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États-Unis – Dicamba, un herbicide sur la sellette

Par Eric MEUNIER

Publié le 18/09/2017

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Le renouvellement potentiel prochain, dans l’Union européenne, de l’autorisation du glyphosate, un herbicide total, fait couler beaucoup d’encre. Du coup, on n’entend moins parler de l’autorisation récente, sur trois plantes transgéniques, du dicamba, un autre herbicide, aux États-Unis, censé répondre aux problèmes posés par le glyphosate. Cette molécule engendre pourtant à son tour – et déjà – des problèmes.

En novembre 2016, le ministère étasunien de l’Environnement (EPA) autorisait l’utilisation sur culture de plantes transgéniques de trois formulations commerciales d’herbicides à base de dicamba : FeXapan de Dupont (qui est associé à VaporGrip, une technologie de Monsanto qui réduit la volatilité des herbicides à base de Dicamba), Engenia de BASF et XTendimax (également associé à VaporGrip) de Monsanto. Ces produits ont été autorisés pour être utilisés sur des cultures de coton Bollgard II XtendFlex et de soja Roundup Ready 2 Xtend. Une autorisation qui a été donnée alors que des herbicides à base de dicamba avaient déjà été utilisés – donc illégalement – en 2016 et que le ministère recevait de nombreux témoignages d’impacts environnementaux [1]. Un an plus tard, de telles remontées continuent d’affluer au ministère alors que cette fois, la molécule est autorisée [2].

En 2016, des plaintes pour utilisation illégale

Le dicamba est utilisé comme herbicide car cette molécule accélère la croissance végétale au point qu’elle provoque un manque de nutriment faisant mourir « de faim » la plante. Il est utilisé en formule commerciale d’herbicides notamment car il permet de tuer les « adventices devenues de plus en plus résistantes aux herbicides à base de glyphosate » selon l’EPA [3]. Mais en juillet 2016, soit plusieurs mois avant qu’il homologue l’utilisation commerciale d’herbicides à base de dicamba, ce ministère était alerté par un nombre « inhabituellement élevé de rapports concernant des cultures endommagées probablement dues à une mauvaise utilisation d’herbicides à base de dicamba ». Des dommages qui feraient suite notamment à une dissémination des herbicides au-delà de la zone où ils sont aspergés. Le ministère publiait alors en août une note de conformité dans laquelle il rappelait n’avoir homologué aucune utilisation d’herbicides à base de dicamba sur coton ou soja, en prenant soin de préciser « y compris sur les cultures génétiquement modifiées pour tolérer le dicamba » [4]. Cette dernière précision sur les cultures GM vient du fait que Monsanto commercialisait déjà des plantes génétiquement modifiées pour tolérer le dicamba (soja GM Roundup Ready 2 Xtend et coton GM Bollgard II XtendFlex) avant même que les formules commerciales à base de dicamba ne soient autorisées sur ces cultures. Mais en novembre 2016, c’était chose faite : l’EPA délivrait les autorisations pour trois herbicides à base de dicamba.

En 2017, des plaintes pour dommages environnementaux

Mais le flot de témoignage continue. En juillet 2017, l’EPA indique sur son site Internet avoir reçu, entre juin et fin août 2017, 2 400 rapports d’agriculteurs à propos du dicamba. Début juillet, des « centaines » de rapports avaient déjà été reçus en provenance d’Arkansas, du Missouri et du Tennessee. Selon les rapports reçus, l’EPA indique que les dommages sont liés à « la volatilité et à la dispersion physique par les airs » du dicamba lors de son application. Et de préciser que les cultures endommagées incluent « sans y être limitées, du coton non tolérant au dicamba, des cultures ornementales, des légumes comme des tomates, certaines espèces d’arbres, ainsi que des espèces de pastèque et de raisin ». Des rapports qui ont obligé l’EPA a publié une nouvelle note de conformité pour rappeler que les autorisations commerciales ont été données sous restrictions : pas d’application par avion, pas d’application si la vitesse du vent est supérieure à 15 miles par heure (soit environ 24 km/h), application seulement à l’aide de tuyaux pressurisés de manière spécifique et mise en place de zones tampon selon la direction du vent…

Dès janvier 2017, des associations portent plainte en justice contre l’EPA

Pourtant, certains acteurs avaient tiré la sonnette d’alarme. Dès janvier 2017, quatre organisations de la société civile [5] portaient plainte à San Francisco contre l’EPA pour ne pas avoir respecté la procédure de consultation lors du traitement de la demande d’autorisation des herbicides à base de dicamba en 2016 : l’EPA n’avait en effet pas consulté certains services du gouvernement [6]. Pour les plaignants, à l’instar de Georges Krimbell du Center for Food safety (CFS), « le législateur fédéral a abandonné les intérêts des agriculteurs, de l’environnement et de la santé publique. Nous n’autoriserons pas que notre alimentation soit empêtrée dans un cauchemar de pesticides, pas sans nous battre » [7].

Des états interdisent le dicamba

Face à ces dommages, certains états ont pris des mesures. En juillet 2017, les états du Missouri et du Tennessee restreignaient l’utilisation du dicamba [8]. Dans le cas du Missouri, ces mesures de restriction mettaient un terme à une interdiction du Dicamba qui n’aura donc duré que quelques jours. Le même mois, l’Arkansas interdisait jusqu’en avril 2018 la vente et l’utilisation du Dicamba en agriculture (avec des exceptions comme pour le jardinage) [9]. Sur recommandation d’un comité spécialement créé sur le sujet du dicamba, l’état de l’Arkansas pourrait également décider de prolonger cette interdiction au-delà de cette date du 18 avril 2018. Une éventualité contre laquelle Monsanto s’est déjà mobilisé en écrivant au gouvernement d’Arkansas qu’une telle date « n’est basée sur aucune donnée scientifique et encore moins sur un consensus scientifique » [10]. Mais comment obtenir des données scientifiques si, comme Reuters l’a révélé en août, Monsanto refuse « que des chercheurs universitaires étudient la volatilité de son herbicide XtendiMax avec VaporGrip » ? [11].

Le volet juridique ne s’arrête pas là. Car en juillet 2017, un recours collectif en justice (class-action) a été initié contre Monsanto auprès de la Cour du Missouri par des agriculteurs s’estimant victimes [12]. Et pendant ce temps, l’Union européenne a déjà autorisé deux plantes génétiquement modifiées et étudie les demandes d’autorisation de trois autres, toutes cinq étant modifiées pour tolérer… le dicamba [13].

[3cf. note 1

[5National Family Farm Coalition, Center for Food Safety, Center for Biological Diversity et Pesticide Action Network

[7Ibid

[13Deux sojas GM contenant l’évènement MON87708 ont été autorisés pour l’importation : le soja MON87708 (24 avril 2015), et le soja MON87708*MON89788 (22 juillet 2016). Deux autres sojas sont en attente d’autorisation, toujours pour l’importation : le soja MON87705*MON87708*MON89788 et le soja MON87751*MON87701*MON87708*MON89788. Le coton MON88701 est, lui, en attente d’autorisation commerciale pour l’importation.

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