Le ministre d’État de l’Agriculture de la République d’Irlande, Andrew Doyle, a confié au journal The Irish Times que selon lui une réflexion devrait être engagée pour créer un statut « sans OGM » applicable à l’ensemble de l’île, afin de maintenir la biodiversité [1]. Il s’agirait ainsi de faire de l’île un « réservoir » de semences de variétés non génétiquement modifiées en cas de crise alimentaire mondiale.
La déclaration du ministre rejoint les demandes de certaines associations irlandaises opposées aux OGM. Selon l’association GM-Free Ireland, l’Irlande pourrait être l’une des zones sans OGM les plus fiables en Europe. Sa situation géographique réduit en effet les risques de contaminations transfrontières, puisque des contrôles peuvent être faits aux points d’entrée des semences ou des aliments pour animaux génétiquement modifiés. Par ailleurs, l’isolation géographique du continent européen et les vents majoritairement atlantiques rendent le nombre de cas de contamination par le biais du pollen et des semences emportés par le vent plus faible. L’île n’est cependant pas tout à fait exempte d’OGM. Même si la République d’Irlande n’a pas eu recours à la possibilité d’exclure son territoire des autorisations de cultures accordées au niveau de l’Union européenne [2], il est vrai qu’il n’y a actuellement pas, et il n’y a pas eu par le passé, de culture commerciale de plantes transgéniques en République d’Irlande, ni en Irlande du Nord [3]. En revanche, de 2012 à 2016, il y a eu un essai en plein champ d’une pomme de terre génétiquement modifiée [4] en République d’Irlande. Les agriculteurs de l’île sont en outre très dépendants des importations de soja et maïs génétiquement modifiés pour l’alimentation de leur bétail.
Ce n’est pas la première fois que l’unification des deux parties de l’île sous la bannière « sans OGM » est évoquée. En 2007 déjà, le programme du gouvernement de la République d’Irlande prévoyait qu’il chercherait à négocier la mise en place d’une zone sans OGM applicable à l’île irlandaise dans son ensemble [5]. En 2008, les ministres de l’Agriculture de la République d’Irlande et de l’Irlande du Nord avaient même annoncé, lors d’une conférence consacrée à l’alimentation, leur intention de faire de l’île une zone sans OGM. Des aspects commerciaux motivaient entre autres cette intention : le ministre de l’Agriculture de la République d’Irlande d’alors, Trevor Sargent, affirmait ainsi que « l’option pour nous en Irlande est très claire : Irlande – l’île nourricière : nous pouvons vendre cela ! […]. Partout où sont nos principaux marchés, ils veulent cette nourriture verte et propre de l’île nourricière. Qu’en serait-il si Bord Bía [l’Office alimentaire irlandais] essayait de vendre l’Irlande – le laboratoire GM ? […] Je vous le dis, ce serait la fin ! » [6].
Ces engagements, qui ne visaient pas la ré-unification de l’île, n’avaient pas été suivis d’effets. Lors de sa déclaration, l’actuel ministre de l’Agriculture a précisé qu’il exprimait un avis personnel et que celui-ci n’était pas partagé par l’Autorité de développement agricole et alimentaire [7] – qui « suit la science » selon le ministre. Une manière de ne pas décevoir si la déclaration subit le même sort que les précédentes, tout en s’attirant des électeurs...