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Autorisations d’OGM : des allègements passés inaperçus

Par Eric MEUNIER, Charlotte KRINKE

Publié le 17/10/2018

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Depuis 2013, l’encadrement des OGM a fait l’objet de nombreux allègements. Le principal d’entre eux est sans conteste la voie ouverte à l’autorisation d’OGM sans évaluation des risques. Pour comprendre comment cette évolution majeure a pu se produire, Inf’OGM revient sur quelques dossiers emblématiques.

Lorsque la Commission européenne adopte le règlement 503/2013 relatif aux demandes d’autorisation d’OGM [1] le 3 avril 2013, elle inscrit dans la législation des mesures préparées depuis plusieurs années. Décision d’autorisation unique pour plusieurs OGM et évaluation des risques sans aucune donnée expérimentale sont les deux principales évolutions [2]. Mais le détail de certains dossiers montre que ces évolutions trouvent leur origine dans ce qui ressemble plus à des petits arrangements qu’à une application stricte du droit.

À la base de ces évolutions, se trouve un phénomène biologique : pour se reproduire, une plante mise en culture produit des gamètes (ovule et pollen), équivalents de nos ovules et spermatozoïdes animaux. Et comme chez les animaux, dans la plupart des cas, la formation des gamètes s’accompagne d’une division par deux du nombre des chromosomes, division au cours de laquelle il y a donc une « ségrégation » aléatoire des caractères. Lorsque cette plante est un OGM à quatre « événements de transformation » par exemple (il peut s’agir de quatre transgènes différents par exemple), sa mise en culture conduit à une récolte comprenant certes des grains contenant les quatre évènements mais également des grains à trois, deux ou un évènement(s). C’est ce qu’on appelle la ségrégation au champ. Nous allons voir que ce phénomène a servi d’argument à d’importants changements.

Le maïs Mon89034*1507*88017*59122 en mode mercenaire

Ce dossier, instruit entre 2008 et 2013, a permis d’ouvrir une porte majeure. Les demandes ne seront plus faites pour un OGM (cas par cas spécifique) mais pourront en concerner plusieurs : un OGM empilé – c’est-à-dire avec plusieurs « événements de transformation » – et ses sous-combinaisons. Pour ces dernières, qu’elles soient apparues au champ ou produites en laboratoire n’importe pas.

En octobre 2008, Monsanto et Dow AgroSciences adressent une lettre à la République tchèque pour déposer une demande d’autorisation commerciale pour leur maïs Mon89034*1507*88017*59122 [3]. Concrètement, ce maïs possède quatre « événements de transformation » empilés (réunis dans le même génome), chacun étant nommé par un numéro : 89034, 1507, 88017 et 59122. Cette demande sera notifiée le jour même par le gouvernement tchèque à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) [4].

Dans cette demande, Monsanto et Dow AgroSciences précisent que les produits prévus pour être commercialisés sont « des grains de maïs Mon89034*1507*88017*59122 et les aliments et denrées alimentaires dérivées » [5]. La note de bas de page mise en référence est capitale car les entreprises y expliquent que le grain de maïs est « le produit de la ségrégation génétique de la semence à partir de laquelle il est produit. En conséquence, les grains de Mon89034*1507*88017*59122 incluent un mélange des produits à évènements combinés, toutes combinaisons de ces évènements et les évènements seuls » ! Les deux entreprises sont discrètes mais claires : mettre en culture des semences de maïs GM empilé Mon89034*1507*88017*59122 induira l’apparition de grains de maïs Mon89034*1507*88017*59122 mais également des sous-combinaisons comme Mon89034*1507*88017, 1507*88017*59122, Mon89034*59122.

Conséquence de cette note, le 29 juillet 2010, l’AESA souhaite clarifier que la demande d’autorisation couvre « toutes les sous-combinaisons des évènements simples » [6]. Ayant manifestement eu sa réponse, elle rend le 27 septembre 2010 un avis favorable pour le maïs Mon89034*1507*88017*59122 « et toutes les sous-combinaisons présentes dans la descendance par ségrégation » [7].

