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Comitologie – Des eurodéputés souhaitent plus de transparence

Par Charlotte KRINKE

Publié le 08/03/2018

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En février 2017, la Commission européenne proposait de modifier le règlement dit « comitologie ». Son objectif était de ne plus avoir à prendre la décision finale sur des sujets sensibles, dont les OGM, faute d’accord entre États membres. La proposition est actuellement en discussion au Parlement européen. La commission « agriculture » de ce dernier a déjà publié un projet d’avis avec le souhait d’une réforme plus ambitieuse, notamment en matière de transparence. La commission « environnement », elle, a adopté le 27 février dernier un avis : elle veut aussi aller plus loin en matière de transparence.

C’est l’un des nombreux points contestés de la prise de décision, dans l’Union européenne, relative aux OGM : la procédure de « comitologie ». Cette procédure – qui n’est pas propre aux OGM – vise à permettre aux États membres de surveiller la Commission européenne dans l’adoption de certaines décisions. En matière d’OGM par exemple, la Commission ne peut pas décider seule d’autoriser leur importation. Les États membres doivent d’abord avoir émis un avis sur la question dans le cadre de comités où ils sont représentés par des experts (d’où l’expression « procédure de comitologie » [1]).

Comitologie : une procédure opaque

La procédure de comitologie est largement critiquée pour son opacité : alors même que le vote émis au sein des comités a une influence directe sur la décision que prendra la Commission européenne, l’identité des représentants des États membres n’est pas rendue publique, pas plus que ne le sont les motifs et la nature de leur vote. Pour Inf’OGM, dont la mission est « de pousser les pouvoirs publics à une véritable transparence de l’information » et qui a consacré un dossier sur la transparence dans son dernier journal [2], l’opacité de la procédure de comitologie s’ajoute aux éléments illustrant la relation tendue entre OGM et transparence.

Mais la procédure de comitologie est également insatisfaisante pour la Commission européenne. En effet, l’incapacité actuelle des représentants des États membres à se mettre d’accord sur ses projets de décision lors des votes en comité – par exemple sur des autorisations d’importation d’OGM – fait peser sur la Commission l’obligation de prendre la décision finale. Et sur des matières sensibles, comme les OGM, elle aimerait ne pas avoir à le faire. C’est là la principale motivation qui sous-tend la proposition de modification du règlement « comitologie » [3] [4].

Afin de réduire les cas d’absence de votes à la majorité qualifiée (pour ou contre) en comité d’appel (le second vote quand les représentants des États membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord lors d’un premier vote), la Commission propose, notamment, de faire de la transparence un outil de pression. Actuellement, seule l’issue du vote est rendue publique. La Commission propose que le soit également le vote individuel des États membres. Ces derniers seraient de cette manière contraints d’assumer publiquement leur position.

Toutefois, pour les commissions « agriculture et développement rural » et « environnement » du Parlement européen, deux commissions parlementaires compétentes pour avis, la proposition de la Commission européenne ne va pas assez loin en matière de transparence [5]. Pourquoi en effet faire les choses à moitié puisque la longue procédure de modification du règlement est désormais ouverte ?

Les commissions parlementaires proposent des amendements visant à renforcer les obligations de transparence mais aussi de motivation. Ainsi pour la commission « agriculture », devraient être publics non seulement l’issue du vote et le vote individuel de chaque État membre, mais encore « la composition des comités, l’assiduité à ces comités et […] les autorités des États membres qui y participent » [6]. Aujourd’hui, si l’on sait que les comités sont composés de représentants des États membres siégeant au titre d’experts, on ne connaît ni leur identité, ni s’ils participent effectivement aux réunions des comités. On ne sait pas non plus au sein de quelles institutions, agences ou entreprises ils travaillent. Si détecter des conflits d’intérêts est difficile dans ces circonstances, l’absence de transparence sur la composition des comités ne contribue pas à apaiser d’éventuels doutes.

La commission « agriculture » propose, en outre, de rendre publique la motivation des votes des États. Une proposition que la commission « environnement » du Parlement européen reprend également dans son avis adopté le 27 février 2018 [7]. La commission « environnement » souhaite ainsi que la publicité du vote individuel des États membres soit assortie d’une explication, que les États aient voté en faveur, contre ou se soient abstenus. Pour la commission « environnement », il est essentiel que les États membres qui se sont abstenus (et dont la voix ne sera plus prise en compte dans le calcul de la majorité qualifiée si la proposition de la Commission européenne est adoptée) puissent expliquer leur position, l’abstention pouvant être un « choix politique ».

