n°147 - novembre / décembre 2017Fiche technique / Etat des lieux

OGM (anciens ou nouveaux) en bio : c’est toujours non !

Par Pauline VERRIERE et Daniel Evain (Fnab)

Publié le 21/12/2017

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Les agriculteurs et transformateurs bio mettent en place différentes stratégies pour arriver à éviter au maximum toutes contaminations par des OGM. Ces démarches individuelles doivent être appuyées par des politiques nationales et européennes. Tour d’horizon des pratiques et du souhaitable, par deux structures qui représentent le secteur bio au niveau français (la Fnab) et européen (IFOAM EU).

Pour les paysans, qu’ils soient en bio ou pas, les contaminations par des OGM peuvent se produire soit via une alimentation animale renfermant des traces d’OGM, soit par la contamination des plantes cultivées.

Supprimer la source première de ces contaminations

Le meilleur moyen d’éviter les contaminations d’OGM est d’en supprimer la source première en arrêtant toute diffusion d’OGM dans l’environnement. Plus les OGM seront nombreux à être autorisés dans l’Union européenne et à circuler sur le marché, plus il sera difficile et coûteux pour le secteur bio d’éviter les contaminations. Ainsi, le prix des tests de contamination augmente avec le nombre de traits génétiques à potentiellement identifier.

Les OGM actuellement cultivés dans le monde et étiquetés comme tels, au moins dans l’Union européenne, sont des plantes transgéniques et ont concerné en France quatre espèces majeures : le maïs, le soja, le colza et le riz. Bien qu’aucun OGM transgénique appartenant à ces quatre espèces ne soit plus cultivé en France en 2017, les risques de contaminations n’ont pas totalement disparu.

À ce jour, un seul OGM est autorisé à la culture dans l’Union européenne (maïs MON810), mais chaque État membre peut choisir de l’interdire nationalement (voir encadré ci-dessous). Deux dossiers d’autorisation (maïs Bt11 et 1507) et le renouvellement du maïs MON810 sont actuellement entre les mains de la Commission européenne. Les OGM destinés à d’autres usages (alimentation animale, transformation…) sont beaucoup plus nombreux à être autorisés (environ une soixantaine). Ils représentent tout autant un risque de contamination : ils sont en effet souvent importés dans l’UE sous forme de matériel vivant toujours reproductible (grains qui peuvent servir de semences). Leur circulation sur le marché européen impose donc au secteur bio de prendre des mesures pour éviter les contaminations (lors du transport par exemple).

Des interdictions nationales

Des interdictions nationales pour la culture et mesures de coexistence

Si une majorité de pays européens ont adopté une interdiction à la culture, ce n’est pas le cas de tous les pays. Or, la mise en place de mesures de coexistence reste une compétence nationale, utilisée de manière très inégale entre les États européens. IFOAM EU considère au contraire que de telles mesures devraient obligatoirement être mises en place dans les États non dotés d’un moratoire, a fortiori lorsque des OGM y sont effectivement cultivés (comme par exemple en Espagne). Il serait nécessaire que l’UE définisse un socle commun de règles minimales, à charge aux États d’adopter une réglementation nationale plus protectrice.

Tolérance zéro pour les OGM dans les lots de semences

Les risques de contaminations pour l’agriculteur se situent principalement lors du semis (semence), de la culture, de la récolte, du transport et du stockage. En l’absence de toutes cultures de plantes transgéniques en France, les risques de contaminations lors de la culture ou de la récolte sont minimes, mais réels sur les semences. Dans ce contexte, l’utilisation de semences auto-produites est une garantie d’absence de contamination. Toutefois, l’agriculteur devra procéder à une analyse de son lot d’origine en début de chaque cycle pour s’assurer de toute absence d’OGM. Mais qui paiera ? IFOAM EU plaide pour l’application du principe polluer-payeur (voir encadré ci-dessous). De même, l’achat de semences produites en France diminue les risques mais nécessite aussi une analyse. En effet, les semenciers commercialisent des lots conformes à la réglementation française (tolérance zéro) mais n’informent pas les agriculteurs en cas de contaminations de leurs semences.

Faire payer aux pollueurs


Si le droit européen reconnaît le principe pollueur-payeur, il reste cependant bien difficile à mettre en œuvre. Lors des nombreuses étapes de production des aliments, il est très souvent difficile d’identifier l’origine d’une contamination. En pratique, c’est à ceux qui veulent se prémunir des OGM d’en supporter les coûts : mesures de séparation des filières, perte de certification bio et de la prime liée, perte de confiance des clients… L’Union européenne doit offrir au secteur bio et sans OGM la garantie que les coûts liés à cette pollution ne soient pas à la charge de ceux qui veulent s’en prémunir. Pour l’instant c’est loin d’être le cas.

Dans l’Union européenne, il n’existe aucune tolérance légale pour la contamination des semences, et toute contamination détectée, y compris par des OGM autorisés à la culture, devrait entraîner le retrait du marché du lot. Mais en l’absence d’analyse systématique des lots de semences, l’agriculteur ne peut pas être sûr de l’absence totale de contaminations par des OGM des semences qu’il achète. Il n’est même pas garanti que les autorités en charge des contrôles appliquent réellement le seuil de détection.

Pour IFOAM EU, il faut que la politique de tolérance zéro en matière de semences soit maintenue au sein de l’Union européenne et correctement mise en œuvre. Cela signifie que les semences qui contiennent des OGM autorisés doivent être étiquetées comme telles, quel que soit le seuil de présence des OGM. Les lots de semences contaminés avec des OGM non autorisés dans l’UE doivent être retirés du marché et détruits. Cette transparence est fondamentale pour permettre aux producteurs, qu’ils soient bio, sans OGM ou conventionnels, de se prémunir des contaminations en ayant l’information nécessaire à disposition, dès le stade du semis.

Nouveaux OGM : nouvelle menace pour la bio

Mais une nouvelle menace pèse très fortement sur l’agriculture biologique. En effet, de nouveaux OGM, non transgéniques, sont actuellement testés et certains sont déjà commercialisés hors de l’Union européenne. Ces nouveaux OGM ne sont pas issus de la technique de transgenèse mais de nouvelles techniques de modifications du génome, dont la mutagénèse dirigée. Une bataille juridique a été lancée au niveau européen pour que la réglementation OGM soit maintenue et appliquée à l’ensemble des produits issus de ces nouvelles techniques. C’est aussi la position d’IFOAM EU. Mais pas celle des promoteurs de ces nouvelles semences…

La co-existence des cultures OGM et non-OGM est impossible sans qu’il y ait des contaminations. Mais si les agriculteurs et transformateurs biologiques obtiennent que ces nouveaux OGM soient soumis à la réglementation OGM (directive 2001/18) et étiquetés comme tels, ils pourront alors identifier ces produits et mettre en œuvre des mesures pour éviter au maximum les contaminations ; et, s’ils arrivent à prouver l’origine des contaminations, recevoir des indemnisations.

Dans le cas contraire, les agriculteurs biologiques, incapables d’identifier ces nouvelles variétés, pourraient même les cultiver sans le savoir. Une situation que nos fédérations feront tout pour éviter.

À propos d’IFOAM EU et de la Fnab


IFOAM EU est le groupe européen de la Fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique. Il représente les intérêts du secteur bio auprès des décideurs européens. La question des OGM fait partie des sujets traités par la fédération au travers de son projet « Keeping GMOs out of food ». Son objectif : permettre au secteur bio de rester sans OGM.

Depuis 1978, la Fédération nationale des agriculteurs biologiques (Fnab) fédère les organisations des agrobiologistes des régions de France.

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