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2017 : +2,5 % de surfaces transgéniques selon l’Isaaa

Par Christophe NOISETTE

Publié le 06/07/2018

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L’Isaaa, une organisation qui promeut les biotechnologies végétales, annonce une nouvelle augmentation de la surface cultivée avec des plantes transgéniques dans le monde entre 2016 et 2017 : +2,5 % (soit 4,7 millions d’hectares). Un chiffre qui cache à nouveau manipulations, approximations et propagande.

La surface totale cultivée avec des plantes transgéniques aurait atteint un nouveau record, se félicite l’Isaaa : 189,8 millions d’hectares. Derrière un argumentaire qui cherche à montrer un engouement pour cette technologie, l’Isaaa a du mal à cacher le statu quo.

Le soja GM toujours en tête

Ce sont les mêmes plantes transgéniques qui sont cultivées, avec toujours en tête le soja. Ce soja est destiné à nourrir le bétail hors-sol et sa progression n’est que le reflet d’une demande croissante pour des produits d’origine animale, notamment en Asie.

Le soja transgénique représente 50 % des cultures transgéniques dans le monde. Et, étant donné que les produits issus d’animaux nourris aux OGM ne sont pas étiquetés en tant que tel, le levier d’action des consommateurs reste faible. Ce n’est donc pas étonnant que 77 % du soja cultivé mondialement soient transgéniques. La culture du soja progresse encore et toujours au détriment d’autres cultures, des prairies permanentes et des forêts (voir encadré ci-dessous).

Surfaces OGM transgéniques en 2017
Surfaces OGM transgéniques en 2017

L’Isaaa évoque bien quelques nouveaux produits : les pommes de terre au taux d’acrylamide réduit, les pommes qui brunissent moins vite, les aubergines Bt. Ces cultures représentent des surfaces encore anecdotiques : 40 hectares de pommes de terre au Canada et 3000 hectares aux États-Unis, 2400 hectares d’aubergines au Bangladesh (contre 12 hectares en 2014).

Le soja dévore l’Amazonie


Au Brésil, le soja (et le soja OGM) ont encore progressé de quelques millions d’hectares. Mais AgroSatélite, qui a réalisé une étude sur la progression du soja en Amazonie, souligne qu’entre 2012 et 2016, la culture de soja a quadruplé dans cette région, malgré le moratoire décrété en 2006, passant de 11 200 hectares à 47 365 hectares. Le ministère de l’Environnement souligne tout de même une réduction dans l’augmentation de la conquête du soja sur l’Amazonie et s’en félicite. Cette surface est inégalement répartie : ainsi, neuf municipalités concentrent 62 % de ces cultures de soja. Entre 2006/07 et 2016/17, la surface amazonienne cultivée en soja est passée de 1,14 Mha à 4,48 Mha, ce qui correspond à 13 % de la sole nationale de soja.

La déforestation a continué mais pour d’autres raisons que la seule culture du soja. En effet, l’avancée du soja en Amazonie correspond à seulement 1,2 % de la déforestation.

Première caractéristique : la tolérance aux herbicides

Ce sont les mêmes caractéristiques qui sont proposées aux agriculteurs, avec toujours en tête la tolérance aux herbicides. En valeur relative, cette modification génétique a même progressé de 2 % entre 2016 et 2017. Or la course poursuite entre variétés rendues tolérantes aux herbicides et adventices devenues tolérantes aux herbicides est loin de s’arrêter… Cette technologie n’a rien de durable, contrairement à ce qu’affirme l’Isaaa.

L’augmentation des surfaces transgéniques n’est pas liée à une plus forte adoption de la technologie. Prenons les États-Unis, où l’Isaaa note une augmentation d’à peine 3 % (72,9 Mha à 75 Mha). Mais le ministère étasunien à l’Agriculture (USDA) nous renseigne sur le taux d’adoption qui stagne : 94 % du soja est transgénique depuis 2011, 92 % du maïs depuis 2015. Le cas du coton est un peu plus complexe : en 2017, le taux d’adoption a retrouvé son niveau de 2014 (96 %) après deux années de diminution (94 % en 2015 et 93 % en 2016).

L’adoption des OGM transgéniques stagne

Au Canada, le taux d’adoption n’a pas non plus évolué fondamentalement. L’augmentation des surfaces transgéniques est liée, principalement, à l’augmentation des cultures de colza, qui sont passées devant celles de blé pour la première fois (soit une augmentation de près d’un million d’hectares [1] mais le taux d’adoption est resté à 95 %. D’après les premières estimations, la surface en colza resterait à un niveau similaire en 2018. Le soja transgénique a été en revanche plus plébiscité (de 76 % en 2016 à 83 % en 2017) mais les surfaces restent faibles (2,95 Mha dont 2,44 Mha en OGM selon le ministère étasunien de l’Agriculture). Ainsi, quand l’Isaaa parle d’une augmentation de 18 % au Canada, l’idée est bel et bien de faire croire à un engouement pour la technologie… alors que la surface totale consacrée à ces mêmes cultures a augmenté de 17 % (de 12,38 Mha à 14,49 Mha).

D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’en 2018 l’Isaaa considère que le Canada avait cultivé 11,1 Mha en 2016 alors que dans son rapport précédent elle établissait la sole transgénique canadienne à 11,6 Mha… 500 000 ha fantômes sans lesquels l’augmentation en 2017 serait moindre…

Divergences de chiffres entre l’Inde et l’Isaaa


Depuis plus de deux ans, les chiffres de l’Isaaa ne collent pas avec ceux du gouvernement indien. En 2016, le gouvernement annonçait 8,5 Mha, et l’Isaaa 10,8 Mha. En 2017, la différence se réduisait : 10,9 Mha pour le gouvernement, et 11,4 Mha pour l’Isaaa.

Comment expliquer cette différence ? Par des cultures illégales ?

Depuis 2017, la présence de variétés de coton transgénique tolérant un herbicide est avérée dans plusieurs états. Ces variétés ont été vendues dès 2015. L’année dernière, la surface ensemencée avec ces variétés a été estimée à 880 000 ha (contre 513 000 ha pour 2016/2017 et 329 000 ha pour 2015). Cette surface a été calculée par le South Asia Biotechnology Center (SABC) qui représente les industries semencières à partir de la vente de sacs de semences de coton HT et considérant qu’il faut entre 1,5 et 1,7 sac pour ensemencer un acre.

Cette explication pourrait être valable pour la saison 2017/2018 mais pas pour les deux précédentes.

L’explication qui semble la plus probante est que l’ensemble de ces chiffres sont des extrapolations, et qu’il n’y pas de registre officiel qui ferait foi.

Moins de pays et moins de paysans cultivent des OGM

Deux pays ont abandonné les cultures transgéniques en 2017 : la République tchèque et la Slovaquie. Au final, 24 pays en cultivent, contre 26 en 2016 et 28 en 2015. En 2013, l’Isaaa estimait, en s’appuyant sur des calculs et des extrapolations, que 18 millions d’agriculteurs (sur plus d’un milliard et demi au total) avaient semé des semences transgéniques. C’est donc 1,2 % des agriculteurs qui utilisent de telles variétés brevetées. De 2014 à 2016, l’Isaaa n’évoquait pas d’augmentation du nombre d’utilisateurs de la technologie. En 2017, elle note qu’ils ne sont que 17 millions à cultiver de telles plantes.

[1Selon Canola Council of Canada, la surface est passée de 8,4 Mha à 9,3 Mha.

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