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États généraux de l’alimentation (#EGalim) : lettre aux mangeurs

Par Inf’OGM

Publié le 18/07/2017

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Chers mangeurs,

Aviez-vous entendu parler de l’intention du Président Macron d’organiser rapidement des États généraux de l’alimentation (#EGalim) ? Ces États généraux nous concernent tous, car nous sommes tous des mangeurs ! Aviez-vous compris que ce chantier serait lancé pendant la traditionnelle trêve des vacances d’été, et pensez-vous prendre du temps, maintenant, pour décrypter les enjeux autour de nos assiettes ?

Chers mangeurs, Inf’OGM salue cette initiative qui répond au constat de graves dysfonctionnements dans le système agricole et alimentaire en France, en Europe et dans le monde depuis de nombreuses années. Mais, alors que la voie des biotechnologies est mainte fois présentée comme la solution aux besoins alimentaires d’une population mondiale en croissance constante et que cette solution clé en main est pourtant largement contestée, nous sommes surpris de voir que des OGM, il ne sera pas directement question ! Est-ce à dire que la question est déjà tranchée pour le gouvernement ?

Difficile de connaître la réponse tant l’organisation de ces États généraux se déroule dans l’urgence et l’opacité.

Initialement prévue début juillet, la journée de lancement de ces États généraux aura finalement lieu le 20 juillet. Mais, à une semaine de ce lancement, le 13 juillet, Inf’OGM a appris des personnes en charge de son organisation au Ministère de l’Agriculture que ni les documents officiels, ni le calendrier et la liste des 14 ateliers repartis en deux chantiers [1], n’étaient « finalisés ». Impossible de savoir comment les participants aux ateliers ou les Grands Témoins [2] seront sélectionnés. Impossible de vraiment savoir comment s’impliquer à une semaine du démarrage. Les enjeux sont pourtant trop importants pour être discutés dans l’opacité et la précipitation : cela crée de la confusion alors que nous avons tous besoin de savoir avec clarté ce que nous mettons dans nos assiettes.

Cette précipitation et cette opacité empêchent que soient débattues, collectivement, les conditions dans lesquelles ce débat national aura lieu. Il est dit que ces États généraux doivent être clos en amont des négociations commerciales de 2018 [3]. Autrement dit, le calendrier fixé répond aux enjeux du marché mondial. Nombreux sont pourtant les rapports d’organisations (CCFD, Oxfam, Grain, etc.) qui montrent que la libéralisation des marchés est un facteur prépondérant de la crise agricole. Dès lors, n’y a-t-il pas une autre manière de poser le débat et de fixer l’agenda d’une telle démarche ?

Alors que les États généraux sont organisés par la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (et non par la Direction générale de l’alimentation), qu’est-ce qui garantit que ce sera l’intérêt général qui sera défendu, et non l’intérêt d’un système économique déjà défini ? Il ressort d’une version provisoire qu’Inf’OGM s’est procurée que les États généraux sont placés sous une dominante économique. Le premier chantier est en effet intitulé « Création et répartition de la valeur » [4]. Pour le gouvernement, la question de l’alimentation semble donc être avant tout une question économique et d’organisation de la production.

La politique consiste à choisir

Nous pouvons supposer que le flou qui entoure l’organisation des États généraux tient à des désaccords au sein même du gouvernement. Nous savons par expérience que certains sujets, comme celui des OGM, ne sont pas consensuels. Les pouvoirs publics doivent faire un choix entre des modèles agricoles incompatibles. Les OGM font partie de ces éléments que nous ne maîtrisons pas et qui impliquent des conséquences irréversibles. Or, certains d’entre eux (colza, tournesol), rendus tolérants aux herbicides par mutagénèse in vitro, sont déjà cultivés sur le sol français en l’absence de toute évaluation et d’information du consommateur. Et les OGM issus des nouvelles techniques de modification génétique arrivent… Le débat est donc nécessaire et loin d’être clos.

L’enjeu de ces États généraux résidera certainement dans la capacité des participants à transformer ce « livrable ». En effet, dans la version du texte gouvernemental, l’objectif de ces EGA est que « chaque participant doit pouvoir trouver, dans les conclusions, des recommandations qui l’intéressent, afin de réussir la mobilisation collective qui est un des livrables essentiels de ces États généraux ». Soyons réalistes et raisonnables, il faudra faire des choix, débattre de points non consensuels. Les choses pourraient bouger à condition que l’enjeu ne soit pas de faire plaisir à tous, de l’actionnaire de Nestlé aux paysans bio. Ce n’est pas possible. La politique consiste à choisir, à décider, et non à créer l’illusion d’une société sans tension. Les États généraux ne pourraient-ils pas être l’occasion réfléchir aux conditions d’un modèle agricole soutenable ?

Pour nous, seul le « débat sur le débat » permet de créer les conditions optimales d’États généraux ou de toute autre instance qui aurait pour rôle d’alimenter de façon pertinente un débat public. Il est toujours préférable de savoir quelle est la méthodologie choisie avant de s’engager pour éviter toute forme de manipulation ou de déception.

Une consultation publique doit démarrer sur Internet et nous en saurons bientôt davantage sur le mode de participation. Nous ne manquerons pas de décrypter ce débat au cours de ces très nombreux ateliers.

[1Le texte gouvernemental provisoire parlait d’un chantier prioritaire de la création et de la répartition de la valeur et d’un second chantier sur une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous.

[2« … qui peuvent être un acteur économique, un élu, un porteur de projet (…) qui ont réussi dans la mise en œuvre d’un projet innovant. » selon le document provisoire du ministère, relatif à l’organisation des ateliers.

[3La loi de modernisation économique (LME) de 2008 – inspirée du rapport de la commission Attali « pour la libération de la croissance française », et en bonne partie rédigé par Emmanuel Macron – instaure la liberté de négociation des prix entre les centrales d’achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs pour « augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs en favorisant des baisses de tarifs ».

[4Voici quelques intitulés d’ateliers : Atelier 3 : « Développer la bio-économie et l’économie circulaire », Atelier 4 : « Conquérir de nouvelles parts de marchés sur les marchés européens et internationaux et faire rayonner l’excellence du modèle alimentaire et le patrimoine alimentaire français en France et à l’international », Atelier 6 : « Adapter la production agricole aux besoins des différents marchés et aux besoins des transformateurs ».

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