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OGM non autorisé : l’Espagne veut contourner la législation

Par Charlotte KRINKE

Publié le 20/10/2017

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Les autorités espagnoles ont découvert des semences non autorisées de coton génétiquement modifié. L’Espagne a alors demandé à la Commission européenne si elle pouvait transformer ces semences en produits destinés à être commercialisés pour l’alimentation animale ou humaine. Une vision pragmatique qui avantagerait les entreprises…

La présence d’OGM non autorisés dans l’Union européenne n’est pas rare. Durant l’été 2017, des semences de deux cotons génétiquement modifiés (MON 1445 et MON 531) non autorisées ont été détectées en Espagne dans une cargaison en provenance de l’Argentine.

Des semences de coton GM non autorisées à l’importation

Les aliments pour animaux et les denrées alimentaires « obtenues à partir de » [1] ces deux cotons transgéniques sont autorisés sur le marché européen : concrètement, cela concerne les additifs pour l’alimentation humaine et animale, les matières premières pour animaux et l’huile alimentaire. Mais, à la différence d’autres cotons génétiquement modifiés autorisés dans l’Union européenne [2], ces autorisations ne couvrent pas les produits contenant ou consistant en ces cotons génétiquement modifiés [3]. Les demandes d’autorisation de mise sur le marché de ces cotons génétiquement modifiés ne visaient en effet que les produits obtenus à partir de ces cotons. Il est donc clair que les deux cotons transgéniques découverts en Espagne ne sont pas autorisés en tant que semences.

D’ailleurs, l’Agence européenne de Sécurité sanitaire des aliments (AESA / EFSA) dans son évaluation de ces cotons [4] [5] précise qu’elle n’a pas évalué les risques environnementaux associés à la dissémination accidentelle dans l’environnement de ces cotons transgéniques étant donné que le champ de la demande d’autorisation était limité aux aliments « produits à partir de [ces cotons], lesquels ne contiennent pas de parties viables » [6].

Que faire alors de ces semences génétiquement modifiées non autorisées arrivées en Espagne ? Les détruire ? Ou bien se montrer pragmatique et les transformer en « produits obtenus à partir de » ces cotons génétiquement modifiés afin qu’elles deviennent conformes à l’autorisation et accèdent ainsi au marché européen sous cette forme-là ?

Cette question a été évoquée lors de la dernière réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire, le 14 septembre 2017 [7]. La Commission, sans donner de réponse définitive à la question, s’est pour l’instant contentée de rappeler que « seuls les produits obtenus à partir de ces deux cotons sont autorisés dans l’UE », ce qui exclut les semences.

Un tour de passe-passe qui évite l’évaluation

L’enjeu n’est pas mince : autoriser la transformation des semences de coton génétiquement modifiées non autorisées en produits de coton génétiquement modifiés autorisés pourrait saper la procédure d’autorisation des OGM. 

Les aliments non conformes à la législation provenant de pays tiers peuvent certes être transformés pour être rendus conformes [8]. Mais appliquer cette solution aux OGM non autorisés, sans exiger que l’entreprise titulaire de l’autorisation demande l’extension de celle-ci en fournissant à l’appui de cette demande une évaluation des risques, reviendrait à contourner la procédure d’autorisation des OGM. Cela pourrait inciter les entreprises à présenter une demande d’autorisation de mise sur le marché d’OGM limitée aux seuls produits obtenus à partir de cet OGM à l’exclusion des fruits, semences ou tubercules – ce qui les dispense de fournir une évaluation des risques associés à la culture ou la dissémination accidentelle de ces OGM. Il suffirait alors d’une détection de semences, fruits ou tubercules issus de cet OGM pour qu’il soit décidé de les transformer pour les faire entrer dans le champ de l’autorisation et ainsi sur le marché.

Dans le cas des cotons génétiquement modifiés MON1445 et MON531, étant donné que les autorisations ne concernent pas les parties viables de ces cotons (les semences), aucune information scientifique sur l’évaluation des risques associés à la culture ou la dissémination accidentelle de ces cotons génétiquement modifiés n’était exigée.

Cette contamination soulève aussi une autre question. Si seuls les produits obtenus à partir des cotons sont autorisés dans MON1445 et MON531, ce qui exclut les semences, cela impliquerait a priori que si un fabricant européen veut importer l’un de ces cotons pour les transformer, par exemple, en huile de coton, il ne peut importer que des semences broyées. Mais ce transformateur pourrait-il importer des semences de coton génétiquement modifié pour les transformer sans que cela ne soit considéré comme une mise sur le marché ? La mise sur le marché est définie de manière large. Elle correspond à « la détention de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux en vue de leur vente, y compris l’offre en vue de la vente ou toute autre forme de cession, à titre gratuit ou onéreux, ainsi que la vente, la distribution et les autres formes de cession proprement dites » [9]. Il semblerait qu’il faille donc répondre par la négative à la question.

La question de la transformation des semences de coton génétiquement modifié non autorisé fera l’objet de discussions lors de la prochaine réunion du comité permanent, en décembre.

Une porte ouverte à la contamination des cultures de coton ?


Si la transformation des semences de coton génétiquement modifié est autorisée, l’Espagne ne manquera pas de leur trouver des usages commerciaux. Le pays produit en effet de l’huile de coton, tant pour l’alimentation humaine qu’animale. L’huile est également utilisée pour la production de savon et de cosmétiques.

[1Selon le règlement 1829/2003, « produit obtenu à partir de » signifie issu, en tout ou en partie, d’OGM, mais ne consistant pas en OGM et n’en contenant pas.

[2Comme par exemple le coton MON15985

[6Plus loin, l’AESA souligne que « du fait de l’usage prévu du coton MON1445, qui exclut la culture et l’importation de partie viable de la plante, les interactions du coton MON1445 avec les organismes non cibles n’ont pas été prises en compte par le panel OGM de l’AESA »

[9Article 2 du règlement 1829/2003

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