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UE : aucun programme pour détecter les nouveaux OGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 29/09/2017

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En avril 2017, la Commission européenne a refusé que le très officiel Réseau des laboratoires européens (ENGL), en charge de la détection et de l’identification des OGM, se penche sur le sujet des nouvelles techniques de modification génétique. Une posture étonnante de la part du gestionnaire du risque européen qui se prive ainsi d’une ressource technique importante sur une question très politique.

Décider que les nouvelles techniques de modification génétique donnent des OGM soumis au champ d’application de la législation européenne implique, notamment, de pouvoir détecter les modifications, les identifier, les tracer et les différencier des mutations et épi-mutations qui peuvent apparaître spontanément dans la nature. Cette question de la détection et de l’identification des nouveaux OGM est si cruciale que les industriels de la semence tentent d’imposer l’idée qu’une telle traçabilité est impossible ou extrêmement difficile. Ce lobby semble efficace : en avril 2017, le rapport du mécanisme de conseil scientifique (SAM) [1] affirmait en effet que « la détection de tous changements obtenus par quelque technique que ce soit […] est possible avec différentes méthodes si une information moléculaire détaillée est disponible a priori » [2]. En d’autres termes, il serait impossible de détecter des modifications si leur présence et nature n’est pas connue et renseignée préalablement. Une approche qu’Inf’OGM a déjà critiquée, mettant en balance le travail de l’Inra et de l’ENGL sur la détection possible des OGM inconnus (donc sans information préalable) [3].

Quand le réseau de détection propose son aide

Le réseau européen de laboratoires sur les OGM (ENGL), réseau référent pour la Commission européenne, joue un « rôle éminent dans le développement, l’harmonisation et la standardisation des moyens et méthodes d’échantillonnage, de détection, d’identification et de quantification des OGM » [4]. À cette fin, l’ENGL dispose de groupes de travail thématiques, mène des recherches coopératives, favorise les échanges de technologie entre ses membres… et organise des formations et réunions annuelles pour échanger idées, connaissances et autres opinions.

En avril 2017 à Ispra en Italie, l’ENGL a abordé le sujet des nouvelles techniques. Et si le compte-rendu [5] de la réunion est succinct, il n’en est pas moins parlant. L’ENGL a ainsi « souligné qu’[il (…)] pouvait jouer un rôle dans les discussions sur la détectabilité des nouveaux organismes obtenus par les nouvelles techniques ». On apprend donc que l’ENGL n’avait pas encore été saisi du sujet, ce qui peut déjà paraître curieux… mais la réponse de la Commission est pour le moins surprenante : « la DG Santé a expliqué que l’ENGL était un réseau très important mais que la Commission a décidé d’avoir un débat plus ouvert sur ce sujet, abordant le futur dans une perspective plus large ». En d’autres termes, les experts de l’ENGL souhaitaient se pencher sur le sujet, mais la Commission refuse.

Des demandes de discussions qui remontent à 2013

Intrigué, Inf’OGM a décortiqué les autres comptes-rendus de réunions de l’ENGL. On a ainsi découvert que le sujet de la détection des nouveaux OGM avait été soulevé au moins depuis 2013 (les comptes-rendus des années antérieures ne sont pas disponibles en ligne) jusqu’en avril 2017. À de nombreuses occasions, l’ENGL a rappelé qu’il pourrait jouer un rôle sur le sujet. Mais cela n’a jamais concrètement abouti à la constitution d’un groupe de travail dédié… Et en septembre 2016, il était évoqué que « il est prématuré d’initier plus de travail tant que la situation légale n’a pas été clarifiée ». La récente fin de non recevoir de la Commission mettra-t-elle un point final aux demandes répétées de l’ENGL de s’occuper de ce dossier ?

Inf’OGM a déjà signalé que pour détecter les nouveaux OGM, une approche matricielle qui regroupe différents débuts de preuve pouvait être envisagée. Mais cela nécessiterait incontestablement « un projet de recherche […] financé par la Commission européenne pour établir les protocoles, à l’instar de ce qui a été fait pour les plantes transgéniques à la fin des années 90 et au début des années 2000 » [6]. Mais pour la Commission européenne, un tel projet ne sera manifestement jamais à l’ordre du jour…

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