles caractéristiques

Les protéines ont, entre autres, un rôle dans la structure de la cellule. Certaines sont des enzymes : elles peuvent favoriser, ralentir ou bloquer des réactions chimiques de la cellule. Elles sont les messagers ou les acteurs des innombrables fonctions biologiques de la cellule.

Pour créer des nouvelles caractéristiques, il faut donc synthétiser de nouvelles protéines, et donc créer de nouvelles chaînes d’acides aminés. Pour cela, on doit modifier l’ADN qui les génère, au niveau d’un embryon ou des gamètes (pour les êtres à reproduction sexuée, comme les mammifères) ou de la première cellule (pour les êtres à reproduction végétative, comme la pomme de terre). Le nouvel être vivant sera porteur, dans toutes ses cellules, de l’ADN modifié.

Des entorses à la règle

Les biologistes ont décrit, dans les années 50, le dogme linéaire suivant : l’information irait uniquement de l’ADN vers l’ARN puis est traduite en protéines, donc un gène égale une seule protéine.

Mais on a ensuite constaté que, suivant la forme de l’ADN, on pouvait obtenir différentes protéines à partir d’une même chaîne de codons. Ou que la copie d’ADN lors de la multiplication cellulaire pouvait conduire à des « erreurs » (suite à des mutations, c’est-à-dire des changements des lettres A, C, G et T).

Et depuis quelques années, on admet aussi que « l’ADN ne fait pas tout  ». Par exemple, une modification des seuls ARN provoquée par l’environnement peut changer la nature des protéines, et cette modification est parfois transmise aux générations suivantes.

Comment expliquer également que deux jumeaux vrais (donc avec le même ADN) n’aient pas les mêmes empreintes digitales ? Autour de la génétique, basée sur l’ADN, est apparu le concept d’épigénétique, que nous décrit l’Inserm : « l’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires » [2]. Un fonctionnement en cours d’exploration…

[1encore appelés « eucaryotes », du préfixe eu- qui veut dire « vrai », et karyon, « noyau », donc littéralement « noyau vrai ».

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