Aujourd’hui, seule la motivation des États membres ayant voté en faveur d’un projet de décision de la Commission européenne est (parfois) rendue publique. Les raisons des abstentions ou des votes négatifs sont simplement énumérées sans être argumentées et attribuées nommément à un État membre. Difficile dans ces conditions de savoir pourquoi, par exemple, l’Allemagne s’est abstenue lors du vote sur le projet de décision autorisant l’importation du soja transgénique DAS-68416-4 le 12 juillet dernier…

Enfin, la commission « environnement » propose aussi de ne pas limiter la publicité des votes aux seuls votes qui ont lieu en comité d’appel mais de l’étendre aux votes qui ont lieu au sein du comité permanent.

Commission et société civile : même combat pour la transparence des États ?

Les propositions des commissions « agriculture » (contenues dans un projet d’avis non définitif) et « environnement » montrent à quel point la modification des règles de comitologie pourrait être une véritable opportunité pour renforcer la transparence du processus décisionnel, notamment en matière d’OGM. Elles rejoignent une demande formulée de longue date par les organisations de la société civile, dont Inf’OGM [8]. Si les propositions de la commission « agriculture » étaient retenues, la transparence accrue de la procédure de comitologie viendrait se joindre à certaines avancées déjà obtenues en matière de transparence dans le domaine des OGM : étiquetage partiel des produits OGM, accès aux données des demandes d’autorisation d’OGM (de manière restreinte néanmoins), localisation des essais en champ…

Les avis définitifs des commissions compétentes pour avis seront transmis à la commission « affaires juridiques » du Parlement européen, compétente au fond sur la proposition de modification du règlement « comitologie ». C’est sur le rapport de cette dernière, adopté après les avis des différentes commissions parlementaires compétentes, que les députés européens se prononceront lors d’un vote en séance plénière dont la date n’est pas encore connue.

Quant au Conseil de l’Union européenne, il a déjà engagé des discussions sur la proposition de la Commission européenne, mais aucune position n’a pour l’heure été arrêtée [9].

Finies les décisions d’autorisation en l’absence de majorité qualifiée ?


Il est souvent reproché à la Commission européenne d’adopter ses projets de décision – d’autorisation d’OGM par exemple – alors même qu’aucun avis favorable n’a été émis à la majorité qualifiée lors des votes en comité. La Commission se plaint pourtant d’être en première ligne pour recevoir la critique des citoyens européens contre des décisions qu’ils ne soutiennent pas. Mais sa proposition de modification ne comporte aucune mesure lui évitant à coup sûr cette situation inconfortable. Une lacune que propose de corriger la commission agriculture du Parlement européen dans son projet d’avis : en cas d’absence d’avis favorable adopté à la majorité qualifiée, la Commission n’adopte pas le projet de décision et l’autorisation est considérée comme non accordée. Michèle Rivasi, députée européenne EELV, avait déjà confié à Inf’OGM que son groupe proposerait aussi un amendement en ce sens.

[4Règlement (UE) n°182/2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission.

[5La commission « agriculture et développement rural » propose d’autres amendements à la proposition de la Commission européenne : par exemple, de supprimer l’article prévoyant d’ignorer les États membres abstentionnistes ou non présents lors du vote en comité d’appel dans le calcul de la majorité qualifiée, et d’insérer un article prévoyant qu’en l’absence d’avis favorable adopté à la majorité qualifiée sur un projet de décision de la Commission européenne, cette dernière n’adopte pas le projet – l’autorisation serait alors considérée comme non accordée (voir encadré dans cet article).

[7Parlement européen, Opinion on the proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council amending Regulation (EU) No 182/2011 laying down the rules and general principles concerning mechanisms for control by Member States of the Commission’s exercise of implementing powers, 2017/0035(COD), Février 2018.

[9Certains parlements nationaux ont fait connaître leur avis sur la proposition de la Commission européenne. C’est le cas des parlements polonais et tchèque. Les deux se montrent réticents à la proposition, le parlement tchèque estimant pour sa part que, selon lui, la publicité des votes individuels des représentants des États membres conduira à des votes motivés par des fins et opinions politiques plus que « professionnelles ». Voir Parliament of the Czech Republic, Chamber of deputies, Committee for European affairs, Proposal for a regulation of the European Parliament and the Council on amending Regulation (EU) No 182/2011 laying down the rules and general principles concerning mechanisms for control by Member States of the Commission’s exercise of implementing powers, Resolution n°398, Juin 2017.

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