Mais un tel avis ne convient pas à la Commission européenne. Cette dernière écrit le 20 octobre 2010 à l’AESA que son expression « présentes dans la descendance par ségrégation » est différente des termes utilisés par les entreprises [8]. On ne sait pas où se trouvent les termes utilisés par les entreprises selon la Commission européenne mais dans leur dossier initial, Monsanto et Dow expliquaient pourtant bien que les sous-combinaisons étaient dues à « la ségrégation génétique de la semence ». Toujours est-il que dans ce courrier du 20 octobre 2010, la Commission européenne demandait à l’AESA si son opinion couvrait toutes les sous-combinaisons « quelle que soit leur origine (issues de la descendance par ségrégation ou non) ». Une expression qui deviendra fondamentale trois ans plus tard.

Le 24 novembre 2010, l’AESA répond assez fermement à la Commission européenne [9]. Citations des échanges avec les entreprises et la Commission européenne à l’appui, elle réaffirme que la demande d’autorisation porte sur le maïs empilé et les sous-combinaisons issues de la ségrégation génétique. Si la Commission européenne veut un avis concernant les sous-combinaisons « quelle qu’en soit l’origine », l’AESA lui demande un second mandat officiel. Un mandat qu’elle recevra le 1er février 2011 [10] et qu’elle acceptera deux mois plus tard, reconnaissant une certaine « complexité de la question » [11].

L’avis de l’AESA a finalement été publié le 8 novembre 2011 [12]. L’AESA y explique que l’expression « quelle qu’en soit l’origine » couvre cette fois, et conformément à la nouvelle demande de la Commission européenne, les sous-combinaisons « obtenues par ségrégation ou par programme d’amélioration conventionnelle ». Outre l’élargissement des procédés d’obtention des sous-combinaisons couverts par l’avis, la conclusion d’absence de risque à laquelle arrive l’AESA est frappante car l’AESA écrit avoir fait son analyse de risque en n’ayant à sa disposition des données expérimentales que pour le maïs empilé Mon89034*1507*88017*59122, les maïs à un seul évènement (Mon89034, 1507, 88017 et 59122) et deux maïs sous-combinés 1507*59122 et Mon89034*Mon88017, tous deux générés par croisement conventionnel. Pour toutes les autres sous-combinaisons, « aucune donnée expérimentale n’était fournie dans la demande d’autorisation » ! Il est paradoxal que l’AESA conclue malgré cela à une « probable » absence de risque pour toutes les sous-combinaisons car elle écrit elle-même en introduction de son avis que « les conclusions [d’absence de risques] concernant la descendance par ségrégation ne peuvent s’étendre automatiquement aux sous-combinaisons obtenues par programme d’amélioration conventionnelle » !

Finalement, la Commission européenne – faute d’accord entre les États membres – a autorisé la commercialisation pour ce maïs empilé et ses sous-combinaisons « quelle qu’en soit l’origine  » le 6 novembre 2013 [13] expliquant que « la demande [portait] également sur toutes les combinaisons possibles des événements de transformation simples constituant le maïs MON89034*1507*MON88017*59122 ». Arguant du phénomène de ségrégation au champ [14], la Commission européenne conclut que chaque sous-combinaison doit être considérée « comme un OGM spécifique » et que « dans les cas où un empilement est autorisé, il convient donc de s’assurer que toutes les combinaisons possibles d’événements de transformation simples le constituant sont également autorisées ».

L’autorisation de mise sur le marché accordée porte donc sur le maïs empilé et ses sous-combinaisons, à l’exception des maïs MON89034*MON88017 et 1507*59122, « les demandeurs [ayant] précisé [le 13 mars 2013] que la demande ne concernait plus ces maïs génétiquement modifiés » puisque ayant déjà été autorisés ! Mais cette pratique d’exclusion des sous-combinaisons déjà autorisées va également évoluer.

