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OGM : l’étiquetage des produits « animaux » abandonné

Par Charlotte KRINKE

Publié le 26/09/2018

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L’Assemblée nationale voulait profiter du projet de loi issu des États généraux de l’alimentation pour faire disparaître une exception importante à l’obligation d’étiquetage des OGM transgéniques : celle des aliments issus d’animaux nourris aux OGM, comme la viande ou les produits laitiers. Mais l’article adopté par les députés en première lecture du projet de loi a été supprimé par le Sénat en juillet. Et il n’a pas été rétabli dans le projet de loi adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 14 septembre. Il ne l’a pas non plus été au Sénat, ce dernier ayant rejeté l’intégralité du texte en séance publique, le 25 septembre.

La majorité des plantes transgéniques importées dans l’Union européenne est utilisée pour nourrir les animaux d’élevage et plus de 75 % du cheptel français seraient nourris avec des OGM (soja OGM importé notamment) [1]. Pourtant, l’étiquetage des produits issus de ces animaux (viande, poisson, œufs, lait, fromage…) n’a pas à mentionner que l’animal a été nourri aux OGM, même s’il l’a été toute sa vie durant.

Des députés pour l’étiquette « Nourri avec OGM »

Il s’agit donc d’une exception importante à l’obligation d’étiquetage des OGM, prévue par le règlement 1829/2003 [2]. En effet, avec ce règlement, l’obligation d’étiquetage s’applique tant aux produits dans lesquels on peut retrouver l’ADN modifié qu’aux produits dans lesquels on ne le peut plus (comme les huiles par exemple). Mais elle ne s’applique qu’aux produits obtenus « à partir d’OGM » (huile de colza génétiquement modifié par exemple) et non aux produits obtenus « à l’aide d’OGM » comme les œufs de poules nourries aux OGM…

C’est cette faille que l’Assemblée nationale voulait combler à travers un amendement au projet de loi « Équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire », amendement qui a été adopté lors de la première lecture du projet de loi, le 26 mai 2018.

Plus précisément, l’amendement n°2119 présenté par des députés de la majorité, dont Mmes Pompili et Abba, proposait d’instaurer une obligation d’étiquetage des denrées alimentaires animales ou d’origine animale issues d’animaux nourris avec des OGM. La mention « Nourri aux OGM » était destinée à figurer sur l’étiquette des produits comme le lait ou le fromage mais aussi sur celle des plats cuisinés à partir de ces produits.

Selon l’amendement, l’étiquetage n’aurait été obligatoire qu’à partir du 1er janvier 2023 et ce, explique Barbara Pompili, « pour laisser à l’industrie le temps de réorganiser les étiquetages ».

Par ailleurs, un décret en Conseil d’État serait venu préciser les conditions d’application de cette nouvelle disposition législative. C’est lui qui aurait par exemple pu répondre à la question de la proportion des OGM dans l’alimentation des animaux. Mais ce décret ne sera pas.

L’étiquette « Nourri avec OGM » pénalise l’agriculture française selon le Sénat

Car en effet, le 7 juin, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté des amendements proposant la suppression de l’article introduit par l’Assemblée nationale. Plusieurs amendements étaient en effet déposés en ce sens, dont celui de la rapporteure Anne-Catherine Loisier (sénatrice de la Côte-d’Or, rattachée au groupe Union centriste).

Trois types d’arguments sont avancés par les sénateurs pour justifier la suppression de l’amendement des députés. Il y a d’abord celui de la non pertinence d’instaurer une obligation d’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM compte tenu de l’existence d’un étiquetage volontaire « Nourri sans OGM ». Les sénateurs invoquent ensuite les conséquences d’une telle obligation sur les agriculteurs français, qui seraient pénalisés « face à des productions étrangères non soumises à la même obligation ». Ils invoquent enfin le caractère incompatible de l’obligation d’étiquetage avec les règles de libre circulation des marchandises de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce.

Cet avis n’était pas partagé par tous les sénateurs, et plusieurs amendements visant à rétablir l’obligation avaient été déposés sur le texte de la commission des affaires économiques en vue des travaux en séance publique qui ont eu lieu les 26, 27 et 28 juin 2018 [3]. Mais ces amendements ont tous été soit rejetés soit retirés. Le projet de loi adopté en première lecture par le Sénat ne comporte donc aucune obligation d’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM. 

En nouvelle lecture, c’est non pour l’Assemblée aussi…

Dans ces circonstances, il paraissait peu probable que l’amendement soit rétabli lors de la nouvelle lecture du projet de loi, qui vient de se terminer à l’Assemblée. En vue de cette nouvelle lecture, plusieurs députés avaient pourtant soumis des amendements visant à rétablir l’article voté en première lecture à l’Assemblée Nationale. Mais, sans surprise, ces amendements n’ont pas été retenus.

En séance publique le 14 septembre, le Ministre de l’agriculture, M. Stéphane Travert, a soutenu qu’il était « bien évidemment favorable à la transparence en matière d’étiquetage » [4] Mais, a-t-il ajouté, la question « relève de la réglementation européenne » et c’est donc à ce niveau-là qu’elle doit être défendue, ce qu’il s’est engagé à faire. En attendant, estime le Ministre, le dispositif d’étiquetage « sans OGM » « permet aux filières ayant fait ce choix-là – nous en avons, en France – de valoriser leur démarche auprès des consommateurs, dont la liberté de choix est donc déjà satisfaite ».

L’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM attendra

Au Sénat, où l’examen en nouvelle lecture, en commission, a commencé le 17 septembre, plusieurs amendements en vue de rétablir l’article instaurant l’obligation d’étiquetage ont également été déposés [5]. Mais en raison de « désaccords profonds sur le fond et sur la méthode » avec le Gouvernement et sa majorité La République en Marche à l’Assemblée nationale, non liés à la question de l’étiquetage, la commission des affaires économiques du Sénat a refusé d’adopter le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture [6]. Les amendements n’ont donc pas été examinés en commission. Et ils ne l’ont pas été non plus en séance publique le 25 septembre car le Sénat a voté, comme l’y invitait la commission des affaires économiques, la question préalable. L’adoption de cette motion, destinée à constater un désaccord sur l’ensemble d’un texte, a entraîné le rejet de la totalité du projet de loi. L’Assemblée nationale procèdera donc à la lecture définitive du texte avant son adoption. Et l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM attendra.

[1La France importe de manière générale environ quatre millions de tonnes de plantes transgéniques par an, notamment du soja Roundup Ready en provenance du continent américain.

[2L’obligation d’étiquetage des OGM et l’exception à l’obligation n’ont pas été instaurées par le règlement 1829/2003. Avant l’adoption de ce règlement, l’obligation d’étiquetage était prévue par différents textes, notamment par le Règlement (CE) n°258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, et par le Règlement (CE) nº1139/98 du Conseil du 26 mai 1998 concernant la mention obligatoire, dans l’étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d’organismes génétiquement modifiés, d’informations autres que celles prévues par la directive 79/112/CEE.

[3À noter que le gouvernement a engagé la procédure dite accélérée pour ce projet de loi, ce qui lui permet de réunir le comité mixte paritaire au bout de la première lecture par chacune des chambres.

[4Assemblée Nationale, XVe législature, Seconde session extraordinaire 2017-2018, Compte rendu intégral, Deuxième séance du vendredi 14 septembre 2018.

[5Il s’agit notamment de l’amendement N° COM-34, présenté par M. Labbé (groupe Rassemblement démocratique et social européen), et de l’amendement N° COM-59, présenté notamment par MM. Cabanel et Montaugé et Mme Artigalas, du groupe Socialistes et républicains.

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