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2020, année internationale de « la santé des végétaux » : avec des OGM ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 30/01/2019

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L’Assemblée générale des Nations unies veut faire de « la santé des végétaux » un thème majeur des années à venir. En décembre 2018, elle a donc décrété l’année 2020 « Année Internationale de la santé des Végétaux ». Son objectif ? Promouvoir une bonne santé des végétaux pour une agriculture durable permettant de nourrir la planète. Une décision qui tombe à pic, les industries ayant une batterie de nouvelles techniques dont elles font la promotion comme solution pour justement protéger la santé des végétaux…

La première proposition d’acter une année internationale dédiée à la santé des végétaux a été faite par la Finlande en 2015. Quatre années plus tard, cette proposition devenait décision afin de lutter contre « parasites et maladies » selon Jari Leppä, ministre finlandais de l’Agriculture et des Forêts. Quelle place sera faite aux techniques donnant des OGM ? La question reste posée mais force est de constater que plusieurs arguments évoqués par l’Assemblée générale des Nations unies ressemblent aux arguments évoqués d’industriels et eurodéputés demandant que les OGM obtenus par certaines nouvelles techniques de modification génétique soient exemptés de l’application de la législation européenne…

Une année dédiée à la santé des végétaux

Le 20 décembre 2018, l’Assemblée générale des Nations unies s’est inquiétée du retard pris pour « éradiquer la faim dans le monde et la malnutrition d’ici 2030 » [1]. Face à ce constat, elle adoptait une résolution décrétant l’année 2020, année internationale de la santé des végétaux. Car note-t-elle, « des végétaux en bonne santé constituent la base de toute vie sur terre [et] (…) sont indispensables au maintien de la vie » [2]. Pour coordonner différentes conférences, évènements et autres célébrations, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Convention Internationale pour la protection des végétaux (IPPC) sont mobilisées.

L’objectif dédié est, comme l’explique la Directrice générale adjointe de la FAO, Maria Helena Semedo, de « mettre en avant l’importance de la santé des végétaux pour renforcer la sécurité alimentaire, protéger l’environnement et la biodiversité, et booster le développement économique » [3]. Outre les actions nationales ou internationales pour lesquelles les Nations unies souhaitent que les gouvernements, société civile et secteur privé s’engagent, la FAO indique également qu’une conférence internationale sur la santé des végétaux sera organisée d’ici 2020.

Selon un document rédigé par l’IPPC, « la productivité des cultures destinées à la consommation humaine est en danger croissant du fait des parasites invasifs » [4]. Chaque année, 40 % des cultures alimentaires seraient touchées. L’IPPC espère donc voir les gouvernements, industries, scientifiques, organisations civiles et le public « travailler ensemble pour protéger les plantes contre les parasites dévastateurs, encourager l’innovation scientifique pour lutter contre la menace parasitaire, promouvoir des pratiques responsables réduisant la dissémination des parasites ». Car selon l’IPPC, le défi serait ni plus ni moins que d’augmenter de 50 % la production alimentaire pour répondre aux demandes de la population mondiale d’ici 2050. Un argument de la population mondiale que l’on retrouve également dans la bouche d’entreprises communiquant sur les nouveaux OGM et la nécessité de ne pas les réglementer, ou de certains députés européens demandant en janvier 2019 la fin de leur encadrement réglementaire dans l’Union européenne [5].

L’industrie se positionne, programme en poche

L’Assemblée générale de la Fédération Internationale des Semenciers (International Seed Federation, ISF) qui s’est tenue en 2018 en Australie énonce clairement les ambitions de l’ISF. Des ambitions basées sur « le pouvoir de la génétique […] ces minuscules blocs de vie, ces petits morceaux d’ADN [qui] nous aident à produire plus avec moins » pour reprendre les mots du Président sortant de l’époque, Jean-Christophe Gouache [6] et que l’ISF souhaite exploiter pour répondre à la « demande croissante d’aliments dans le contexte du changement climatique et sous pression sociétale et environnementale de toutes les parties prenantes ». Quant à l’innovation, que l’IPPC souhaite voir promue en 2020, elle serait la clef pour « produire des variétés améliorées qui permettent de meilleurs rendements et sont mieux adaptées pour faire face aux maladies et aux effets du changement climatique […] en soutien de l’agriculture durable et de la sécurité alimentaire » [7]. Mais l’ISF pose des conditions à cette innovation végétale. Dans un « papier de position » adopté lors de son Assemblée générale [8], elle se plaint que les pays n’aient pas tous le même encadrement règlementaire « des produits entrants sur le marché comme par exemple les OGM » ce qui « limite les capacités des industries à innover [et] réduit la diversité des ressources génétiques ». Continuer avec des approches législatives différentes entraverait « le développement agricole et la sécurité alimentaire ». Ses demandes sont donc claires : disposer d’un seul cadre règlementaire basé sur le fait que les produits obtenus par mutagénèse ne soient pas soumis aux règlementations OGM. Règlementations qui devraient ne concerner, selon l’ISF, que « l’insertion stable d’ADN » en provenance d’une espèce non sexuellement compatible.