Le maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 : moins de données nécessaires et abrogation de décisions antérieures

Avec ce dossier, la possibilité d’obtenir une autorisation pour plusieurs OGM en fournissant peu voire aucune donnée expérimentale permettant d’évaluer les risques est confirmée. Mais, et ceci est une nouveauté, des décisions d’autorisation précédemment adoptées sont cette fois abrogées. Avantage pour l’entreprise : la période d’autorisation de dix ans des OGM concernés repartira donc de zéro !

Également déposée en 2008, cette fois par Syngenta, la demande d’autorisation pour le maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 porte également sur une sous-combinaison, le maïs Bt11*Mir162*Ga21 [15]. La décision de traiter plusieurs OGM en un seul dossier n’étant pas encore enclenchée, l’AESA demande en février 2009 de scinder la demande déposée en deux dossiers différents « pour des raisons formelles » selon Syngenta [16]. Ce qui sera fait le 6 février 2009 [17], Syngenta précisant que le dossier technique contenant les données et études relatives à ces deux maïs reste commun. L’entreprise précisait également que le maïs Bt11*Mir162*Ga21 avait été obtenu par croisements conventionnels des maïs Bt11, Mir604 et Ga21 et que des demandes d’autorisation pour les maïs Bt11*Ga21, Bt11*Mir604, Mir604*Ga21 et Bt11*Mir604*Ga21 étaient déjà en cours de traitement. Des maïs obtenus par croisement conventionnel mais qui pourraient aussi, en tant que sous-combinaisons, apparaître au champ après mise en culture du maïs empilé Bt11*Mir162*Mir604*Ga21.

Et justement, en 2013, alors que la pratique de traiter un OGM empilé et ses sous-combinaisons est inscrite dans le règlement 503/2013, la demande déposée en 2008 est à nouveau modifiée le 5 juillet 2013 par Syngenta. Il ne s’agit plus de scinder une demande en plusieurs mais au contraire, de fusionner plusieurs demandes en une seule. Dans son courrier à la Commission européenne [18], l’entreprise déclare « être d’accord  » pour que sa demande d’autorisation du maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 concerne également ses dix sous-combinaisons, à l’exception notable du maïs Mir162*Mir604*Ga21 sans qu’une explication ne soit fournie (mais cette sous-combinaison sera finalement couverte par l’autorisation comme nous le verrons). À en croire le courrier de Syngenta du 5 juillet 2013, ce serait la Commission européenne qui serait à l’origine de cette demande d’élargissement à toutes les sous-combinaisons et la fusion des demandes déjà déposées par lettre du 28 juin 2013, soit le jour d’entrée en vigueur du nouveau règlement 503/2013 !

Une nouveauté supplémentaire apparaît. Syngenta annonce également « être d’accord » pour que les décisions d’autorisations déjà délivrées soient abrogées « quand les OGM empilés seront autorisés » ! Une nouveauté par rapport au précédent dossier du maïs MON89034*1507*MON88017*59122 pour lequel les sous-empilements déjà autorisés le restaient dans le cadre de leur précédente autorisation.

Début décembre 2015, l’AESA rend un avis favorable qui concerne le maïs empilé et ses sous-combinaisons, « quelle qu’en soit l’origine » [19]. Dans cet avis, elle informe la Commission européenne que, sur les dix sous-combinaisons possibles, six ont nécessité que l’AESA adopte « une approche du poids de l’évidence » car peu, voire aucune, donnée expérimentale permettant d’évaluer les risques potentiels de ces six sous-combinaisons n’était fournie… L’AESA conclut finalement que « pour certaines sous-combinaisons, peu sinon aucune donnée spécifique n’a été soumise, donnant lieu à quelques incertitudes ». Qu’à cela ne tienne, il suffira pour l’AESA que «  le pétitionnaire collecte ces données si ces sous-combinaisons devaient être produites par des approches d’amélioration ciblées », une nouvelle expression désignant le croisement conventionnel.

