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UE – Lobby : Monsanto en flagrant délit de mensonges

Par Christophe NOISETTE

Publié le 29/11/2017

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Et une plainte de plus contre Monsanto. Cette fois, c’est l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) qui dépose plainte pour manquement de Monsanto à ses obligations légales en matière de transparence. Cela concerne son budget « lobby » déclaré à l’Union européenne. Détails sur les mensonges de Monsanto.

L’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) a porté plainte contre Monsanto pour manquement à ses obligations légales en matière de transparence. La plainte, déposée auprès du secrétariat européen du registre commun de la transparence [1] fait état de deux griefs : Monsanto a clairement et substantiellement sous-déclaré le montant des dépenses réalisées pour les activités couvertes par le registre ; et Monsanto n’a pas indiqué l’ensemble des organisations qui représentent ses intérêts.

Sur le site du registre de transparence, il est précisé qu’il « a été créé afin de répondre aux questions essentielles telles que celle de savoir quels sont les intérêts défendus, par qui et avec quels budgets. Le système est géré conjointement par le Parlement européen et la Commission européenne ». Cet outil est rempli sur la base du volontariat et aucune instance européenne n’a comme mission de vérifier l’exhaustivité ou l’exactitude des données saisies.

Des dépenses de lobbying largement sous-estimées

CEO considère dans sa plainte contre Monsanto que cette entreprise a largement sous-estimé ses dépenses en lobbying auprès de l’Union européenne. Monsanto a déclaré en avril 2017 avoir dépensé moins de 400 000 euros pour des activités couvertes par ce registre au titre de ses dépenses en lobby entre septembre 2015 et août 2016. Or, une recherche rapide sur le site du Registre nous apprend, par exemple, que Monsanto a « oublié » de mentionner quatre cabinets de conseils à qui il a payé, en tout, entre 910 000 et 1,2 millions d’euros. Il s’agit, par ordre d’importance, de Fleishman-Hillard [2], de Red Flag [3], de Hume Brophy [4] et de Interel European Affairs [5].

À ces financements directs, il faut ajouter les organisations qui représentent notamment les intérêts de Monsanto, comme EuropaBio [6], European Seed Association (l’association des semenciers européens), European Crop Protection Association (ECPA) [7], le Glyphosate Task Force [8], etc.

Ces dernières sont financées directement par leurs membres et sont ensuite en charge de défendre leur intérêt dans les couloirs de la Commission ou du Parlement. Si l’entreprise Monsanto reconnaît dans sa déclaration être liée à certaines de ces organisations faitières, elle oublie de mentionner le Glyphosate Task Force (GTF) [9], International Life Science Institute (Ilsi), etc. Or, le GTF – qui a notamment pour objectif de favoriser la ré-autorisation du glyphosate, une des molécules qui compose l’herbicide phare de Monsanto, le Roundup – est délibérément une organisation proche de Monsanto, comme en témoigne une lettre que CEO s’est procurée : elle est signée Dr Richard P. Garret, un lobbyiste de Monsanto et a été adressée à la Commission européenne [10]. Et l’Ilsi n’est même pas mentionnée dans le registre alors que cette organisation est clairement une organisation de lobby [11], notamment en défendant bec et ongles le concept de l’équivalence en substance ou le test à la pepsine [12].

Ainsi, comme le souligne CEO, « il est juste de conclure que les dépenses de lobbying de Monsanto sont beaucoup plus élevées que le montant que cette société a déclaré, en particulier lorsque l’on considère qu’aux États-Unis, où les exigences de déclaration sont beaucoup plus strictes que dans l’UE, Monsanto a déclaré avoir dépensé 3,9 millions d’euros en 2016 pour faire pression sur les décideurs à Washington [13] ».

