n°146 - juillet / août 2017

Le secret des affaires entrave la transparence

Par Corporate Europe Observatory (CEO)

Publié le 18/10/2017

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Nous sommes en mars 2017. L’association Corporate Europe Observatory (CEO) publie un rapport montrant la domination des entreprises au sein de comités consultatifs de la Commission européenne. Pas une grande surprise pour CEO, même si de nouvelles règles de fonctionnement de ces comités venaient d’être mises en place. En 2016, la Commission avait pourtant su élaborer une législation pour protéger le « secret des affaires »…

Les comités consultatifs internes à la Commission européenne interviennent souvent au début de la construction législative européenne. Et tous les participants, que ce soit à titre individuel ou au nom d’entreprises, doivent suivre de nouvelles règles adoptées en 2016. Selon CEO, après avoir étudié dix comités, plus de la moitié sont dominés par les entreprises qui représentent 70 % des experts nommés ; et moins de la moitié des experts agissant à titre individuel n’ont pas de conflits d’intérêts. Le souci est que ces comités ne sont pas l’Autorité européenne de sécurité des aliments ou un autre comité d’experts : ce sont des comités qui conseillent sur les législations à adopter…

Des comités d’experts déséquilibrés

En juin 2016, la Commission européenne publie ses nouvelles règles quant au fonctionnement de ses comités de conseil, également appelés comités d’experts. Malgré la campagne préalable des associations Alter-EU et CEO, ainsi que le blocage temporaire du budget de ces comités par les parlementaires européens et l’implication prioritaire du médiateur européen, le résultat est décevant pour CEO qui souligne néanmoins deux points positifs : le fichier de membres de ces groupes sera croisé avec le fichier de lobbyistes (fichier toujours lacunaire puisque volontaire), permettant d’identifier qui est qui au sein des comités ; et la déclaration de conflits d’intérêts sera formalisée. Mais pour le reste…

CEO souligne de nombreux points entachant le fonctionnement de ces comités. Le premier est que ces informations sont lacunaires. Comme le souligne CEO, « le public ne peut (…) savoir [par exemple] combien d’entreprises sont représentées […] par rapport aux ONG ». Le second est que les mesures en cas de conflit d’intérêts sont assez faibles : l’axe pris n’est pas d’édicter des conséquences claires mais de laisser à l’appréciation de la Commission « le degré auquel on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’intérêt influe sur le conseil individuel ». Aucun critère objectif donc… D’autant que ces mesures ne s’appliquent qu’aux individus, et non aux entreprises qui continuent donc de pouvoir siéger directement dans ces comités. Enfin, les « délibérations peuvent être rendues publiques » sur décision de la majorité simple des membres d’un comité. Autant dire qu’elles peuvent surtout ne pas l’être !

Mais le pire est à venir. Car les nouvelles mesures ne mettent rien en œuvre pour assurer un équilibre entre les représentations des intérêts privés et les représentations des intérêts publics. Cela induit qu’au sein d’un comité, vingt membres peuvent représenter les entreprises et cinq les ONG. Au vu de la différence de moyens matériels entre ces deux types d’acteurs, le déséquilibre est plutôt flagrant.

La loi protège le « secret des affaires »

À la même période, en juin 2016, l’Union européenne adopte sa nouvelle directive surnommée « Secret des affaires ». Cette directive prévoit des mesures de « réparation » en cas « d’obtention, d’utilisation et de divulgation illicites de secrets d’affaires ». Il devient donc illégal de détenir ou diffuser des informations jugées confidentielles par son propriétaire (qui doit néanmoins le justifier).

CEO s’est inquiété tout le long des discussions des dérives que cette directive représente. Car si l’objectif premier était de lutter contre l’espionnage ou le vol de recettes ou de secrets de fabrication industrielle, la directive peut aussi couvrir des rapports internes de pollution, d’optimisation fiscale, ou, en lien direct avec le dossier OGM, des études scientifiques montrant des impacts mais appartenant aux entreprises. Et si le travail de journalistes, syndicalistes ou autres lanceurs d’alerte fait l’objet d’exemptions, CEO s’inquiète dorénavant des transpositions en droit national, les États ayant « plus de liberté pour rendre ce texte encore pire que pour l’améliorer ».

L’actualité 2016 de la Commission et les deux textes adoptés ne constituent pas une grande publicité en faveur de la transparence. Si les entreprises ont vu leurs données et secrets faire l’objet d’une législation dédiée qui fragilise la transparence, elles ont également vu leur place et représentation indirecte dans les comités d’experts confirmée. Deux textes, deux occasions ratées de promouvoir la transparence. Comme si les dossiers OGM et glyphosate avaient plus joué le rôle d’alerte que d’exemple…

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