Le 16 septembre 2016, la Commission européenne adopte la décision d’autorisation finale – les États membres s’étant abstenus par deux fois, en avril et juin 2016 – dans laquelle elle précise sobrement qu’il « appartient [à Syngenta] de rassembler des informations sur les niveaux d’expression des protéines nouvellement exprimées » [20]. Elle abroge également les décisions d’autorisation adoptées antérieurement pour quatre sous-combinaisons, contrairement à ce qu’elle avait fait sur le précédent dossier évoqué plus haut. Si le maïs Mir162*Mir604*Ga21 ne faisait pas partie des sous-combinaisons listées par Syngenta dans son courrier du 5 juillet 2013, il fait malgré tout partie des sous-combinaisons « évaluées » par l’AESA et autorisées en septembre 2016 par la Commission…

Le maïs Bt11*59122*Mir604*1507*GA21 et la contestation d’une évaluation de risque sans donnée

Continuant d’avancer dans de nouvelles pratiques, ce dossier enfoncera le clou car ce n’est plus « peu voire aucune donnée expérimentale » permettant d’analyser les risques potentiels qui sont fournies mais bel et bien aucune ! Une évolution des pratiques d’évaluation des risques qui n’est pas partagée unanimement par les experts de l’AESA.

1er juillet 2011 : Syngenta dépose en Allemagne une demande d’autorisation pour le maïs Bt11*59122*Mir604*1507*Ga21 [21]. Même si la lettre de Syngenta accompagnant sa demande d’autorisation, datée du 30 juin 2011, fait mention des sous-combinaisons [22], c’est en février 2014, selon l’historique fait par la Commission européenne dans sa décision finale [23], que Syngenta étend sa demande d’autorisation à toutes les sous-combinaisons, sauf le maïs 1507 × 59122 déjà autorisé en 2010.

Cinq années plus tard, le 15 juillet 2016, l’AESA rend un avis favorable pour ce maïs et vingt de ses sous-combinaisons possibles, « quelle qu’en soit l’origine » [24]. Mais cette fois, ce n’est pas pour certaines sous-combinaisons qu’il manque des données mais pour l’ensemble des vingt sous-combinaisons. L’AESA explique avoir à nouveau suivi « une approche du poids de l’évidence » pour ces vingt sous-combinaisons qui peuvent être produites par des « croisements conventionnels via des approches d’amélioration ciblées ». Et d’ajouter, comme pour le maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21, que « pour réduire les incertitudes conséquentes et confirmer l’hypothèse faite pour leur évaluation, le pétitionnaire devrait fournir des informations pertinentes » si ces sous-combinaisons devaient être produites par croisement conventionnel en laboratoire.

Mais cette fois, un avis minoritaire d’un membre de l’AESA apparaît ! Cet avis minoritaire souligne justement qu’aucune des vingt sous-combinaisons n’a fait antérieurement l’objet d’une analyse de risque. Une nouveauté dans la procédure ! On apprend dans cet avis minoritaire que Syngenta aurait avancé uniquement des considérations générales pour justifier de l’inutilité de présenter des données expérimentales. Paradoxalement, Syngenta justifie même l’inutilité de présenter de telles données tout en affirmant en avoir !

Mais qu’importe, la Commission européenne autorise la commercialisation de ce maïs et vingt sous-combinaisons le 4 juillet 2017 [25], sans abroger les décisions d’autorisation antérieures puisque cette fois, aucune des vingt sous-combinaisons couvertes par l’autorisation n’avait fait l’objet d’une telle décision. La décision précise à nouveau qu’il « appartient au pétitionnaire de rassembler des informations sur les niveaux d’expression des protéines nouvellement exprimées ».

Le maïs Bt11*Mir162*1507*Ga21, le futur ?