Monsanto, persona non grata au Parlement européen


« Nous venons de refuser officiellement l’accès au Parlement aux lobbyistes de Monsanto. Cette décision a été prise en conférence des Présidents le 28 septembre » a expliqué Marc Tarabella, euro-député socialiste [14]. Cette décision a été prise suite au refus de l’entreprise de se rendre à une audition organisée par les commissions « agriculture » et « environnement », consacrée aux Monsanto Papers, qui montrent, d’une part, la collusion entre cette dernière et des scientifiques « indépendants » ; et, d’autre part, le fait que Monsanto connaissait dès 1999 le potentiel mutagène du glyphosate.

Ceci dit, cette interdiction reste symbolique : Monsanto restera présent via de nombreuses organisations professionnelles dont il est membre ou de cabinets de Conseil qu’il paye pour dédouaner ses produits.

Ces oublis de Monsanto en disent long sur le crédit accordé à une telle entreprise quand il s’agit de transparence. Et sur la pertinence d’un tel registre qui n’est réalisé que sur la base du volontariat des entreprises sans qu’aucune autorité ne se donne les moyens d’en contrôler la véracité ou, a minima, la cohérence.

Et Syngenta, Bayer, Limagrain… mieux que Monsanto ?

Sur ce coup, c’est l’entreprise Monsanto qui s’est fait épingler. Mais qu’en est-il des autres entreprises semencières ou agro-chimiques ?

Syngenta reconnaît avoir dépensé en 2016 entre 1,5 et 1,75 million d’euros comme « coûts annuels liés aux activités couvertes par le registre ». Et cette entreprise est plus exhaustive quant aux organisations auxquelles elle adhère ou elle participe. Comme Monsanto, elle évoque Europabio, European Crop Protection Association (ECPA) et European Seed Association (ESA), mais Syngenta ajoute être membre de American chamber of commerce to the European Union (AmCham EU), EconomieSuisse et participer aux activités de Transantlantic Policy Network (TPN), European Technology Platform (ETP) Plants for the Future, New Breeding Techniques (NBT) Platform et European Risk Forum (ERF).

BASF reconnaît avoir dépensé en 2016, 3,2 millions d’euros pour des activités couvertes par le registre et mentionne de nombreuses organisations dont elle est membre ou auxquelles elle participe. BASF ajoute « qu’environ un million d’euros de cotisations sont versés aux associations professionnelles et peuvent être attribués à la représentation d’intérêts globaux. Ce montant est compté dans notre propre déclaration, comme demandé par la ligne directrice. Ce chiffre et son inclusion dans notre propre total explique l’augmentation de nos coûts totaux estimés par rapport à la mise à jour précédente ». Enfin, BASF déclare avoir touché une subvention de 2,2 millions d’euros de l’Union européenne.

Bayer [15] annonce pour 2016, 1,948 million d’euros et environ 465 820 euros de cotisations pour des organisations professionnelles.

En revanche, Limagrain, le 4è semencier mondial, semble avoir minimisé ses dépenses de lobby. Cette entreprise déclare en effet pour l’année 2015 des dépenses inférieures à 9 999 euros [16]. Mais Limagrain affiche n’être membre que de l’European Seed Association. Or, elle est également membre d’autres structures reconnues par le registre comme ayant des activités de lobby auprès des instances européennes : l’Union française des semenciers [17] qui déclare avoir dépensé entre juillet 2015 et juin 2016, entre 300 000 et 399 999 euros, et qui souligne dans sa déclaration que « les sources de financement de l’UFS sont directement et presque exclusivement liées aux cotisations de ses adhérents ». Limagrain est aussi membre de Maiz’Europe [18] qui déclare pour l’année 2015, 220 000 euros de dépenses [19]. Enfin, Limagrain est membre de l’International Seed Federation (ISF).

[3Red Flag

[6Europabio déclare pour l’année 2016 entre 200 000 et 299 999 euros de coûts annuels liés aux activités couvertes par le registre.

[7Fleishman Hillard déclare avoir reçu entre 10 000 et 24 999 Euros de l’ECPA

[8Hume Brophy déclare avoir reçu entre 100 000 et 199 999 euros du GTF

[18Jean-Christophe Gouache, Directeur des Affaires Internationales et Président du Comité Scientifique de Limagrain est aussi administrateur de l’AGPM, la branche française de Maiz’Europe.

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