n°153 - janvier / février 2019

Agricultures paysanne 
et biologique : 
avancer ensemble

Par Joris Gaudaré, 
 Confédération paysanne

Publié le 20/03/2019

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L’agriculture paysanne et l’agriculture biologique sont deux mouvements de rupture forte avec les orientations des politiques agricoles. Dans cet article, Joris Gaudaré, animateur en charge des questions d’agriculture biologique à la Confédération paysanne, nous explique ce qui différencie ces deux dénominations qui semblent si proches.

L’agriculture biologique s’est développée grâce à la confiance bâtie entre paysan·ne·s et citoyen·ne·s autour d’un cahier des charges. Cette reconnaissance a permis aux paysan·ne·s de compenser les surcoûts inhérents à ce mode de production par un prix souvent plus élevé et plus juste.

L’agriculture paysanne en revanche, ne tient pas dans un cahier des charges. C’est un projet politique dont on peut donner la définition suivante : « l’agriculture paysanne permet à un maximum de paysannes et de paysans répartis sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier, en produisant sur une exploitation à taille humaine une alimentation saine et de qualité, accessible à tous et toutes, sans remettre en cause les ressources naturelles de demain. Elle participe avec les citoyennes et les citoyens à rendre le milieu rural vivant et à préserver un cadre de vie apprécié par toutes et tous ».

Des valeurs communes…

Alors qu’est-ce qui différencie ces deux dénominations qui semblent si proches ? Commençons par dire qu’il serait malvenu d’opposer agriculture paysanne et biologique tant les objectifs, les énergies et les militants qui les portent sont proches, voire les mêmes. Avant d’analyser ce qui les distingue, il faut donc rappeler ces quelques points communs essentiels : le refus catégorique des OGM, l’ambition d’une agriculture

émancipée des pesticides, le respect des êtres humains par la production d’une alimentation saine, le respect de l’environnement par la préservation des ressources naturelles, de la qualité de l’eau, de l’air, des sols, et de la biodiversité.

… et des différences

Sur les différences maintenant. D’une part l’agriculture biologique repose aujourd’hui sur un label. Or comme tout label, il dépend de la segmentation du marché et du pouvoir d’achat de consommateurs sensibilisés. Il n’est pas extensible à l’ensemble de la population dans le contexte actuel de précarité sociale. Cette dualisation déresponsabilise le politique, qui s’en remet au marché. C’est ce qu’a fait récemment le gouvernement en supprimant les aides au maintien. Le projet d’agriculture paysanne table plutôt sur des politiques publiques fortes, qui articulent politiques alimentaires et agricoles pour que l’ensemble de l’agriculture change de cap et s’émancipe collectivement de cette industrialisation mortifère.

D’autre part, le périmètre d’un cahier des charges ne permet pas d’inclure certaines dimensions de l’agriculture paysanne. Prenons par exemple l’autonomie paysanne. L’agriculture bio l’encourage notamment via des contraintes sur l’alimentation animale qui doit provenir en partie de la fer-me, mais elle ne préserve pas du sur-investissement, du sur-équipement et des logiques d’intégration qui entravent l’autonomie financière, la souveraineté technologique et l’autonomie décisionnelle. L’agriculture bio ne garantit pas non plus un partage équitable du foncier, des fermes à taille humaine ou un tissu rural dense avec des paysan·ne·s nombreux. Enfin et surtout, les aspects sociaux n’entrent pas dans le cahier des charges. Ce n’est d’ail-leurs pas souhaitable, les fondamentaux sociaux portés par l’agriculture paysanne ont vocation à s’appliquer partout.

Agriculture paysanne et 
biologique se renforcent

Les « mouvements » de l’agriculture bio et les organisations qui les portent affichent de vraies convergences avec l’agriculture paysanne sur les questions de relocalisation de l’alimentation et des outils de transformation, sur le partage du foncier, la répartition et la régulation des volumes de production et le maintien de standards sociaux exigeants.

Il existe des fermes bio sur-dimensionnées, sur-capitalisées, et avec des conditions sociales indignes… Inversement, il existe également des fermes à taille humaine, actives sur leur territoire, qui ne sont pas en bio. Chaque type d’agriculture devrait tendre vers les aspects positifs de l’autre.

Si le débat sur ce qui les distingue doit avoir lieu, elles ont aujourd’hui plus que jamais intérêt à avancer ensemble. Lors des élections professionnelles en chambre d’agriculture de janvier 2019, la Confédération paysanne portera le projet politique de l’agriculture paysanne décrit plus haut, dans lequel l’agriculture biologique a toute sa place.

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