Avec ce dossier du maïs Bt11*Mir162*1507*Ga21 de Syngenta, on a une image claire des nouvelles pratiques qui deviennent la règle : une seule demande pour un OGM empilé et ses sous-combinaisons, pas de données expérimentales permettant une évaluation des risques, une autorisation délivrée sans obligation de fournir les informations manquantes et une abrogation de décision d’autorisation antérieures.

Syngenta dépose en Allemagne, le 30 juillet 2010, une demande d’autorisation pour le maïs Bt11*Mir162*1507*Ga21. Dans sa lettre accompagnant le dossier, l’entreprise rappelle que les évènements de transformation Bt11, 1507 et Ga21 ont déjà fait l’objet d’une autorisation et que l’évènement Mir162 est en cours d’évaluation par l’AESA [26]. Le 27 septembre 2010, l’AESA accuse réception du dossier [27]. À ce stade, aucune mention n’est faite dans les courriers que la demande concerne également les sous-combinaisons issues de ségrégation génétique au champ, ou quelle que soit leur origine. Rien d’illogique car en 2010, cette nouvelle approche n’en était encore qu’à ses débuts (voir le paragraphe de cet article sur le maïs Mon89034*1507*88017*59122).

Si la demande administrative date de 2010, la fiche d’information publique publiée par l’AESA date, elle, de mars 2012 [28], sans mention de sous-combinaisons. Mais des discussions entre 2012 et 2016 entre l’AESA et Syngenta ont abouti à une demande redéfinie portant sur le maïs empilé et trois des sous-combinaisons possibles (Bt11*MIR162*1507, MIR162*1507*GA21 et MIR162*1507), « quelle qu’en soit leur origine » [29]. En mai 2018, l’AESA rend finalement un avis [30] concluant à l’absence de risque lié à l’utilisation du maïs empilé et des trois sous-combinaisons. L’AESA précise avoir déjà évalué les risques liés à sept sous-combinaisons non incluses dans la demande.

Mais cette fois, aucune information complémentaire n’est demandée au cas où ces sous-combinaisons seraient produites par des « croisements conventionnels via des approches d’amélioration ciblées » comme c’était le cas dans les dossiers précédents. L’AESA se contente d’indiquer que « pour les trois sous-combinaisons, pour lesquelles aucune donnée expérimentale n’a été fournie », elles ne devraient pas soulever de problèmes sanitaires. À nouveau, un avis minoritaire est émis, « réitération de l’opinion minoritaire précédente ». Un avis minoritaire qui explique qu’une « évaluation des risques faite sans donnée spécifique et basée sur des hypothèses et considérations indirectes extrapolées de données sur les évènements seuls, [de l’OGM empilé] et des sous-combinaisons préalablement évaluées ne peut être considérée comme aussi solide et de confiance » qu’une évaluation basée sur des données complètes.

La Commission européenne suivra-t-elle l’AESA dans cette évolution d’évaluation des risques sans données soumises ni même requises pour la suite ? L’avenir le dira. Un dernier dossier interpelle néanmoins, celui d’un coton empilé. Ce dossier a suivi le chemin inverse de celui précédemment décrit, en restreignant cette fois la portée d’une demande d’autorisation initiale (voir encadré ci-dessous).

D’autres tentatives à l’illégalité certaine


Après 2013 et l’adoption du règlement 503/2013, une tentative pour obtenir une autorisation illégale a eu lieu.

Le 15 juillet 2015, l’AESA accusait réception d’une demande d’autorisation déposée par Bayer CropSciences aux Pays-Bas… quatre années plus tôt, en 2011 [31] ! Cette année-la, Bayer dépose une demande d’autorisation pour le coton empilé GHB614*LL25*Mon15985 et une sous-combinaison LL25*Mon15985. Cette dernière avait pourtant déjà fait l’objet d’une demande d’autorisation déposée en 2006 [32] avant d’être retirée en février 2009, Bayer expliquant avoir «  l’intention, dans un futur proche, de soumettre une demande d’autorisation pour un OGM à trois évènements empilés qui inclurait des informations additionnelles requises pour le dossier » du coton LL25*Mon15985 [33].