Huit mois avant la décision de l’Assemblée générale des Nations unies, en avril 2018, l’ISF est devenue membre du Comité exécutif de l’IPPC pour l’année internationale de la santé des végétaux [9]. Le lendemain de la résolution des Nations unies, elle expliquait avoir été activement impliquée dans la promotion d’une telle décision [10]. Son secrétaire général, Michael Keller, ajoutait que l’ISF était « fière de faire partie de cette initiative pour protéger les ressources végétales mondiales des parasites ».

À ce jour, l’ISF est le seul membre du comité exécutif pour l’année internationale qui ne soit pas un acteur gouvernemental ou intergouvernemental [11]. Une position de choix pour une fédération dont plusieurs membres sont des industries commercialisant des OGM ayant comme caractéristiques de résister à des « parasites ». Sont ainsi membres de l’ISF Bayer Crop Sciences, Limagrain, Syngenta, BASF, Monsanto… Mais les choses vont peut-être changer et l’ISF pourrait ne plus être la seule représentante non gouvernementale car la FAO a annoncé en juin 2018 qu’un nouveau Comité exécutif pour l’année internationale de la santé des végétaux serait mis en place en 2019 [12], le comité exécutif existant devenant un comité consultatif technique.

En 2020, un Sommet sur la biodiversité

Outre cette année internationale de la santé des végétaux, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé d’organiser en 2020 également un sommet international sur la biodiversité qui réunira chefs d’État et de gouvernements. Son objectif ? « Souligner la nécessité d’agir de toute urgence aux plus hauts niveaux à l’appui d’un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 » [13]. Elle précise que ce sommet devra se tenir avant la réunion des États signataires de la Convention sur la Diversité Biologique qui se tiendra la même année. Cette dernière sera la suite d’une réunion qui vient de se tenir à Sharm-El-Cheikh en Égypte en novembre 2018 et qui a abordé justement plusieurs points ayant trait aux biotechnologies en général comme l’évaluation des risques environnementaux liés aux OGM, la biologie synthétique ou encore la numérisation des informations génétiques [14].

L’année 2020 s’annonce donc d’ores et déjà chargée. Les discussions qui auront lieu cette année-là se préparent dès maintenant puisque, comme nous l’avons vu, l’année internationale de la santé des végétaux sera organisée par un comité où siègent déjà les entreprises. Et que des comités consultatifs, techniques, ad hoc ou autres sont déjà en place pour préparer la réunion de la Convention sur la Diversité Biologique !

Une journée internationale pour la sécurité des aliments


L’Assemblée générale des Nations unies de décembre 2018 a également décidé de proclamer le 7 juin, journée internationale de la sécurité des aliments. Pour cette journée, ce n’est plus la FAO seule qui est mobilisée mais également « l’Organisation mondiale de la Santé [et] les organisations mères de la Commission du Codex Alimentarius […] en collaboration avec d’autres organismes des Nations unies compétents ». Cette journée aura pour objectif de faire la promotion et de développer des actions « en faveur de la sécurité sanitaire des aliments, sur la base de principes scientifiques ».

[1Assemblée générale Plénière, Soixante-treizième session, 62e et 63e séances plénières – (Développement durable et droit international : l’Assemblée générale entérine les résolutions de ses Deuxième et Sixième Commissions), http://www.un.org/press/fr/Symbole%20%3A2018/ag12115.doc.htm

[2Résolution A/RES/73/252 adoptée le 20 décembre 2018 par l’Assemblée générale des Nations unies

[4Initiative for an international year of plant health in 2020,

The need for national, regional and international plant health initiatives

[6ISF World seed congress Australia, Brisbane, 3-6 juin 2018, Highlights report

[8Plant breeding innovation : Consistent criteria for the scope of regulatory oversight, Juin 2018, A position paper prepared by the International Seed Federation

[9Report IPPC IYPH Steering Committee Meeting, Rome, Italy 23-25 April 2018

[10Nyon, Switzerland, 21 December 2018, Press release, Global initiative announced to protect world’s plants from pests

[11Voir la liste des membres datée du 18 décembre 2018

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