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Google éradique aussi les moustiques

Par Christophe NOISETTE

Publié le 27/07/2017

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Une des filiales de Google, Verily, en lien avec MosquitoMate, une entreprise du Kentucky, a lancé le projet DeBug qui vise à disséminer d’importantes quantités de moustiques rendus stériles pour espérer affaiblir la population de moustiques sauvages et ainsi lutter contre des maladies telles que la dengue ou le zika. Le premier lâcher est prévu à Fresno, dans l’état de Californie et concerne 20 millions de mâles stériles.

« Nous essayons d’arrêter les mauvais moustiques en élevant et disséminant de bons moustiques »… Cette phrase, extraite du site Debug [1], a le mérite d’être claire et s’inscrit dans une vision manichéenne du bien et du mal. Debug, c’est un projet d’éradication des moustiques Aedes aegypti conjoint à Verily [2], une filiale de groupe Google et de MosquiMate [3]. Ce projet consiste à disséminer pendant 20 semaines, à raison de un million de moustiques par semaine, des moustiques mâles rendus stériles dans deux zones de 150 hectares du comté de Fresno : Fancher Creek et Harlan Ranch. Ce projet a reçu l’autorisation du ministère étasunien à l’Environnement (EPA) [4], car ces moustiques sont considérés comme des « bio-pesticides ».

Techniquement, la stérilité est obtenue en inoculant la bactérie Wolbachia à des moustiques. Cette technologie est aussi utilisée par des chercheurs de la Réunion [5]. Cette technique est différente des techniques basées sur des moustiques génétiquement modifiés au sens classique du terme, telle que celle développée par Oxitec et expérimentée dans plusieurs États – îles Caïmans [6], Malaisie [7] [8], Brésil [9] [10], Panama [11].

Il y a, affirme à Inf’OGM Frédéric Jourdain, chercheur au Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV, Montpellier), une certaine forme de manipulation génétique avec la stratégie Wolbachia qui consiste à introduire une bactérie exogène par des techniques humaines. « Tout dépend de la définition qu’on donne au sigle OGM », souligne-t-il.

Interrogé sur l’efficacité de cette méthode, là aussi, il se montre prudent. Ces techniques ont déjà montré une certaine efficacité sur la réduction des populations de moustiques (en particulier dans des milieux restreints, type insulaire) mais n’ont pour l’heure pas encore pu démontrer une efficacité en terme de réduction de la transmission de virus (dengue, chikungunya, zika). Pour lui, les stratégies les plus efficientes à l’heure actuelle sont celles qui permettent un « remplacement de la population sauvage par une population réfractaire à un virus spécifiquement », comme ce qui se fait actuellement en Australie. Ceci dit, il nous met en garde contre de nombreuses inconnues. Ainsi se demande-t-il si la dissémination d’insectes réfractaires à de tels virus ne favorisera pas le développement d’autres virus. De plus, ces lâchers (dits auto-entretenus) sont, de fait et en théorie, moins contrôlables que les autres.

Un premier lâcher avait déjà eu lieu l’année dernière


L’EPA avait déjà donné son accord, en 2015, pour un lâcher de moustique stérilisé par Wolbachia en 2016, dans le même comté de Fresno, en Californie, lâcher piloté par l’Université du Kentucky. « Dans cette étude pilote, nous avons appris beaucoup de choses sur la façon dont les moustiques ont survécu et se sont dispersé et nous comprenons mieux la corrélation entre le nombre de moustiques disséminé et l’impact sur la population. Cette année, nous élargirons et améliorerons l’étude dans le but de produire des réductions plus importantes et un meilleure contrôle ».

Les autres stratégies nécessitent des lâchers réguliers (stérilisation des mâles par irradiation, transgenèse ou Wolbachia induisant une incompatibilité cytoplasmique). Elles nécessitent donc des infrastructures et des ressources plus importantes qui doivent être entretenues sur le long terme.

Il précise aussi que « quelle que soit la méthode, tout aussi innovante qu’elle soit, ce ne sera jamais la panacée ». Elle doit être considérée comme une composante d’une lutte intégrée faisant appel à l’ensemble des outils disponibles.

 

Il est également indispensable que ces techniques soit évaluées non seulement a priori mais également tout au long de leur mise en œuvre si elles venaient à atteindre un stade opérationnel. Cette évaluation devrait non seulement porter sur la réduction des populations de moustiques visés mais également sur l’épidémiologie des maladies qu’elles visent à limiter.

Certaines de ces techniques ont déjà été mises en œuvre avec succès. La technique de stérilisation par irradiation a ainsi été déployée contre d’autres espèces d’insectes, en particulier d’intérêt agricole (lucilie bouchère, mouche méditerranéenne des fruits ) mais également sanitaire (mouche tsé-tsé à Zanzibar, une île au large de la Tanzanie). Le lâcher en Australie de moustiques infectés par des Wolbachia bloquant la transmission de certains virus semble avoir remplacé efficacement les populations sauvages dans la durée.

 

Frédéric Jourdain considère que ces stratégies présentent néanmoins des avantages majeurs en termes de réduction de l’utilisation de produits chimiques ainsi que de spécificité vis-à-vis de l’insecte ciblé, limitant ainsi les impacts non-intentionnels sur la faune non cible. Ces questions, finit-il par conclure, sont très « complexes » et nécessitent de la prudence.

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