En 2011, Bayer dépose donc une demande d’autorisation pour le coton GHB614*LL25*Mon15985 et la sous-combinaison LL25*Mon15985 comme on le voit dans une version initiale non datée qu’Inf’OGM a conservée [34]. Une trace importante car les choses ont changé entre 2011 et 2015 : la sous-combinaison LL25*Mon15985 a été retirée, comme le montre la version publique du dossier disponible sur le site de l’AESA [35] ! Pourquoi la sous-combinaison qui faisait initialement l’objet d’une demande d’autorisation séparée en 2006 a-t-elle été ajoutée à la demande pour l’OGM empilé en 2011 pour être finalement enlevée ?

L’opinion rendue le 1er avril 2016 par le comité d’experts français de l’Anses nous éclaire sur cela. Dans cette opinion [36], l’Anses explique n’avoir pas réalisé l’expertise initiale du dossier car « la demande portait alors également sur la sous-combinaison LLcotton25 x MON15985, ce qui n’est pas conforme aux dispositions du Règlement d’exécution (UE) n°503/2013 (Annexe II, partie I, paragraphe 2, point 2) ». Cette annexe II du règlement précise en effet que pour les OGM « dont la culture n’aboutit pas à la production de matériel génétiquement modifié contenant plusieurs combinaisons d’événements de transformation (cultures sans ségrégation), la demande doit porter uniquement sur la combinaison destinée à être mise sur le marché ». Or, comme l’explique l’Anses, le coton LL25*Mon15985 « n’est pas produit par ségrégation naturelle à partir du cotonnier GHB614*LLcotton25*MON15985, qui est homozygote ». En d’autres termes, il n’est pas biologiquement possible que cette sous-combinaison apparaisse par ségrégation génétique au champ et soit donc… une sous-combinaison ! Une analyse correcte puisque « le 14 janvier 2016, l’AESA [indiquait aux États membres] que la demande ne portait finalement que sur le cotonnier GHB614 x LLcotton25 x MON15985 et que le cotonnier LLcotton25 x MON15985 en était exclu » !

Une telle chronologie de plusieurs dossiers montre que le système de gestion administrative a évolué avec le temps. Et que l’évaluation des risques demandée à l’AESA a dû évoluer conjointement, de manière forcée si nécessaire. L’adoption du règlement 503/2013 apparaît donc comme ayant codifié une pratique qui auparavant découlait de l’interprétation par la Commission européenne et les entreprises. Est-ce légal ? C’est la question qui reste posée et qu’Inf’OGM abordera dans un prochain article.

[3

Lettre de Monsanto et Dow pour maïs mon89034_1507_88017_59122 reçue le 28/10/2018

[4

Lettre de la Rép. Tchèque à l’AESA sur maïs Mon89034_1507_88017_59122 reçue le 28/10/2018

[5

Application for authorisation in the European Union of MON 89034 × 1507 × MON 88017 × 59122 maize grain for all uses as for any other maize grain, excluding cultivation, according to Articles 5 and 17 of Regulation (EC) No 1829/2003 on genetically modified food and feed

, voir page 5

[6

Lettre de l’AESA sur maïs Mon89034_1507_88017_59122 du 24/11/2010

, voir page 2

[7

Overall opinion of the European Food Safety Authority in accordance with Articles 6 and 18 of Regulation (EC) No 1829/2003 on application (reference EFSA – GMO – CZ – 20 08 – 62 ) for the placing on the market of insect resistant and herbicide toleran t genetically modified maize MON 89034 x 1507 x MON 88017 x 59122 and all sub – combinations of the individual events as present in its segregating progeny , fo r food and feed uses, import and processing under Regulation (EC) No 1829/2003 from Dow AgroScience s and Monsanto

[8

[9

Lettre de l’AESA sur maïs Mon89034_1507_88017_59122 du 24/11/2010

[10

Lettre de la Com Européenne sur maïs Mon89034*1507*Mon88017*59122 du 01/02/2011

[11

Lettre de l’AESA sur maïs Mon89034*1507*Mon88017*59122 du 07/04/2011

[12

Scientific Opinion on application (EFSA – GMO – CZ – 2008 – 62) for the placing on the market of insect resistant and herbicide tolerant genetically modified maize MON 89034 x 1507 x MON 88017 x 59122 and all sub – combinations of the individual events as present in its segregating progeny, for food and feed uses, import and processing under Regulation (EC) No 1829/2003 from Dow AgroSciences and Monsanto

[13

Décision de la Commission européenne : maïs Mon89034*1507*Mon88017*59122

[14« lorsque, par exemple, les semences d’un empilement de maïs génétiquement modifié présentant quatre événements de transformation simple sont cultivées, la récolte obtenue inclut non seulement des grains contenant l’ensemble de ces quatre événements, mais aussi des grains qui n’en comportent qu’un seul, ou deux, ou trois, ainsi que des grains qui n’en comportent aucun (on parle dans ce cas de ségrégants négatifs) »

[15

Lettre de Syngenta sur maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 du 06/02/2009

[16Ibid

[17Ibid

[18

Lettre de Syngenta sur maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 du 05/07/2013

[19

Scient ific Opinion on an application by Syngenta (EFSA – GMO – D E – 2 009 – 6 6) for placing on the market of herbicide tolerant and insect resistant maize Bt11 × MIR162 × MIR604 × GA21 and subcombinations independently of their origin for food and feed uses, import and processing under Regulation (EC) No 1829/2003

[20

Décision de la Commission européenne : maïs Bt11*Mir162*Ga21*Mir604 et ses dix sous-combinaisons

[21

European Commission’s decision on maize Bt11*Mir162*Ga21*Mir604 and its ten subcombinations

[22

Lettre de Syngenta sur maïs Bt11*59122*Mir604*1507*GA21 du 01/07/2011

[23

COMMISSION IMPLEMENTING DECISION (EU) 2017/1209 of 4 July 2017

[24

Avis de l’AESA / EFSA sur le maïs Bt11*59122*Mir604*1507*Ga21 et ses 20 sous-combinaisons

[25

COMMISSION IMPLEMENTING DECISION (EU) 2017/1209 of 4 July 2017

[26

Lettre de Syngenta sur maïs Bt11*Mir162*1507*Ga21 du 30/07/2010

[27

Lettre de l’AESA sur maïs Bt11*Mir162*1507*Ga21 du 27/09/2010

[28

Dossier du maïs Bt11*59122*Mir604*1507*Ga21 daté de mars 2012

[29

Assessment of genetically modi fi ed maize Bt11 x MIR162 x 1507 x GA21 and three subcombinations independently of their origin, for food and feed uses under Regulation (EC) No 1829/2003 (application EFSA-GMO-DE-2010-86)

[30

Assessment of genetically modi fi ed maize Bt11 x MIR162 x 1507 x GA21 and three subcombinations independently of their origin, for food and feed uses under Regulation (EC) No 1829/2003 (application EFSA-GMO-DE-2010-86)

[31

Lettre de l’AESA sur coton GHB614*LL25*Mon15985 du 15/07/2015

[32

Part II Summary of the request for authorization in accordance with articles 5 and 17 of regulation (EC) N°1829/ 2003, Glufosinate ammonium – Tolerant insect – Protected Genetically Modified Cotton LL Cotton 25 X MON15985

[33

Lettre de Bayer sur le coton LL25*Mon15985 du 27/02/2009

[34

[35

Dossier de demande d’autorisation coton GHB614*LL25*Mon15985, version de 2015

[36

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